Qui se tue dans le métro de Montréal?

Une étude détaillée des enquêtes du bureau du Coroner

sur les suicides dans le métro de 1986 à 1995-1996

     

préparé par

 

Brian L. Mishara, Ph.D.

Directeur, Centre de recherche et d'intervention sur le suicide et l'euthanasie (CRISE)

Université du Québec à Montréal

 

 

en collaboration avec

 

SUICIDE-ACTION MONTRÉAL

 

DÉCEMBRE 1996

 

Cette recherche est subventionnée par la Société des Transports de la Communauté urbaine de Montréal (STCUM). Il s'agit d'une collaboration entre la STCUM, Suicide-Action Montréal et Brian L. Mishara, directeur du Centre de recherche et d'intervention sur le suicide et l'euthanasie de l'UQAM (CRISE). Il est strictement interdit de reproduire ce rapport ou de le citer sans l'approbation préalable des instances concernées.

 


 

Qui se tue dans le métro de Montréal?

Une étude détaillée des enquêtes du bureau du Coroner sur les suicides dans le métro

de 1986 à 1995-1996

 

préparé par Brian L. Mishara, Ph.D.

 

 

Introduction: pourquoi cette recherche?

            Entre mars 1986 et la fin de l'année 1995, 146 décès sont survenus dans le métro de Montréal, dont 79% ont été identifiés  par le bureau du Coroner comme étant des suicides. Dans la même période de temps, il y a eu également 323 tentatives de suicide, soit  2,6 tentatives de suicide dans le métro pour chaque décès par suicide; 28% des tentatives de suicide dans le métro de Montréal sont fatales. De plus, la STCUM enregistre 362 interventions préventives avec des personnes suicidaires appréhendées avant de donner libre cours à leurs intentions suicidaires. Les coûts sociaux du suicide dans le métro sont très importants et comportent non seulement les pertes de vie humaine et les handicaps et blessures aux personnes ayant effectué des tentatives, mais aussi les effets à long terme sur une moyenne de 5 membres de l'entourage des personnes décédées, l'effet traumatique bien documenté sur les chauffeurs des trains du métro impliqués dans les décès ainsi que les effets traumatiques sur les utilisateurs de la STCUM qui assistent aux incidents suicidaires. Consciente de l'importance du suicide dans le métro de Montréal, la STCUM s'est engagée à collaborer avec Suicide-Action Montréal (le centre de prévention du suicide pour la région du Montréal métropolitain) à plusieurs projets axés sur la prévention du suicide. Le STCUM et Suicide-Action Montréal ont décidé qu'afin de mieux planifier des activités de prévention du suicide dans le métro, il serait important d'effectuer une recherche sur les caractéristiques des personnes décédées par suicide dans le métro. C'est ainsi que Brian L. Mishara, directeur du Centre de recherche et d'intervention sur le suicide et l'euthanasie (CRISE) de l'Université du Québec à Montréal s'est engagé à collaborer avec Suicide-Action Montréal pour effectuer une recherche visant à identifier les caractéristiques des personnes décédées par suicide dans le métro et à produire un rapport comprenant une discussion des pistes possibles pour la prévention.

 

La méthodologie de cette recherche et ses limites

            Chaque fois qu'un décès violent se produit, une enquête détaillée est effectuée par le bureau du Coroner du Québec. Tous les décès violents survenus dans le métro de Montréal ont donc été dûment examinés par le bureau du Coroner. Le Coroner chef du Québec,  Me Pierre Morin, ainsi que le Coroner-en-chef adjoint, le Dr. Serge Turmel, conscients de l'importance d'une telle recherche, l'ont appuyée et ont donné accès à tous les dossiers du Coroner concernant les décès dans le métro. En se basant sur les recherches antérieures ainsi que sur le type de renseignements disponibles dans les dossiers du Coroner, le professeur Mishara a conçu une grille d'analyse pour faire une cueillette d'information dans ces dossiers et il a engagé deux assistants de recherche pour travailler avec lui à la cueillette des données au bureau du Coroner chef à Québec, de même qu'un assitant de recherche pour effectuer la codification des données.   La présente recherche étudie les décès à partir de mars 1986, le moment de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'accès aux informations du Coroner du Québec. Les données pour l'année 1995 semblent complètes, mais il se peut qu'on ajoute un petit nombre de cas non encore archivés chez le Coroner.  Pour obtenir un maximum d'information, nous avons inclus cinq enquêtes déterminées comme étant des suicides dans le métro pour l'année 1996, déjà archivées au bureau du Coroner au moment d'effectuer cette recherche. Nous avons également regardé tous les autres décès survenus dans le métro de Montréal, même ceux que le Bureau du Coroner a identifié comme «accidents» (17 cas), «homicides» (5 cas) et «indéterminés» (9 cas). Dans 9 des 26 cas où le Coroner a indiqué qu'il s'agissait d'une mort indéterminée ou par accident, les chercheurs ont inclus ces cas dans l'étude des décès par suicide puisqu'il y avait suffisamment d'information pour conclure qu'il s'agissait d'un suicide plutôt qu'un décès accidentel. Dans ces 9 cas, il s'agissait d'individus présentant une histoire de maladie mental, une histoire d'idéation suicidaire précédant le décès; de même, ces cas révéalaient la présence d'événements «déclencheurs» possibles et ne comportaient pas d'indications selon lesquelles il  s'agissait d'un accident. Notre échantillon complet comporte donc 124 décès  par suicide de mars 1986 à la fin de l'année 1995, avec en plus 5 cas du début de 1996, pour un total  de 129 suicides.

            Un des problèmes rencontrés dans toute étude des dossiers du Coroner est la manière inégale de faire la cueillette des données dans le cadre des enquêtes. Il faut comprendre que le Bureau du Coroner n'a pour mandat que de déterminer la cause et de faire les recommandations appropriées pour la prévention. Dans le cadre de ces enquêtes, dans la majorité des cas, il y a énormément d'informations utiles pour dresser un portrait des caractéristiques des personnes décédées par suicide. Cependant, dans  certains cas (plus souvent dans les années 1980), une fois qu'il avait été déterminé qu'il s'agissait bel et bien d'un décès par suicide, on élaborait très peu sur les caractéristiques de l'individu décédé. Donc, chaque fois qu'on décrit les caractéristiques des personnes décédées par suicide dans le métro de Montréal, il y a quelques cas pour lesquels les données n'existent pas. Certains renseignements sont présents pour presque tous les cas (par exemple, la date et l'heure du décès et l'histoire de troubles psychiatriques).Mais pour d'autres données, il faut se fier au petit nombre d'enquêtes où le coroner a inclus ces renseignements dans son rapport. Dans ces cas-ci, il faut interpréter prudemment les données.

            Puisqu'il existe déjà d'autre recensions des écrits sur le suicide dans le métro, nous n'incluons ici qu'un bref résumé des recherches antérieures dans les systèmes de métro ailleurs dans le monde. Cependant, nous présentons en appendice une liste de références des publications les plus importantes sur le suicide dans le métro (voir Appendice A). Dans nos discussions des données sur les suicides dans le métro de Montréal, nous incluons, lorsque cela nous semble approprié, des commentaires concernant les différences ou les similitudes entre nos résultats et la situation telle que présentée dans d'autres rapports de recherche sur les suicides dans les métros, ailleurs dans le monde. Dans le texte, nous n'incluons que les données les plus importantes et celles qui peuvent avoir des implications possibles pour les activités de prévention. Nous présentons en appendice les graphiques et tableaux plus détaillés des données analysées dans le cadre de cette recherche. Afin de rendre la compréhension du texte plus facile, nous avons décidé d'intégrer les discussions de l'importance des résultats et leur interprétation avec la présentation des données pour chaque facteur. Cependant, à la fin du Rapport nous présentons un résumé des constats et conclusions importants suivi d'une discussion des implications possibles pour la prévention.

 

Un bref aperçu des recherches sur le suicide dans les métros ailleurs dans le monde

            On ne possède pas de données fiables sur le suicide dans tous les systémes de métro partout dans le monde.  Dans certains pays, par exemple en Angleterre, en Allemagne, en Autriche et à Hong-Kong, il existe des études détaillées des décès par suicide. Dans d'autres pays, par exemple les pays de l'Est, on a peu de statistiques de base et il est difficile de connaitre l'envergure du problème. On peut expliquer les différences dans les nombres et les taux de décès par suicide et tentative de suicide dans les divers systèmes de métros dans le monde par plusieurs facteurs, y compris les aspects physiques du fonctionnement du métro, les différences culturelles entre les pays, les mesures de prévention existantes et le type de publicité dans les média.

            Une des premières recherches d'envergure  sur les suicides dans le métro a été effectuée par Guggenheim et Weisman en 1972 dans le métro de Boston. Ils ont identifié 50 personnes  entre 1966 et 1972 qui ont tenté de s'enlever la vie dont seulement 16 sont décédées. Même dans le cas  des 16 décès, la mort est souvent survenue longtemps après l'incident, à l'hôpital. Ceci, de même que le faible taux de décès, peut s'expliquer par la lenteur des trains de métro dans le vieux système sous-terrain de Boston. Cela est fort différent du «underground» de Londres dans lequel, entre 1981 et 1986, 43% des gens sont morts dans des accidents et suicides (Cocks, 1987). Dans le «subway» de Toronto,  entre 1954 et 1980, il y a eu presque autant de décès par suicide (207 cas) que de tentatives de suicide (223 cas) (Johnston & Waddell, 1984). En Allemagne, entre 1976 et 1984, il y a eu 6,090 décès par suicide dans tous les systèmes de chemins de fer du pays, et seulement 391 tentatives de suicide où la personne n'est pas décédée. Dans le système de métro de Hong-Kong  entre 1979 et 1991 (Gaylord & Lester, 1994), on peut compter 56 décès par suicide et 76 tentatives.

            O'Donnell et Farmer (1992) ont comparé les données sur le suicide dans 23 systèmes de métro dans le monde. Le pourcentage de personnes décédées par suicide variait entre 20% et 80%. Il y a toujours plus d'hommes que de femmes qui se tuent dans les métros. Ce sont majoritairement des personnes en-dessous de 41 ans qui se tuent partout dans le  monde, sauf dans le cas de Tokyo où ce sont les personnes de 51 à 60 ans qui se suicident le plus souvent. Habituellement, les décès ont lieu  le jour entre 10h00 et 16h00.

            Certains projets de prévention semblent avoir été très efficaces pour  la prévention du suicide dans le métro. A Londres, on a creusé des «suicide pits» entre les rails, ce qui fait en sorte qu'une personne qui saute ou tombe devant le train, a un risque moins élevé d'être frappée par les mécanismes du train. Selon les recherches de O'Donnell et Farmer (1992), on peut remarquer une diminution des tentatives depuis l'installation de ces «fosses». Dans les stations où on en a creusé, le pourcentage des personnes décédées suite à une tentative de suicide  était de 45% en comparaison avec  une taux de décès de 66% de dans les stations où il n'y avait pas de «suicide pit». Une autre façon de diminuer les décès par suicide, a été d'installer des portes dans les stations, portes qui restent fermées jusqu'à ce que le train s'immobilise dans la station. Deux systèmes de métro, à Lille et à Singapour, ont installé un système de portes sur les plate-formes. Les raisons à l'origine de l'installation de ces portes n'étaient pas liées au suicide, mais plutôt aux besoins des systèmes de climatisation. A Singapour, on a carrément éliminé les décès par suicide dans le métro après l'installation de ces portes en 1987.

            Il existe d'autres mesures préventives qui semblent avoir eu un effet bénéfique mais qui ne sont pas évaluées de façon très serrée. A Prague, un système d'alarme à infrarouges indique au personnel quand un individu franchit la barrière au bout des plate-formes et commence à descendre dans le tunnel. A Nuremberg et Budapest, il s'agit d'un système de surveillance constant par télévision. A Nuremberg, chaque fois qu'un passager dépasse une ligne dessinée  sur la plate-forme et s'approche trop avant l'arrivée du train, quelqu'un lui adresse la parole par haut-parleur. Si la personne ne recule pas tout de suite, on avise le prochain train de freiner tout de suite avant d'entrer dans la station.

            A Vienne, le nombre de décès par suicide dans le métro a augmenté de façon impressionnante entre 1984 et le début de 1987 (Sonneck, Etzersdorfer & Nagel-Kuess, 1994). Les suicidologues ont émis l'hypothèse que l'augmentation des décès était liée au fait que les journaux publiaient un rapport presque chaque fois qu'il y avait un suicide dans le métro. En 1987, les journaux de Vienne ont accepté les recommandations de l'Association autrichienne pour la prévention du suicide et du centre de prévention du suicide de Vienne, ce qui a  presqu'éliminé la publication des rapports de décès dans le métro. Suite à ces changements de politique des journaux de Vienne, on a constaté une diminution de 75% du nombre de décès par suicide dans le métro et cette diminution s'est maintenue pendant les cinq années suivantes. Les chercheurs ont vérifié s'il y avait une augmentation parallèle des décès par suicide impliquant d'autres moyens après la diminution des décès par suicide dans le métro. Dans les cinq années suivant le changement de politique des journaux, non seulement y avait-il diminution des décès dans le métro, mais aussi du nombre total de suicides dans la ville de Vienne.

           

Les décès par suicide dans le métro de Montréal     

            Nous avons identifié entre mars 1986 et le début de 1996, 129 décès par suicide survenus dans le métro de Montréal, soit 79 hommes et 50 femmes (61% d'hommes et 39% de femmes), âgés  de 15 à 79 ans, avec un âge moyen de 38 ans. Presque les deux tiers des suicidés (64%) avaient moins de 40 ans. Cependant, tous les groupes d'âge sont bien représentés. On ne peut donc pas conclure qu'il y un âge ou groupe d'âge plus à risque de suicide dans le métro. Les données pour le métro de Montréal concernant la distribution selon le sexe et l'âge sont en accord avec les données dans d'autres pays, qui indiquent que ce sont majoritairement les hommes qui se suicident dans le métro et les personnes qui meurent par suicide ont plus souvent moins de 40 ans.

            Les personnes qui se suicident dans le métro sont majoritairement célibataires (60%), mais un quart (24%) d'entre elles sont mariées; les autres sont séparées, divorcées, ou veufs/veuves (voir Figure 2). Pour la majorité des cas (112/129), nous savons si la personne vivait seule ou avec d'autres, ou encore dans une institution (habituellement, un hôpital psychiatrique) au moment de son suicide dans le métro. Quarante-cinq pour cent des gens vivaient seuls, 28% ne vivaient pas seuls et un nombre très élevé (27%) (soit 30 des 112 personnes) vivaient en institution au moment du décès. Les histoires des personnes vivant en institution varient: parfois, il s'agit d'une fugue d'une unité psychiatrique, dans d'autres cas la personne était en congé de fin de semaine, et dans d'autres situations la personne s'était absentée avec l'approbation de l'unité psychiatrique pour aller faire une marche ou aller au magasin, et s'était tuée dans ce laps de temps (voir figure 3).

            La figure 4 indique le nombre de décès par suicide par année. Il faut se rappeler que l'année 1986 inclue seulement les données à partir du mois de mars et que les données pour 1996 sont pour les premiers mois de l'année, et sont donc très incomplètes. On ne peut pas constater un patron fiable d'augmentation ou de diminution des taux de décès par suicide entre 1987 et 1995. Cependant, les décès en 1995 sont très élevés, par rapport aux années précédentes. Nous avons aussi regardé le nombre de décès par mois. En général, il y a un peu plus de décès dans les mois de janvier et février, et il semble qu'il y en ait moins aux mois de juillet, octobre et décembre. La figure 5 indique le jour du mois du décès. Il est difficile de conclure qu'il y a un patron important qu'on pourrait observer.

            La période de la journée où il y a le plus de suicides se situe entre 10h00 et 14h00. Dans 49 des 122 cas où l'heure précise du décès est indiquée (40%), le suicide a eu lieu dans cette période de temps, au milieu de la journée (voir Figure 6). Ailleurs dans le monde, les recherches montrent que la majorité des suicides ont lieu entre 10h00 et 16h00. 66% des suicides ont lieu entre 9h00 et 16h00. Seulement 10% des suicides ont lieu après 20h00, et aucun suicide n'a lieu avant 7h00.

            A peu près un quart des décès par suicide dans le métro ont lieu dans un hôpital après l'incident et l'autre trois-quarts des décès sont constatés sur place, dans le métro. Le fait que tous les suicidés ne meurent pas immédiatementpeut aller à l'encontre des croyances populaires. Guggenheim et Weisman (1972) à Boston ont interrogé des personnes ayant fait des tentatives sur les raisons de choisir le métro comme moyen de se tuer. Ils ont constaté que les personnes qui avaient choisi de se tuer dans le métro pensait souvent qu'un décès dans le métro était certain, immédiat et sans douleurs. A Montréal, il y a plus de personnes qui ont survécu aux tentatives qui meurent de leur tentative et ces personnes subissent souvent des handicaps et blessures graves et pénibles. Même chez ceux qui meurent éventuellement, 27% meurent à l'hôpital, parfois après plusieurs jours ou semaines d'interventions et de souffrance.

            Dans les cas de décès dans le métro, une autopsie et des analyses ne sont pas toujours effectuées pour déterminer le taux d'alcool et de drogue dans le sang des personnes décédés. Dans les 78 cas où il y a eu évaluation médicale de présence d'alcool et de drogue,  on retrouve l'alcool dans 20 cas (25%) et une drogue dans 18 cas (24%). Même s'il y avait présence d'alcool et de drogue, le niveau de substance chimique n'était souvent pas très élevé et les drogues incluaient certains médicaments pour traitement des problèmes de santé mentale. Dans l'ensemble, nous ne pouvons pas conclure que les problèmes d'alcoolisme ou de toxicomanie jouent un rôle crucial dans un nombre important de suicides dans le métro. Ces données diffèrent des études dans le métro de Londres où l'alcool semble jouer un rôle plus important.

            Il y a des données sur le niveau de revenu des personnes décédées dans seulement 48 des 129 décès. Il faut donc les interpréter prudemment. Cependant, 44 des 48 personnes (92%) avaient un faible niveau de revenu (elles étaient souvent prestataires du bien-être social). Malgré la rareté des donnée, on peut conclure que les personnes à faible revenu sont surreprésentées parmi les suicides dans le métro.

            Dans presque tous les cas (127/129) nous avons identifié si la station de métro où la personne s'est tuée était la station située le plus près de son domicile ou non. Dans 70% des cas, la personne s'est tuée dans la station de métro la plus proche de chez elle (ou dans le cas de quelqu'un vivant en institution, dans la station la plus proche de l'institution). 

            Dans 100 des 129 cas, on a une indication d'idéation suicidaire avant que la personne ne se tue dans le métro. Dans les autres 29 cas, on ne sait pas s'il y eu idéation ou non. Parmi les 100 personnes pour lesquelles on avait des données sur l'idéation, 81 (81%) ont exprimé à d'autres personnes le désir de se tuer, habituellement à plusieurs reprises. Dans 19 cas seulement, les membres de la famille interrogés ont dit que la personne n'avait jamais fait de menaces de suicide auparavant. Il est curieux que dans 3 de ces 19 cas, bien que la famille affirme que la personne n'avait jamais exprimé l'intention de se tuer, peu après le départ de cette  dernière pour aller se tuer dans le métro, les membres dela  famille se sont  rendus à la station de métro la plus proche, sont arrivés trop tard et ont appris sur les lieux que la personne venait de se tuer. On ne sait pas s'il s'agit d'un déni de la part de la famille de l'idéation suicidaire exprimée, ou bien d'une compréhension inconsciente de leur part que quelque chose allait très mal, même si la personne n'avait pas exprimé d'idéation directement.

            Pour 88 des 129 personnes, nous avons des données sur les tentatives de suicide antérieures. Seulement 30 des 80 personnes (34%) n'ont jamais fait de tentatives antérieures. Les deux tiers ont fait au moins une tentative (voir figure 7). Dix-huit personnes ont fait seulement une tentative, 20 ont fait deux tentatives et 20 ont fait trois tentatives ou plus. Parfois, le rapport du Coroner indique que la personne a fait «plusieurs» tentatives antérieures. Dans ces cas, nous avons coté 3 pour fin d'analyse parce que nous ignorions le nombre exact. Il est possible que plusieurs personnes ayant reçu la cote 3 ont en réalité fait plus que 3 tentatives de suicide.        Parmi les 88 personnes qui ont déjà fait une tentative de suicide, 11 ont déjà fait une tentative dans le métro de Montréal. Donc, 9% des personnes décédées dans le métro ont déjà fait une tentative dans le métro de Montréal.

            Nous avons essayé de déterminer si la personne décédée a exprimé à autrui son intention de se tuer cette journée là, et plus spécifiquement si elle parlait de se tuer dans le métro. Ces données existent seulement pour une faible proportion des suicides (50/129). Il est intéressant de noter cependant que dans 26 cas, on trouve des indications selon que la personne a exprimé l'intention de se tuer cette journée là, et qu'elle a souvent mentionné qu'elle allait le faire dans le métro. Dans 5 de ces 26 cas, un membre de la famille ou un intervenant n'a pas pris au sérieux l'expression de l'intention de se tuer le jour du décès.

            Dans presque tous les cas, le Coroner a essayé de déterminer si la personne suicidée avait une histoire de problèmes de santé mentale. Nous avons les données pour presque toutes les personnes (122/129). 105 des 122 personnes pour lesquelles nous avons des renseignements ont été identifiées comme ayant des problèmes de maladie mentale. Chez seulement 17 (14%) personnes, on a des données qui suggèrent que la personne ne souffrait pas  de maladie mentale. Tel qu'indiqué dans les figures 8 et 9, la majorité des personnes semblent avoir un diagnostic primaire ou secondaire de dépression. Le deuxième diagnostic psychiatrique est la schizophrénie et d'autres maladies mentales graves sont notées dans la rubrique «psychose non-spécifique». Il faut remarquer qu'il s'agit souvent de diagnostics rapportés par les membres de la famille et, sauf dans les cas où la personne habitait en institution au moment du décès, il n'y a pas eu de vérification auprès des hôpitaux ou psychiatres du diagnostic rapporté par la famille. Il se peut que les membres de la famille disent «dépression», dans les cas où la personne souffre d'une autre catégorie de problèmes graves de santé mentale. Il y avait souvent une indication des médicaments pris par la personne. Dans les cas où la famille a indiqué «dépression», mais que les médicaments étaient utilisés pour d'autres types de problèmes, nous avons classifié la personne dans une autre catégorie de diagnostic psychiatrique selon ses médicaments. Par exemple, si la personne prenait du lithium, nous l'avons classée dans la catégorie «maniaco-dépression», si la personne prenait des médicaments antipsychotiques, nous l'avons placée dans la catégorie «psychose non-spécifique». Il ne s'agit pas de simples névroses ou problèmes d'ajustement dans la majorité des cas. Ceci est confirmé par les données  sur les séjours en hôpital psychiatrique présents ou passés. Nous avons des données sur les séjours en hôpital pour 115 des 129 personnes. Les trois-quarts (73%)(84 personnes), ont déjà effectué un séjour dans un hôpital pour traitement de la maladie mentale. Pour les mêmes 115 personnes, nous avons une indication si  la personne était toujours en traitement au moment du suicide. Nous avons coté que la personne était toujours en traitement si elle prenait des médicaments et avait un suivi par un psychiatre, ou si la personne était en thérapie individuelle ou de groupe. 79% (91/115) des personnes décédées par suicide dans le métro avaient un suivi en psychiatrie au moment du décès.

            Un peu plus de la moitié (55%) des personnes qui se sont suicidées souffraient d'une maladie physique quelconque au moment de leur décès. Il y avait énormément de variation dans le type de maladie et aucun patron spécifique ne se dégage.

            Même si la grande majorité des personnes qui se sont suicidées dans le métro ont une histoire et des traitements psychiatriques, il s'agit souvent d'individus qui ont une longue histoire d'interventions et un certain nombre de séjours à l'hôpital. On peut poser la question: qu'est-ce qui fait en sorte que la personne a décidé de se suicider à ce moment précis plutôt qu'à un autre?

Les recherches sur le suicide suggèrent qu'il s'agit souvent d'un événement de vie récent qui peut être identifié comme événement «déclencheur» d'une tentative de suicide. Nous avons identifié 12 catégories d'événements déclencheurs, et nous avons un de ces événements dans 100 des 129 cas de décès par suicide. Les événements les plus fréquents sont des ruptures amoureuses, des problèmes familiaux et les problèmes au travail (voir Figure 10). Dans 4 cas, l'événement identifié était un congé d'un hôpital psychiatrique, et dans un cas, il s'agissait d'une fugue d'un hôpital psychiatrique. Nous avons aussi identifié les événements passés que les membres de la famille ont interprété comme étant liés au décès par suicide. Les 10 événements passés incluent la mort d'un  proche, immigration et/ou déménagement, rupture amoureuse et problèmes familiaux.

            Seulement 27 des 129 personnes ont laissé une note suicidaire. Les notes vont du bref message indiquant qui aviser après le décès, aux longues histoires de vie et messages aux membres de la famille ou à un(e) ex-amant(e). Dans certains cas, cependant,  il n'y avait aucune personne à contacter ou une indication de manque de lien avec les membres de la famille. Dans 12 des 129 cas, on indiquait dans le dossier qu'il n'y avait pas eu de contacts avec la famille depuis longtemps; dans 3 cas, personne n'a réclamé le corps.

 

Conclusion sur les caractéristiques des personnes qui se tuent dans le métro à Montréal

1. Les personnes qui se tuent dans le métro de Montréal prévoient se tuer dans le métro avant de s'y rendre. Dans 9% des cas, il s'agit de leur 2e tentative de s'enlever la vie dans la métro.

Plusieurs rédigent une note avant de se tuer. Donc, le suicide dans le métro ne semble pas être un acte impulsif mais plutôt la décision d'un individu qui se rend dans une station de métro aux fins de se tuer.

 

2. Dans la majorité des cas, les personnes choisissent la station de métro la plus près de leur résidence ou, dans le cas des personnes qui habitent en institution, le plus près de l'institution. Il ne semble donc pas y avoir une station de métro plus «propice» en soi au suicide.

 

3. Les personnes qui se suicident dans le métro sont très majoritairement des personnes souffrant de problèmes de santé mentale, qui sont en traitement pour leurs problèmes au moment du suicide (et dans 25% des cas, qui sont en séjour pour traitement de problèmes de santé mentale dans une institution). Elles ont presque toujours une histoire d'idéation suicidaire et ont souvent fait des tentatives antérieures.

 

4. Même si les personnes qui se tuent dans le métro ont très souvent une histoire psychiatrique, on peut identifier des événements déclencheurs pouvant  faire en sorte que l'individu devient plus suicidaire pendant cette période  en particulier et s'enlève la vie.

 

5. Les personnes qui se tuent dans la métro disent souvent avant de le faire qu'elles ont l'intention de s'enlever la vie cette journée là, et parfois ces menaces de suicide ne sont pas prises au sérieux. Dans d'autres cas, elles sont prises au sérieux, mais personne n'intervient.

Donc, les menaces de suicide peu avant l'événement peuvent être perçues comme des appels au secours et il est possible qu'un manque d'intervention ou d'aide appropriée contribue au risque de décès de l'individu.

 

6. Les personnes ayant déjà fait une tentative de suicide dans le métro constituent un groupe à risque élevé de se tuer éventuellement dans le métro .

 

7. L'alcool et l'abus de drogues ne semblent pas être un facteur important pour ce qui concerne les suicides dans le métro.

 

8. Même si on constate plus de suicides chez les personnes de moins de 41 ans, les suicides dans le métro touchent tous les groupes d'âge et les deux sexes, même s'ils sont un peu plus fréquents chez les hommes.

 

 

Implications pour la prévention

            Dans la section qui suit, nous suggérons certaines pistes possibles de prévention du suicide dans le métro. Il s'agit ici d'une liste non-exhaustive de suggestions possibles, basées sur une étude des interventions dans les métros ailleurs dans le monde, sur le portrait des personnes qui se sont suicidées dans le métro de Montréal ainsi que sur les connaissances de la prévention du suicide en général. Nous dressons cette liste de suggestions sans égard aux questions pratiques et éthiques que certaines de ces recommandations peuvent soulever. Ces recommandations ne sont pas présentées selon un ordre prioritaire, et comme dans le cas d'autres méthodes de prévention du suicide auprès d'autres populations suicidaires, une combinaison des interventions préventives serait plus efficace qu'une seule intervention.

 

Interventions dans l'environnement physique et le fonctionnement du métro.  Selon cette recherche, les personnes qui se tuent dans le métro, se rendent intentionnellement dans le métro afin de mettre fin à leurs jours. Elles croient que le métro est une façon efficace de se tuer. Les recherches ailleurs dans le monde indiquent que si on trouve un moyen pour empêcher les personnes d'être frappées par un train ou de minimiser les dommages, on peut sauver des vies. Cependant, certaines de ces interventions ne semblent pas convenir pour Montréal et il y a la question importante de coût/efficacité qui entre en ligne de compte. Il est certain qu'à Singapour, avec l'installation des portes devant les trains aux fins d'améliorer le système de climatisation,  on a totalement éliminé les suicides et tentatives de suicide  dans le métro. En plus, il n'y pas d'indication que les suicides par d'autres moyens ont augmenté. Même si cette solution semble peu appropriée pour Montréal, il est possible que d'autres façons de minimiser le risque de décès s'avèrent utiles. Les «suicide pits», les fosses creusées entre les rails, semblent avoir diminué de façon significative le nombre de tentatives de suicide ainsi que la proportion des tentatives fatales. Ils ont diminué de 20% le nombre de décès  par suicide dans le métro de Londres. On peut se demander si, en fermant les derniers wagons des trains en dehors des heures de pointe (on sait que le risque de suicide dans le métro est plus élevé en dehors des heures de pointe) et en mettant une barrière pour empêcher les usagers d'avoir accès à cette partie du quai où les trains entrent, cela pourrait s'avérer un moyen possible pour diminuer le risque de suicide.

 

Sensibiliser le personnel de sécurité de la STCUM à la prévention du suicide. De nombreuses interventions sont effectuées par le personnel de sécurité de la STCUM pour empêcher les personnes de se tuer dans le métro. Cependant, on peut se demander s'il n'y aurait pas une façon de modifier l'approche de la STCUM en prévention du suicide. Actuellement, les personnes potentiellement suicidaires qui restent dans  une station de métro ou se placent dans une position à risques, peuvent recevoir une contravention ou être expulsées de la station de métro. On peut se demander si une approche d'offre d'aide et de référence plutôt qu'une approche de contrôle et de criminalisation pourrait s'avérer plus efficace en prévention du suicide par le personnel de sécurité de la STCUM. Il s'agirait ici de fournir un cours en intervention auprès des personnes suicidaires, adapté aux besoins de la STCUM, mais suivant le modèle des formations déjà  offertes par Suicide-Action Montréal dans d'autres milieux.

 

Donner l'impression que le risque de mourir par suicide dans le métro a diminué à cause des modifications physiques.  Liée à la recommandation précédente, on peut faire des modifications physiques dans le métro qui donnent l'impression que le risque de suicide est moins élevé (même si en fait les modifications n'ont pas eu autant d'effets). Donc, il est possible que le fait de creuser des «suicide pits» en-dessous des rails, ou d'ajouter un pare-choc en caoutchouc devant les rames de métro ne sauvera pas beaucoup de vies à cause des modifications de la sécurité physique. Cependant, l'effet  psychologique de ces interventions peut faire en sorte que moins de personnes conçoivent le métro comme un lieu pour se tuer.

 

Surveillance des personnes à risque.  Un système de surveillance par caméras de télévision tel qu'utilisé dans le métro de Nuremberg semble être efficace dans la prévention du suicide. Ce système ne vise pas le suicide en particulier mais la sécurité générale. Cependant, il faut être conscient que la culture allemande est très différente de la culture montréalaise et un tel système peut être moins appropié ici. Il s'agit là de plus qu'une simple surveillance, mais aussi d'une possibilité d'annonce par haut-parleur où l'on demande à la personne qui dépasse une ligne dessinée sur la plate-forme ou qui manifeste des comportements à risque de reculer. Il y a aussi un système de communication efficace avec les chauffeurs de train pour faire en sorte qu'ils ralentissent quand il y a une personne qui présente des comportements à  risque dans une station, et une possilité d'envoyer sur les lieux du personnel pour intervenir.  Même si on ne peut pas avoir un système de surveillance permanent, nous avons identifié dans cette recherche un sous-groupe particulièrement à risque élevé de se tuer dans le métro qu'on pourrait essayer de surveiller: les personnes ayant déjà fait une tentative de suicide dans le métro. Puisque nous savons que la majorité des personnes qui se tuent dans le métro choisissent une station de métro près de leur domicile ou de l'hôpital psychiatrique ou autres institutions où elles sont soignées, on se demande s'il serait possible d'avoir des photos des personnes ayant fait une tentative dans l'année précédente, disponibles pour le personnel dans les stations de métro près de la résidence de ces personnes. Si une de ces personnes se présente dans le métro, on peut essayer d'avoir une surveillance accrue, ou même ralentir l'arrivée des trains dans cette station. Cependant, cette recommandation pose plusieurs questions, par rapport à la confidentialité. De plus, même s'il n'y avait pas de problèmes éthiques ou légaux, cela pourrait créer un immense sentiment de culpabilité si un membre du personnel n'a pas vu passer quelqu'un à risque et que cette personne se soit suicidée par après.

 

Offre d'aide sur les lieux.  Dans d'autres lieux «à risque» de suicide (par exemple les deux ponts qui mènent à Cape Cod au Massachussetts et le pont Golden Gate de San Francisco), les affiches des organismes de prévention du suicide et la disponibilité de téléphones suscitent de nombreux appels au secours par les personnes suicidaires. Même si les personnes qui se tuent dans le métro ont très souvent  des problèmes de maladie mentale et reçoivent des traitements psychiatriques, il s'agit d'une population qui utilise aussi les services des centres de prévention du suicide. Plus de la moitié des appelants à Suicide-Action Montréal ressemble à cette population de personnes qui ont déjà une histoire de problèmes de santé mentale. Le fait que quelqu'un a une histoire psychiatrique ne veut pas dire que la personne va nécessairement se suicider - la majorité des patients psychiatriques ne se tuent pas. Selon cette recherche, il existe des événements déclencheurs qui ont pu augmenter le risque de se tuer dans le métro. Donc, toute publicité parlant de la prévention du suicide dans les stations de métro, et l'accès par téléphone aux services de prévention du suicide tel que Suicide-Action Montréal, peuvent prévenir un nombre de décès par suicide dans le métro. En plus de l'accès au téléphone public dans le métro, un bouton sur le téléphone pour avoir un accès direct à Suicide-Action Montréal (ou si les lignes de Suicide-Action Montréal au 911 et  les affiches sur la prévention du suicide à côté des téléphones publics dans le métro pourraient avoir un effet préventif.

 

Continuer à ne pas rapporter les suicides dans les média et essayer de diminuer les histoires de suicide dans le métro au cinéma. Les recherches à Vienne indiquent clairement que le fait d'accorder de la publicité au suicide dans le métro peut contribuer à une augmentation du nombre de décès  par suicide dans le métro et de décès par suicide dans la population en général. Dans la région de Montréal, il y a  peu de rapports dans les journaux des suicides dans le métro. Cette pratique devrait être maintenue. De plus, de nombreuses recherches documentent le fait que lorsqu'il y a des émissions de télévision ou des histoires fictives au cinéma d'un suicide, il y a souvent une augmentation du nombre  de personnes qui se suicident en utilisant les mêmes moyens. Cet effet d'imitation bien documenté par les recherches suggère qu'il faut tout faire pour inciter les cinéastes, les scénaristes et responsables de la production cinématographique et télévisuelle, à ne pas inclure des histoires de suicide dans le métro dans leurs oeuvres.

 

Apprendre à prendre au sérieux les menaces suicidaires. Un nombre important de personnes décédées dans le métro ont déjà fait des menaces de suicide et un nombre impressionnant ont menacé de se tuer cette journée là - certains ont menacé de se tuer dans le métro.  Dans plusieurs cas, personne n'a pris au sérieux ces menaces de suicide. Il est encore plus étonnant que chez les personnes en traitement fermé dans une unité de psychiatrie, à plusieurs reprises, les intervenants ne semblent pas avoir pris au sérieux les menaces de se tuer, la journée même du décès. Il s'agit ici d'un besoin de sensibilisation de la population en général afin qu'elle prenne au sérieux les menaces de suicide, particulièrement quand ces menaces incluent une indication des moyens (par exemple, de se tuer dans le métro) et sont accompagnées de problèmes de santé mentale.

           

Une sensibilisation des départements de psychiatrie. Les personnes  qui travaillent dans les départements de psychiatrie des hôpitaux généraux ainsi que dans les hôpitaux psychiatriques sont les sentinelles les plus aptes à identifier les individus à risque de suicide et à faire des interventions appropriées, au moins dans le cas de 25% des décès par suicide dans le métro. Il semble utile pour des organismes comme Suicide-Action Montréal d'entrer en contact avec des  unités de soins psychiatriques afin de discuter de possibilités de collaboration et d'interagir avec eux sur le dépistage et l'identification du risque suicidaire potentiel, et de développer des projets de collaboration et de suivi avec les personnes suicidaires. Il pourrait s'avérer utile aussi de produire un document vidéo pour visionnement par les patients psychiatriques et le personnel des hôpitaux psychiatriques. Ce document parlerait du suicide, d'autres solutions pour résoudre les problèmes des personnes suicidaires, et aborderait spécifiquement le fait que, malgré les croyances, se jeter devant un train de métro n'aboutit pas à  une mort subite sans souffrances

puisque la majorité des personnes qui essaient de se tuer par ce moyen ne meurent pas et sont souvent gravement handicapées. Même celles qui meurent peuvent décéder plus tard à l'hôpital après une pénible agonie.

 

Un meilleur suivi après une tentative de suicide dans le métro. Puisque les personnes ayant déjà tenté de se suicider dans le métro consituent un groupe à risque élevé de mourir d'une seconde tentative de suicide dans le métro, on peut proposer le développement d'un protocole d'intervention et de suivi intensif auprès de cette population-cible, à risque élevé de se tuer dans le métro. Peut-être que Suicide-Action Montréal pourrait développer un programme de suivi offert aux personnes ayant fait une tentative de suicide dans le métro.

 

Convaincre le public que le suicide dans le métro n'est ni certain, ni immédiat, ni sans douleurs. Les personnes qui se tuent dans le métro se rendent là pour mourir vite et sans douleurs prolongées. Elles croient qu'il s'agit d'une façon de se tuer quasi certaine. En réalité, ce n'est pas toujours le cas. On se demande s'il serait possible de changer l'image du suicide dans le métro en faisant une publicité sur les personnes qui essaient de s'enlever la vie mais qui sont handicapées et souffrantes après leur tentative. Il s'agit ici d'une méthode jamais utilisée auparavant mais qui semble être une piste de prévention possible.

 

Investigations plus détaillées par le Coroner et enquête lorsqu'il y a suicide d'un patient d'un hôpital psychiatrique. Puisqu'un nombre important de personnes décédées par suicide dans le métro recevaient des soins dans  une unité psychiatrique au moment de leur mort, et que ces personnes étaient déjà identifiées comme étant à risques de suicide, on peut se demander s'il serait possible d'améliorer les pratiques de soins psychiatriques auprès des personnes suicidaires. Afin de mieux identifier les meilleures façons de prévenir le suicide auprès des patients psychiatriques, le bureau du Coroner pourrait effectuer plus souvent  des enquêtes détaillées dans  les cas de suicides de patients en soins psychiatriques.

 

Besoin de recherches plus élaborées pour mieux identifier les facteurs de risque. La recherche dans le présent rapport est basée sur les données obtenues par le bureau du Coroner dans le but d'établir la cause du décès. Puisque la grande majorité des personnes décédées  par suicide dans le métro sont déjà en traitement pour des problèmes de santé  mentale, il serait souhaitable  de faire des recherches poussées auprès des intervenants (psychiatres, psychologues, infirmières,  travailleurs sociaux, etc.) qui ont eu des contacts avec les personnes avant leur suicide, afin de mieux cerner les signes que cette personne allait se tuer dans le métro cette journée là. Une telle recherche pourrait nous aider à mieux identifier les personnes à risque élevé de suicide dans le métro et nous aider à élaborer les méthodes de prévention plus appropriées.

 

APPENDICE A

BIBLIOGRAPHIE

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APPENDICE B

 FIGURES ET TABLEAUX