le tabac

La consommation de tabac répartie uniformément dans la population de 15 ans et plus était de 3 grammes par jour en 2015 ; cette consommation est estimée en supposant que les achats dans le circuit des buralistes représentent 80% de la consommation, les achats transfrontaliers 15% et la contrebande 5%. Les cigarettes manufacturées représentent 75% des achats, le tabac à rouler 18%, les cigares 5%, et le reste (pipe, prise et chique) 2%. Environ un tiers de la population fume ce qui implique une consommation moyenne de 9 grammes de tabac par jour par fumeur. Aujourd’hui les femmes et les hommes jeunes fument de la même manière, mais le passé tabagique de la population plus âgée est très différent chez les hommes et les femmes, ces dernières ayant comporté beaucoup moins de fumeuses, alors que dans les années 50 et 60, 75% des hommes fumaient dans toutes les classes d’âge.

Les effets du tabac sur la santé de la population française sont très importants. On estime que le tabac a été la cause de 73 000 décès en 2013, c’est-à-dire 13% de la mortalité totale. Le tabac est ainsi, de loin, la première cause de décès évitables, et la première cause de cancer, devant l’alcool, les infections, l’alimentation etc. Toutes les enquêtes montrent une réduction d’environ 10 ans d’espérance de vie chez les fumeurs comparés à la population de même âge et sexe n’ayant jamais fumé. Aujourd’hui le seul cancer dont la mortalité augmente énormément dans la population française est le cancer du poumon chez la femme.

D’après tous les experts, et d’après l’Organisation Mondiale de la Santé et la Banque Mondiale, l’augmentation du prix réel du tabac, c’est-à-dire du prix corrigé de l’inflation, est le moyen le plus efficace pour faire baisser la consommation. Les fabricants fixent les prix, mais l’Etat définit le montant de la taxation ce qui lui permet de contrôler les prix. L’augmentation du prix doit être régulière et pour être réelle, elle doit être nettement supérieure à l’inflation. C’est ainsi que l’Australie a défini une politique efficace du prix avec une augmentation annuelle programmée. En France, au contraire, la politique du prix du tabac a consisté en de rares épisodes d’augmentation des prix du tabac notamment en 1991 et en 2003-2004, laissant la plupart du temps l’industrie décider de faire des augmentations modérées qui ne font pas baisser la consommation mais augmentent les revenus du tabac.

 Contrairement aussi à ce que prétendent certains experts, les populations les moins riches et les jeunes tirent un bénéfice plus important de l’augmentation du prix du tabac, dans la mesure où ils sont les plus sensibles à l’argument du prix et les moins sensibles aux arguments des effets bénéfiques sur la santé.

L’Organisation Mondiale de la Santé a rédigé une Convention Cadre de Lutte anti-Tabac que la France a ratifié en 2004. L’article 5.3 de cette convention énonce « en définissant et en appliquant leurs politiques de santé publique en matière de lutte antitabac, les Parties (ici, la France) doivent veiller à ce que ces politiques ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac, conformément à la législation nationale ». Or en France cette ingérence est considérable. Les preuves en sont multiples (Beguinot E, Eker F,  Martinet Y. Ingérence de l'industrie du tabac dans les politiques de santé publique. Paris : Le Publieur 2014). L’industrie du tabac influence directement les politiques publiques en rédigeant les textes proposés par certains députés et entretient des liens étroits avec les buralistes qui sont utilisés très efficacement comme moyen de pression contre toute mesure visant à faire baisser la consommation. Elle soutient les arguments largement fallacieux avancés contre une politique d’augmentation du prix du tabac, à savoir que les achats transfrontaliers, la contrebande et la contrefaçon vont augmenter, et que les plus pauvres seront lésés. Contrairement à ce que prétend l’industrie du tabac, les achats transfrontaliers et la contrebande n’ont pas augmenté depuis 2004, alors que les prix ont augmenté plusieurs fois. Une augmentation conséquente du prix dans un pays augmente naturellement les achats transfrontaliers, mais la contrebande n’augmente que si les contrôles ne sont pas faits. Quant à la contrefaçon, en première approximation, elle n’existe pas. C’est une fiction entretenue par l’industrie du tabac qui en profite pour insister sur la qualité de ses produits en alléguant une nocivité plus grande des produits de contrefaçon, négligeant le fait que le tabac « légal » tue au moins un fumeur régulier sur deux.

Comment expliquer la position du ministère des finances, très réticent à toute augmentation sérieuse des prix du tabac, alors qu’une telle augmentation lui garantit une augmentation très nette des recettes fiscales, ainsi entre 1991 et 2004 le prix réel du tabac a triplé, la consommation a été divisée par deux et les recettes fiscales en euros constants ont doublé ? En décembre 2015, l'Assemblée a voté l'alignement de la fiscalité du tabac en Corse sur celle en vigueur en France continentale, mais les amendements du gouvernement ont obligé les députés à revenir sur leur vote. Le secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert, a justifié cette nouvelle délibération par la volonté du gouvernement de ne "pas agir à ce stade sur ce levier" de la fiscalité dans sa lutte contre le tabagisme. Le tabac en Corse est 25% moins cher, ce qui place la France sous la menace d'une condamnation de la Cour européenne de justice.

Nos questions :

1/ En augmentant les taxes, porterez-vous à 10 € le prix du paquet de cigarettes dès 2017 ?

2/ En augmentant les taxes, vous engagez-vous à porter progressivement le prix du paquet de cigarettes à 20 € en fin de quinquennat ?

3/ Vous opposerez-vous à tout financement par l’industrie du tabac d’une activité publique ou privée ne relevant pas directement de la production et de la distribution ?