Groupe des neuf
Quelle santé publique dans les programmes des candidats à la présidentielle de 2012 ?
1/ une démarche
Le « groupe des neuf » est un agrégat de personnes qui se sont d’abord intéressées individuellement à la relation entre la connaissance scientifique et la décision politique. Sur cette base s’est construite une impossibilité de demeurer passif face aux implications humaines des situations auxquelles elles étaient confrontées. Annah Arendt a décrit cette incapacité de se regarder dans une glace si l’on demeure passif face à une situation que l’on considère comme inacceptable. Dans ce contexte, se rapprocher d’un autre pour agir plus efficacement se perçoit comme une nécessité. Le passage de un à deux, puis à cinq et enfin à neuf s’est fait naturellement au cours des quarante dernières années.
Nous avons appris à poser les questions clés, celles qui mettent en évidence ce que sont les décideurs politiques. Lisez les réponses à nos questions, vous découvrirez le mode de fonctionnement intellectuel de ceux qui, avec une équipe, expriment avec une précision variable la hiérarchie de leurs références. Bien entendu les moyens des équipes sont très différents, mais la qualité du texte produit dépend avant tout d’une hiérarchisation des priorités des candidats, du niveau de leurs connaissances et de leur sincérité.
Dans le champ très étendu de la sécurité sanitaire, nous privilégions les facteurs de risque qui font perdre le plus grand nombre d’années de vie, le tabac, l’alcool, le surpoids, ou l’insécurité routière et nous tentons de dissocier la sincérité de la réponse et son adéquation à notre proposition. La sincérité dans l’opposition a une valeur bien différente de la manipulation des concepts emballée d’une démagogie facile. Nous produisons donc un double classement, il est à nos yeux un indicateur qui doit inciter les lecteurs à lire les textes des candidats, reproduits intégralement sur le site.
- François BOURDILLON
- Gérard DUBOIS
- Irène FRACHON
- Claude GOT
- François GREMY
- Catherine HILL
- Albert HIRSCH
- Chantal PERRICHON
- Maurice TUBIANA
2/ nos propositions
Nos propositions sont détaillées sur ce site www.securite-sanitaire.org.- Pour le tabagisme, 20 ans après l’adoption de la loi Evin, la protection des non-fumeurs a fait des progrès, mais la consommation n’a pas baissé depuis 2004. Près d’un tiers de la population française fume. Il est nécessaire d’accentuer notre politique de lutte contre le tabagisme notamment en augmentant le prix du tabac et en adoptant le paquet neutre, débarrassé de tout aspect promotionnel.
- L’alcool demeure dans notre pays un produit soutenu et promu. La consommation moyenne des Français est proche de 3 verres par jour, une des plus élevées d’Europe. Il est nécessaire d’éviter les excès publicitaires en revenant à la version initiale de loi Evin et de taxer le produit par gramme d’alcool.
- La nécessité de prévenir le surpoids et l’obésité, facteurs majeurs de maladies et de dépendance, est enfin entrée dans les esprits. La France n’a pas su pour autant développer des étiquetages informatifs pertinents et maîtriser la publicité pour les aliments complexes produits industriellement.
- Depuis 2002, la lutte contre l’insécurité routière a sauvé plus de 30 000 vies et évité autant de handicaps graves, mais les progrès sont interrompus depuis la fin de 2006. Il faut donc poursuivre la réduction des vitesses de circulation et développer les nouvelles technologies quand elles sont facteurs de sécurité. Ces actions doivent être associées à l’expertise indépendante de l’infrastructure routière demandée depuis des décennies.
A ces actions sur des causes clairement identifiées, nous ajoutons deux propositions concernant les médicaments et la possibilité de conduire des actions collectives devant les tribunaux.
- La formation des médecins à la prescription doit être indépendante. Il n’est pas acceptable que la promotion des médicaments soit assurée par des publicitaires et des visiteurs médicaux. S’agissant d’une pratique de marketing, il y a conflit d’intérêt. Les médecins doivent être formés par leurs pairs et par les publications scientifiques décrivant objectivement les avantages et les inconvénients des produits. Nous demandons la suppression totale de la publicité pour l’ensemble des médicaments, qu’ils soient ou non remboursés par la sécurité sociale.
- La démarche judiciaire des victimes de dommages corporels doit être facilitée par l’introduction du recours collectif dans le Droit français et cette facilitation des recours ne doit pas se limiter aux conflits dont l’enjeu financier est faible. Les procès des deux dernières décennies, allant des contaminations par le VIH à l’hormone de croissance contenant des prions, ont mis en évidence les erreurs et les fautes commises. Le recours collectif associe à l’amélioration de la défense des droits des victimes un progrès dans le développement des connaissances.
Nous avons souvent utilisé l’expression d’épidémie industrielle pour insister sur l’importance de la production de masse dans le développement rapide au niveau mondial de certains produits dangereux pour la santé. Ce n’est pas la production industrialisée en tant que telle qui est en cause, mais l’occultation ou la négation des risques encourus et la promotion publicitaire pour des raisons économiques. Le service rendu, l’utilité et la conservation de l’état de santé s’effacent devant le seul profit.
Ne pas être soumis à la publicité pour le tabac, avoir le droit de ne pas être enfumé, échapper à la promotion du trop gras, trop salé, trop sucré et ne pas être exposé sur la route à des conducteurs sous l’influence de l’alcool ou qui roulent trop vite, ne sont pas des exigences abusives. Ce sont des choix qui défendent des libertés fondamentales dont il faut assurer le respect. Nous ne devons pas nous soumettre à des démarches qui allient l’irresponsabilité à la cupidité.
Il ne faut pas attendre que le couple experts-décideurs fasse son travail en dehors des citoyens, mais développer le débat en le nourrissant de propositions argumentées pour obtenir des décisions. C’est d’autant plus nécessaire et difficile que les politiques ont peur des catastrophes de santé publique et gèrent les échecs sans accorder aux actions de prévention la place et les moyens indispensables.
La prévention est efficace quand un débat réunit et confronte les positions des citoyens, des associations, des experts, de l’administration et des politiques. Ceux qui ne croient pas à la force de la démocratie sanitaire n’ont pas de culture de santé publique. Une société qui remplace les instituteurs et les professeurs par les publicitaires est en perdition .Des mesures préventives efficaces ont souvent été initiées par des scientifiques qui ont réussi à partager leurs convictions argumentées avec l‘opinion publique.