Cette note avait été produite en 2002 lors de la précédente élection présidentielle.

Présidentielles : les conséquences statistiques de l’amnistie sur la sécurité routière

Avant les élections présidentielles de 1988 et 1995 les conducteurs français ont pu anticiper une amnistie des contraventions et leur comportement s’est relâché. L’amnistie s’est traduite par une augmentation des accidents de la route et un accroissement significatif du nombre de tués et de blessés.

Les principaux candidats aux élections présidentielles de 2002 préconisent à nouveau l’amnistie de certaines contraventions et on peut craindre que la même cause n’entraîne les mêmes effets.

Dans cette note nous affirmons que le lien de causalité entre la perspective d’amnistie et le nombre de tués et de blessés sur la route dans les mois qui précèdent l’élection présidentielle est une réalité statistique tangible pour les deux élections présidentielles de 1988 (élection de F. Mitterand) et de 1995 (élection de J. Chirac).

Comment parvenons-nous à un tel résultat ?

Nous utilisons les données mensuelles de l’ONISR (l’Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière) portant sur le nombre d’accidents, de tués et de blessés. Nous retenons la série des tués. Ensuite nous procédons à une analyse de cette série.

Le nombre des accidents chaque mois sur les routes est fonction de plusieurs facteurs « structurels » comme l’importance du trafic, qui tend à augmenter le nombre d’accidents, les progrès techniques dans la sécurité automobile, qui tend au contraire à le diminuer, la météorologie, la vitesse moyenne des conducteurs, le nombre de week-ends dans le mois, les départs en vacances, le prix de l’essence, etc.

Lorsqu’on « filtre » par des moyens appropriés la série des accidents, afin de lui ôter tous ceux qui sont attribuables à ces facteurs identifiés, on obtient une nouvelle série statistique. L’explication du statisticien peut être qualifiée de bonne, selon les causes précédentes, si cette série « résiduelle » semble être le fruit du pur hasard. Or dans la série statistique du nombre de tués, ce n’est pas le cas, car durant plusieurs mois il y a eu 50 tués de plus au dessus de la moyenne dans notre série résiduelle. Ces 50 accidents qui reviennent régulièrement ne sont pas le fruit du hasard. C’est exactement ce que l’on peut constater en moyenne dans les statistiques d’accidents de la route 6 mois avant les élections présidentielles de 1988 et 1995.

Plus précisément, et en termes statistiques, nous avons 4,5 chances sur mille de nous tromper en affirmant cette hypothèse.

Sauf à considérer une autre hypothèse (mais quelle autre hypothèse ?), l’explication statistique est probante dans la mesure où l’événement « amnistie annoncée » est la seule vraisemblable

Au moment où le « principe de précaution » semble s’établir en principe de gouvernement, au moment où chacun s’entend pour reconnaître que le sentiment d’impunité est responsable d’une partie de l’insécurité générale, par quelle bizarrerie les candidats à l’élection présidentielle annoncent-ils une nouvelle amnistie des contraventions au prix de centaines de victimes supplémentaires ?

Régis Bourbonnais

Thierry Granger

Université Paris-Dauphine