Annexe n°1

Place d’une évaluation fondée sur des indicateurs de comportements dans la gestion de la politique de sécurité routière

1 – la relation entre les indicateurs et l’évaluation d’une politique

2 – quels indicateurs ?

3 - la relation entre l’observation, l’information et l’action

4 - les problèmes techniques posés par le développement de tels indicateurs

5 – exemples de mise en œuvre possible :

le port de la ceinture de sécurité,

le port du casque,

le contrôle de l’alcoolisation excessive,

le respect des feux de carrefour

le respect des stops

le respect des limites de vitesse

l’évaluation de la dérive des contrôles de vitesse

l’évaluation du système de contrôle et de sanctions

6 - conclusions

 

Une des mesures décidées par le comité interministériel de sécurité routière du 2 avril 1999 constitue une innovation particulièrement intéressante. Elle a été rédigée comme suit :

Des contrôles mieux coordonnés et plus ciblés

Un plan annuel des contrôles de sécurité routière sera mis en place, dans chaque département. Il définira, sous l’autorité du préfet, la politique de contrôle pour les forces de police et de gendarmerie, à partir d’une analyse de l’accidentologie locale.

A l’instar de ce qui est en place dans la gendarmerie, dans chaque département sera désigné un policier responsable sécurité routière auprès de chaque direction départementale de sécurité publique. Il sera chargé de coordonner l’action des unités spécialisées et territorialisées.

L’ensemble des contrôles effectués feront l’objet d’une publication annuelle (temps consacré, nombre de contrôles d’alcoolémie, utilisation des radars...).

Les contrôles s’appuieront sur une connaissance approfondie des accidents. Dans cette perspective, les outils de cette connaissance seront améliorés :

- les informations contenues dans les Bulletins d’Analyse des Accidents Corporels seront revues ;

- la qualité des enquêtes REAGIR (enquêtes sur les accidents mortels) sera améliorée par la participation de spécialistes ;

- des indicateurs de suivi adaptés aux différentes échelles territoriales (département, ville, axe...) seront définis ;

- enfin, des études pour analyser les caractéristiques socio-économiques des usagers impliqués dans les accidents seront lancées.

1 – la relation entre les indicateurs et l’évaluation d’une politique

La mesure décidée par le CISR développe l’évaluation au niveau local dans l’application de la politique de sécurité routière et cette pratique n’est pas habituelle, l’administration ayant tendance à prôner l’évaluation pour les autres tout en refusant d’accepter ses contraintes. Des développements méthodologiques ont été réalisés au niveau de l’INRETS et de l’ONISER et un guide de l’évaluation locale a même été rédigé en 1997, mais ces pratiques sont encore limitées. Elles sont cependant indispensables, tous les systèmes efficaces sont caractérisés par une évaluation permanente de leur mode de fonctionnement. Ce sont des systèmes « bouclés » qui sont nourris par les retours d’informations, seuls capables de corriger les erreurs ou les insuffisances, et de produire des résultats de la meilleure qualité possible. Quand de nombreux acteurs de terrain, dans des sites très divers, ont à mettre en œuvre sur le terrain une politique, il est indispensable de disposer d’indicateurs permettant les comparaisons à des niveaux territoriaux correspondant au bon niveau de responsabilité et d’action. Si ces indicateurs sont bien choisis et caractérisent les pratiques qui concourent à la qualité des résultats ou à l’opposé les dégradent, ils permettent le développement d’une évaluation objective de la qualité de l’action.

La mise en œuvre de politiques d’évaluation est difficile, parfois l’évaluation est souhaitée mais elle ne se développe pas par manque de moyens et de compétence, ailleurs elle est mal acceptée parce qu’il s’agit d’une pratique dérangeante, ennemie de la routine et de l’indifférence. Dans les deux cas il faut accepter de payer le prix pour améliorer la qualité du service rendu, qu’il s’agisse de financement, de formation ou d’efforts pour obtenir le consentement des personnes concernées. Que l’on se situe dans une entreprise industrielle, dans un hôpital, dans un restaurant ou un hôtel, il n’y a pas de reconnaissance de la qualité d’une activité humaine sans évaluation objective de ses résultats. Appliquée à la sécurité routière, une telle pratique implique une bonne identification des indicateurs utilisables et leur publication au niveau territorial adapté à la responsabilisation des acteurs. Le lien est si étroit entre la qualité des indicateurs et celle de l’évaluation que l’on peut juger la volonté de mettre en œuvre une évaluation à la diversité et à l’adaptation des indicateurs choisis. Pour apprécier la réalisation de cette décision du CISR, il sera donc très important de pouvoir faire le bilan des différents types d’indicateurs retenus. Suivant leur nature et la qualité de leur application sur le terrain, il sera facile de distinguer ceux qui auront simplement voulu donner l’impression de répondre à une instruction ministérielle de ceux qui se seront emparés avec conviction de l’outil de l’évaluation pour améliorer leur action sur le terrain.

2 - Quels indicateurs :

L’évaluation ne repose pas uniquement sur l’usage d’indicateurs quantitatifs. Des procédures d’expertise qualitatives, véritables audits orientés vers la qualité des pratiques, sont également utilisables. Plusieurs erreurs ont été commises dans le passé. La première a été l’absence d’aptitude à développer les savoir faire dans l’ensemble des structures qui devraient bénéficier de l’évaluation. Des expérimentations étaient entreprises par des chercheurs ou par des organismes de terrain motivés et les acquis ainsi obtenus n’étaient pas maintenus ou étendus à d’autres sites du fait d’un manque de moyens et de continuité dans l’action politique. La seconde erreur a été de sous estimer l’importance de la mise en relation des indicateurs de moyens et des indicateurs de résultats aux niveaux territoriaux où s’exerce la responsabilité. Les indicateurs d’activité de la police, de la gendarmerie ou de la justice sont difficilement comparables à des indicateurs d’insécurité (nombre d’accidents, de tués, de blessés) si l’on ne dispose pas en complément des indicateurs des comportements assurant la sécurité (vitesses pratiquées, port de la ceinture, tests de dépistage de la conduite sous l’influence de l’alcool). Quand ces derniers étaient établis, l’objectif était principalement statistique et se situait au niveau national, ou dans quelques sites pris pour exemple et permettant de définir une tendance. Il ne s’agissait pas de définir une batterie d’indicateurs complémentaires permettant de connaître, au niveau d’une ville ou d’un département, le niveau de respect local des règles qui assurent la sécurité.

Exemples d’indicateurs d’activité :

nombres d’heures de surveillance de la vitesse, nombre d’éthylotests dans le cadre des contrôles préventifs,

nombre de PV, nombre de points de permis retirés,

statistiques des décisions judiciaires.

Exemples d’indicateurs de résultats :

nombre d’accidents, de blessés, de tués par accident,

typologie des accidents, classes d’appartenance des victimes (piétons, usagers de véhicules légers etc.).

Exemples d’indicateurs de comportement documentés à des niveaux géographiques inadaptés à l’évaluation d’une action locale :

distribution des vitesses réelles sur différentes infrastructures (autoroutes, routes nationales, réseau secondaire),

évaluation du taux de port de la ceinture sur différentes infrastructures ou dans quelques villes témoins,

Sans nier l’intérêt de ces renseignements, et même si des exploitations au niveau départemental ont pu être réalisées pour nourrir la réflexion des responsables des plans départementaux de sécurité routière, de telles indications ne permettent pas un suivi et la fixation d’objectifs à un niveau territorial adapté. Pour définir et réunir les indicateurs permettant de documenter une amélioration des résultats au niveau local, il faut avoir une bonne connaissance de ce qui est efficace dans le domaine de la prévention, des capacités du système de contrôle et de sanctions, et savoir définir des indicateurs « rustiques » faciles à mettre en œuvre et fiables indiquant aux décideurs locaux l’efficacité de leurs actions destinées à modifier les comportements.

Exemples d’indicateurs documentés au niveau local, dont la finalité est d’évaluer une politique se fixant comme objectif une modification mesurable des comportements :

documentation mensuelle du taux de port de la ceinture dans une agglomération disposant de services de police. Affichage des résultats et publication régulière dans la presse locale, fixation de la fréquence des contrôles en fonction des améliorations des résultats obtenues. Publication dans des délais courts du nombre et de la proportion de blessés avec ou sans ceinture dans la zone concernée. Ces dispositions contribuent à rendre crédible la répression et son efficacité préventive, elles permettent aux responsables locaux de se fixer des objectifs et d’adapter les moyens pour les atteindre,

documentation des mêmes données au niveau d’un département par les services de la gendarmerie nationale,

documentation aux niveaux indiqués ci-dessus de l’usage des dispositifs de retenue des enfants,

documentation aux mêmes niveaux du port du casque par les usagers de deux roues à moteur,

documentation des dépistages préventifs de l’alcoolisation excessive, au niveau des agglomérations disposant de services de police, et au niveau des départements (hors agglomération) pour les services de gendarmerie. La publication des résultats doit distinguer un taux de contrôle par millier d’habitants et un taux de positivité,

documentation de la fréquence du passage des feux au rouge en agglomération,

documentation de la proportion de véhicules ne respectant pas les stops,

documentation des vitesses observées sur les différents réseaux,

documentation de la dérive des seuils de vitesse sanctionnés (par exemple ne pas sanctionner les excès de vitesse inférieurs à 60 ou 65 voire 70 km/h en ville),

documentation de l’effectivité du système de contrôle et de sanctions (l’effectivité n’est pas un indicateur d’efficacité mais de mise en œuvre, la mesure est effective si elle est appliquée comme le code le prévoit). Il s’agit de vérifier si les infractions constatées sont sanctionnées et comment. Cette évaluation est difficile et exige des moyens en personnel importants. Il est possible de la réaliser de façon aléatoire par tirage au sort des lieux et des périodes qui seront l’objet de l’évaluation.

3 - La relation entre l’observation, l’information et l’action dans le cadre d’une évaluation

Les difficultés de réalisation d’une évaluation des activités professionnelles sont connues, les industriels qui ont voulu développer la qualité, les médecins soucieux de comparer des stratégies diagnostiques ou thérapeutiques, font partie de ceux qui ont eu à développer la théorie et la pratique de l’évaluation comme moteur d’une modification des comportements dans le but d’améliorer des résultats. Pour être acceptée, ce qui est une condition de son développement, l’évaluation ne doit pas être réduite à un objectif de contrôle permettant éventuellement de sanctionner les insuffisances. Il s’agit d’une démarche volontaire destinée à améliorer la qualité du travail effectué. Ces deux aspects peuvent apparaître comme deux visions différentes d’une démarche identique. Permettre aux meilleurs de montrer qu’ils ont des idées et qu’ils sont capables de les mettre en œuvre avec succès, c’est également mettre en évidence le désintérêt de ceux qui n’ont pas la même attitude. Cette vision symétrique de la qualité et de la non qualité comme les deux facettes observables d’un mode d’exercice ne contient qu’une part de vérité. Il ne s’agit pas seulement de donner une photographie d’un système à un moment de son évolution. La procédure est évolutive, permettant le développement de démarches originales qui prouveront éventuellement leur efficacité et valoriseront ceux qui les ont développées. Il est vrai que dans un second temps, ceux qui n’ont pas eu les mêmes capacités apparaîtront comme professionnellement moins aptes à assurer les fonctions qui leur ont été confiées. L’évaluation joue en fait un rôle stimulant dans le développement des « bonnes pratiques » et cela a été très visible dans le domaine médical. Les premiers services à développer une évaluation de leurs pratiques étaient indiscutablement les meilleurs. On peut dire qu’ils ont eu cette attitude à la fois parce qu’ils savaient qu’ils avaient des qualités suffisantes pour ne pas craindre une évaluation et parce que ces mêmes qualités les incitaient à faire encore mieux en développant des outils adaptés à l’amélioration d’une pratique qui était déjà très bonne. La publication de leurs résultats jouait et joue encore un rôle décisif dans l’entraînement d’une profession ou d’un groupe de professionnels vers une amélioration du service rendu. Les policiers, les gendarmes, les juges, sont confrontés quotidiennement aux drames humains provoqués par les accidents de la route. Je les ai suffisamment rencontrés au cours de 30 années de pratique et d’enseignement de l’accidentologie pour être persuadé de la volonté d’un grand nombre d’entre eux d’améliorer la sécurité routière. Il faut compter sur la motivation de ces professionnels pour réussir à combiner une utilisation de qualité des indicateurs de comportements et les autres outils de la dissuasion des comportements à risques.

A côté de la motivation des professionnels qui vont monter une véritable « recherche-action », il convient d’associer étroitement les usagers aux actions d’évaluation. Il faut avoir à l’esprit que la modification de comportement est l’objectif recherché, il sera d’autant plus facilement obtenu que les méthodes mises en œuvre seront connues et bien comprises, donc expliquées. Il est également nécessaire d’éviter une démagogie complaisante dans le style des annonces des endroits et des heures des contrôles de vitesse ou de port de la ceinture. Il s’agit d’expliquer que le système de contrôle et de sanctions va être mis en œuvre dans le but d’obtenir une efficacité maximale, dans l’intérêt de tous. Les études des comportements des usagers sur la route sont maintenant suffisamment anciennes et diversifiées pour que l’on puisse définir les conditions de l’efficacité dans le domaine de la dissuasion. Même si l’on entend encore des discours simplistes sur l’éducation et la responsabilisation, il faut admettre que la sécurité routière ne peut être que le produit d’un système dont on utilise toutes les ressources complémentaires avec un objectif, l’efficacité évaluée. L’appareil de contrôle et de sanctions fait partie des outils d’une société civilisée et le code pénal, le code de la route, sont des listes de prescriptions ou d’interdits qui font la différence entre la loi du plus fort et le respect des autres. Ce n’est pas pour autant que l’efficacité d’un système de contrôle et de sanctions se mesure à la sévérité des sanctions appliquées, il est à l’opposé reconnu que c’est la fréquence des contrôles, la rapidité de la sanction et son caractère modéré (qui la rend applicable) qui conditionne l’efficacité. Une partie des usagers est peu sensible aux notions de responsabilité, de respect des autres et des règles. D’innombrables sondages ont prouvé la fréquence de la surestimation des compétences personnelles, aggravée par une politique de communication des constructeurs et de la presse professionnelle centrée sur les qualités routières des véhicules. Cette population souvent passionnée par l’automobile et pleine d’illusions sur ses compétences n’est accessible qu’à la dissuasion par la sanction. Annoncer le renforcement des contrôles, réunir des indicateurs de comportement, les publier, font partie de ces méthodes complémentaires qui associent une population à une action et la rend d’autant plus acceptable que ses résultats sont indiqués et que l’application se fait dans des conditions d’équité reconnues. Ce dernier aspect du fonctionnement du système doit être pris en considération avec un soin particulier, des études récentes ayant révélé que ce n’était pas une qualité dominante de notre système. La pratique des « indulgences » à la source, c’est à dire au niveau des responsables du contrôle est actuellement inéquitable et doit être abandonnée. Dans une telle démarche, la publicité donnée à ces actions n’est pas destinée à convaincre de leur utilité un groupe d’usagers qui se sera jamais convaincu de la nécessité de respecter les règles pour leur utilité, mais qui est accessible à la dissuasion par la sanction, si la probabilité de cette dernière est suffisamment élevée et crédible pour qu’ils en tiennent compte.

Reconnaissance de la nécessité d’une démarche d’évaluation par les professionnels concernés, définition d’une série d’indicateurs dont le suivi sera couplé aux actions de contrôle et de sanctions, association de la population concernée, publicité donnée aux résultats, quand ces conditions ont été admises par les partenaires actifs et intégrées au projet, il convient de bien définir les procédures qui seront adoptées et de les suivre avec rigueur. Il y a nécessairement une évaluation dans l’évaluation.

4 - Les problèmes techniques posés par le développement des indicateurs

Des chercheurs peuvent se permettre de consacrer du temps et des moyens à des études portant sur des indicateurs de comportement très fins pour mieux comprendre leurs variations et leurs liens avec la sécurité. Dans une pratique de routine destinée à évaluer régulièrement l’action des services ayant en charge la sécurité routière sur les comportements des usagers dans le domaine de la prise de risque, il convient d’avoir des méthodes différentes de celles de la recherche, mais développées en fonction de ce que les chercheurs ont pu apprendre. Les caractéristiques de ces méthodes doivent être la robustesse statistique, la facilité de mise en œuvre et la pertinence vis-à-vis des buts recherchés. Elles doivent permettre d’évaluer une action pour jouer leur rôle dans le cadre d’une politique locale se fixant des objectifs.

Evaluation du port de la ceinture :

dans une agglomération sous le contrôle de la police. Il s’agit par définition d’une agglomération relativement importante et c’est dans le centre ville qu’il faut effectuer les comptages, car c’est dans cette zone que le taux de port est habituellement le plus bas. Le risque d’accident grave est également faible dans cet environnement, mais le but est d’obtenir que le port de la ceinture soit la règle dans toutes les circonstances. Il faut également prendre en considération l’importance de la signification statistique d’une variation d’un indicateur de ce type portant sur un facteur qualitatif (port ou non port de la ceinture). L’intervalle de confiance de la variation des valeurs obtenues dépend du taux de port. Si la situation est du type 8% de non-ceinturés et 92% de ceinturés, Il faudra compter plus d’usagers pour avoir une variation du taux de port significative que dans une situation à 30% de non ceinturés et 70% de ceinturés. C’est dans la configuration où les deux proportions sont identiques que l’on obtient une bonne fiabilité des résultats avec un nombre d’observations réduites. La meilleure pratique n’est donc pas de rechercher un endroit où le taux de port sera élevé pour donner l’impression que la règle est respectée (sortie de bretelle d’autoroute urbaine, entrée d’agglomération), mais à l’opposé de chercher l’endroit où le taux de port est le plus faible pour augmenter la signification d’une variation observée du taux de port avec un nombre donné d’usagers observés. La méthode sera encore plus pertinente si on limite le décompte aux usagers immatriculés dans le département où se situe l’évaluation (ils sont habituellement moins fréquemment ceinturés que les personnes en transit). Le but étant d’évaluer l’influence de l’accroissement des contrôles sur le taux de port, la limitation de l’observation aux usagers locaux accroît la qualité de cette évaluation (ce sont eux qui sont l’objectif d’une évaluation de comportements que l’on souhaite influencer par des campagnes de communication locales associées à une dissuasion du non port de la ceinture par des contrôles). Une campagne d’évaluation action dans une grande agglomération à faible taux de port de la ceinture comme Paris ou Nice peut avoir le déroulement suivant :

documentation d’un taux de port sur une vingtaine de carrefours avec feux (l’observation des véhicules arrêtés à un feu est la plus fiable), dans un nombre d’intervalles horaires limités, deux ou trois jours différents dans la semaine, de jour (les déplacements de la mi-journée sur de courtes distances sont ceux où le taux de port de la ceinture est le plus faible). Une telle mesure faite à Nice récemment (début mai 99) a produit des valeurs se distribuant autour de 46% de taux de port, ce qui est favorable à l’appréciation d’une variation significative de ce taux avec un nombre limité d’observations (pour 200 usagers observés l’intervalle de confiance est alors de 7%). La valeur importante dans une telle évaluation n’est pas l’intervalle de confiance de la mesure exprimée en % mais la signification de sa variation. Cette dernière est maximale quand la proportion des deux états observés (port et non port de ceinture par exemple) sont de 50%, alors que c’est pour cette valeur que l’intervalle de confiance est le plus étendu. Pour une valeur de 50%, le passage à 60% correspond à un accroissement de 20%, pour une valeur de 10% un accroissement de 20% est obtenu par le passage du taux de port de 10 à 12% qui n’a pas de signification statistique avec le décompte de 200 véhicules. Bien entendu ces points de contrôle ne doivent pas être rendus publics et les observations doivent être effectuées par des personnels en civil. La connaissance des points de contrôle n’a d’ailleurs aucun intérêt pour la population, l’évaluation se faisant sans intervention ni sanction pour les usagers en infraction,

campagne dans la presse et par affichage pour annoncer la multiplication des contrôles du port de la ceinture en agglomération,

réalisation de ces contrôles et documentation de l’évolution du taux de port,

publication dans la presse locale des résultats des contrôles et des évaluations, avant et après le début des sanctions, pour accentuer la crédibilité de l’action entreprise,

poursuite de la méthode avec une fréquence mensuelle des évaluations et une adaptation du nombre des contrôles en fonction des résultats.

Dans une zone surveillée par la Gendarmerie, la procédure comporte des difficultés supplémentaires liées à l’étendue de la zone évaluée et au taux de port plus élevé qui contraint à observer un plus grand nombre d’usagers pour observer des différences significatives. Le bon niveau territorial pour conduire une telle entreprise d’évaluation et d’action est le département ou l’arrondissement suivant les caractéristiques géographiques locales.

Evaluation de l’usage des dispositifs de retenue pour enfants

Il est parfois difficile d’identifier le bon usage d’un DRE sans que le véhicule soit à l’arrêt. Quand l’INRETS a produit des évaluations de leur usage, les enquêteurs ont trouvé commode de faire ces comptages dans des stations services d’autoroute, sur des parkings de supermarché ou près des écoles. Ces circonstances favorables peuvent être utilisées pour évaluer un taux de port au niveau d’une agglomération importante (Police) ou d’un département (Gendarmerie).

Evaluation de l’usage des casques par les usagers de deux roues à moteur

Cette évaluation est très facile. Il est intéressant de constater que les taux de port du casque sont habituellement supérieurs au taux de port de la ceinture. Cette situation peut avoir deux déterminants, une motivation de protection supérieure chez les usagers de deux roues à moteur et une répression plus active des forces de police et de gendarmerie à faire respecter le port du casque. Dans l’exemple de Nice caractérisé par un faible taux de port de la ceinture, le taux de port du casque est beaucoup plus élevé (94% en mai 99). Dans l’attente de l’immatriculation de tous les deux roues à moteur, il est utile dans ces dénombrements de distinguer les véhicules non immatriculés des véhicules immatriculés. Le taux de port du casque est plus faible chez les utilisateurs de véhicules non immatriculés. Deux points particuliers pourraient être pris en compte dans ces évaluations, la proportion de casques non attachés et de casques non conformes aux normes en vigueur. Il faut savoir que le port d’un casque non attaché est équivalent à l’absence de port du casque. Nous observons parfois en accident la perte de casques attachés, voire des arrachements de la coque qui se sépare de la coiffe et du système d’attache quand leur solidarité n’est pas assurée correctement, c’est dire l’importance des accélérations angulaires qui « centrifugent » le casque. Les casques non conformes correspondent à des normes très anciennes, avant l’obligation de recouvrir avec le casque les zones vulnérables de la région temporale. Les casques métalliques dégageant l’oreille, les casques « bol » des années soixante, ont une efficacité limitée en cas de choc latéral, ils peuvent être responsables d’un « effet de bord » au niveau de l’écaille du temporal qui est une zone particulièrement mince de la boîte crânienne. Certains casques répondent parfois à des normes qui ne sont pas celles des casques pour usagers de véhicules à deux roues. De telles procédures représentant un changement dans les comportements des responsables du système de contrôle, il est indispensable de prévenir la population de l’application stricte de ces règles du code importantes pour la sécurité, un casque doit être attaché et il doit être conforme aux normes en vigueur.

Evaluation du contrôle préventif de l’alcoolémie

Quand il a été institué en 1978, le contrôle préventif de l’alcoolémie (possibilité de faire des contrôles en l’absence d’infraction ou d’accidents corporels) était obligatoirement une opération assez lourde, les textes exigeant une décision du procureur de la république et la fixation préalable aux contrôles des endroits, dates et heures de leur réalisation. Depuis la modification de la législation en 1990, les contrôles peuvent être faits dans des conditions plus simples, à l’initiative des officiers de police judiciaire. Malgré cette facilitation, de tels contrôles demeurent des opérations assez délicates à mettre en oeuvre, mobilisant d’importantes forces de police et de gendarmerie pour pouvoir être réalisés en toute sécurité. Ces procédures lourdes ont des inconvénients, les téléphones portables signalent rapidement aux établissements de la région (discothèques, restaurants) la mise en place de barrages vite repérés. L’efficacité de ces contrôles dissuasifs a également été réduite par la faible disponibilité des éthylotests électroniques dans les unités de police et de gendarmerie. L’usage de ce type d’appareil, de préférence à l’éthylotest chimique (ballon) est cependant indispensable car dans les contrôles hors accidents, les valeurs d’alcoolémie sont nettement plus faibles que lors des contrôles après accident (le risque augmente très vite avec l’alcoolémie et l’accident « sélectionne » des usagers à risque élevé). Il est donc important d’avoir un système de dépistage à la fois sensible et spécifique. Les études comparatives entre les dépistages avec éthylotest chimique et éthylotest électronique a démontré la faible sensibilité du premier (plus d’un résultat faussement négatif pour un résultat positif). Les éthylotests électroniques ont une homologation définie depuis 1985, de nombreux modèles sont maintenant disponibles, ils ont une capacité électrique suffisante pour permettre de nombreuses mesures, même par temps froid. Il est indispensable d’en équiper les policiers et les gendarmes pour avoir un dépistage fiable et équitable (il est inacceptable que le risque d’être reconnu coupable d’une infraction dépende de la méthode de mesure mise en œuvre pour la dépister).

Quand les méthodes de dépistage adaptées sont disponibles, les sites d’interception correctement choisis, il convient de les réaliser de préférence à des jours et à des heures où la conduite sous l’influence de l’alcool est fréquente. Cette condition est difficile à satisfaire car il s’agit des fins de semaine et des heures de la soirée et de la nuit. Les personnels ne peuvent être de façon répétée affectés à de tels contrôles à des heures aussi contraignantes. Il convient de les réaliser en utilisant des modalités plus légères que celles actuellement mises en œuvre. Certaines unités ont su le faire et leur expérience doit être diffusée. L’important est de ne pas faire de sélection des usagers contrôlés. En dehors de la conduite en état d’ivresse qui permet une intervention sélective, ce sont des méthodes aléatoires qui doivent être utilisées dans les contrôles préventifs. Il est possible d’intercepter un véhicule sur cinq ou sur dix avec une équipe légère, par exemple à l’arrêt à un feu de carrefour dans une petite agglomération, de préférence à des interceptions massives d’une quantité importante de véhicules hors agglomération.

L’expression des résultats doit distinguer les séries de contrôles effectués avec des éthylotests chimiques de ceux effectués avec des éthylotests électroniques en attendant la disparition de la première variété dans les contrôles préventifs. Les résultats doivent être rapportés à la population du département ou de la ville suivant les zones de contrôle (Gendarmerie ou Police). Il serait utile d’indiquer les résultats par sexe et par tranche d’âges. Il est indispensable de préciser les jours et tranches horaires pendant lesquelles ils ont été pratiqués. En l’absence de ces renseignements les résultats ne sont interprétables et ne peuvent être utilisés pour comparer les niveaux de dissuasion attribuables à ces contrôles. Compte tenu de la distribution des alcoolémies illicites observées chez les impliqués dans des accidents, il serait approprié de distinguer des tranches horaires de quatre heures (0h-4h, 4h-8h etc.) et de fixer les proportions de dépistages à effectuer dans ces tranches horaires. Ces exigences de l’évaluation sont minimes en regard des charges de travail que représentent ces dépistages de l’imprégnation alcoolique. Même si les proportions de dépistages suivant les tranches horaires et les jours sont différentes d’un département à l’autre, la connaissance des conditions des contrôles permettrait des redressements statistiques améliorant la qualité des comparaisons.

Evaluation des passages de feux de carrefours au rouge

Une banalisation progressive du passage d’un feu de carrefour au rouge est constatée dans l’ensemble de la France, avec cependant des variations d’une agglomération à l’autre qui semblent dépendre de la région et de la taille de l’agglomération. Cette évolution a été précédée par une disparition progressive de l’arrêt lors de la partie intermédiaire de l’affichage du feu orange (2ème seconde), puis un arrêt de plus en plus tardif lors de la partie terminale (habituellement la troisième seconde dans un feu situé en agglomération) avec une fraction progressivement croissante de passage à la période initiale du rouge. Comme pour le non respect d’un stop, cette infraction illustre un comportement banalisé qui est la substitution de l’appréciation personnelle du risque au respect des règles. Un automobiliste sait bien que les feux sont décalés pour laisser une période de sécurité entre le passage au rouge sur une voie et celui du vert sur l’autre, il exploite alors ce temps de latence pendant une voire deux secondes. De temps en temps un piéton s’élançant rapidement ou un automobiliste se relançant rapidement au feu vert seront les victimes de cette pratique. Plus rarement l’usager constate l’absence de véhicule sur la voie qu’il croise et passe le feu rouge en faisant cette fois encore une appréciation personnelle du risque qui se substitue à la règle. Il est assez facile de documenter un indicateur reproductible de cette dérive. Il est souhaitable d’exprimer ce comportement sous la forme d’une proportion et non d’une valeur absolue qui serait mal adaptée car elle varie avec la circulation et la longueur du cycle de changement des feux. La méthode la plus simple consiste à compter le nombre de véhicules qui passent le feu après l’affichage de l’orange et le nombre de véhicules qui le passent après l’affichage du rouge. La proportion sera calculée en rapportant le nombre de véhicules passant le feu au rouge à l’ensemble des véhicules passant le feu à l’orange et au rouge. Il convient de choisir le feu dans une zone où la visibilité est bonne, la vitesse de base relativement élevée (malgré une limitation de vitesse à 50 km/h) et à une période où la circulation est dense mais sans constitution de bouchons. C’est dans cette situation que chaque automobiliste va se déterminer face à un changement de feu en fonction de son respect d’une telle signalisation ou du risque ressenti d’accident. A titre d’exemple ce type de mesure effectué à Nice sur la promenade des Anglais (carrefour avec le Bd venant de Magnan) produit une valeur reproductible proche de 40%. (Nice est une ville favorable pour mettre au point de tels indicateurs car c’est une des agglomérations de France où le respect des règles de sécurité routière est particulièrement faible). Avec un temps d’affichage de l’orange de 3 secondes, une telle proportion signifie que le passage au rouge se fait pendant près de 2 secondes, ce qui est un temps très long.

Evaluation de la fréquence de passage d’un signal stop sans marquer l’arrêt.

Cette évaluation est facile, elle doit être exprimée comme la précédente sous la forme d’une proportion. La difficulté est dans la distinction entre le marquage d’un arrêt franc et le passage à une faible vitesse avec reprise de la première vitesse. Il est possible de distinguer ces deux formes de non respect d’un stop, mais le but de cette évaluation étant de disposer d’un indicateur et non de sanctionner, la valeur la plus reproductible est la proportion d’usagers qui ne marquent pas l’arrêt. Il est important comme pour le respect des feux de faire l’évaluation sur des stops avec une bonne visibilité. Il faut éviter de choisir des intersections avec un mauvais usages des stops comme solution économique destinée à provoquer un ralentissement dans des petites agglomérations. Le stop est alors placé sur la voie qui supporte le plus fort trafic, à l’intersection avec une voie supportant un trafic très réduit. Cette mauvaise indication du stop est une déviance de plus en plus fréquente et elle contribue à la détérioration du respect de cette obligation d’arrêt. C’est dans des agglomérations de taille moyenne, hors des voies principales, que l’on observe des taux élevés de non respect des stops.

Evaluation des vitesses réelles pratiquées

Il s’agit d’une évaluation particulièrement importante qui n’est que rarement documentée au niveau local (agglomération sous la responsabilité de la police, département pour la gendarmerie). Elle doit être faite avec des moyens suffisants pour garantir les valeurs mesurées et la reproductibilité des mesures. Les outils sont disponibles, les radars portables sont bien adaptés à ces évaluations, il existe également des systèmes de mesure ne faisant pas appel aux radars et enregistrant automatiquement les vitesses. Si l’on souhaite réellement responsabiliser les usagers et ceux qui assurent la gestion de la sécurité routière au niveau local il faut être capable de documenter la distribution des vitesses (par tranches de 10 km/h) en agglomération et hors agglomération, de jour et de nuit.

Evaluation de la dérive des contrôles de vitesse

Ce point a une importance qui a été sous-estimée au cours des vingt dernières années. L’accroissement progressif de la vitesse maximale pouvant être atteinte par les véhicules a produit un déplacement progressif des comportements à la fois des usagers et des personnels chargés des contrôles. Cette relation entre les vitesses pratiquées et les contrôles est à double sens. Les usagers prennent rapidement conscience de la valeur de la différence entre un seuil légal et un seuil réel. Il est notoire qu’avec des nuances d’une unité à l’autre, ce seuil est proche de 20 km/h, atteignant parfois 30 km/h dans certains contextes. Il suffit de comparer la distribution des vitesses en agglomération et la distribution des vitesses relevées sur les PV constatant une infraction à la limite de vitesse pour obtenir immédiatement la valeur du décalage. S’il n’y avait pas de tolérance, la courbe exprimant la distribution des infractions constatées serait identique à celle des vitesses réellement pratiquées, amputée des vitesses inférieures à 50 km/h. Ce n’est pas le cas et le décalage entre les sommets des deux distributions est d’environ 20 km/h. Cette situation est le produit d’une insuffisance d’encadrement et de formation des forces de police et de gendarmerie chargées des contrôles. Ce n’est pas parce que les comportements infractionnistes sur la vitesse maximale autorisée sont fréquents qu’il faut renoncer à appliquer la règle. L’acceptation d’une « tolérance » de 20 km/h place le contrôle dans une impasse car elle est intégrée par l’usager et produit un déplacement de la distribution de la vitesse des véhicules vers la nouvelle règle de fait. Pour que la norme de 50 km/h soit crédible, il faut sanctionner à partir de 55 km/h et redéplacer le comportement moyen de l’usager vers le seuil réglementaire. La situation est la même sur le réseau secondaire hors agglomération et sur autoroute. Le retour « à la règle » doit être organisé et annoncé au niveau local (ou national), il faut éviter qu’il s’agisse d’initiatives au niveau de la commune ou du canton fonctionnant comme des pièges incompréhensibles pour l’usager. Un préfet peut annoncer la tolérance 5 km/h sur tous les réseaux à compter d’une date définie et l’annoncer aux limites de son département. Cette mesure couplée à une évaluation des vitesses et de l’accidentalité aurait un intérêt considérable pour prouver à une population la force du lien entre les vitesses de circulation et le risque.

Evaluation du système de contrôle et de sanctions

Les études du CESDIP et de l’INRETS ont mis en évidence une évolution des pouvoirs d’appréciation des responsables de la mise en œuvre sur le terrain des règles de sécurité routière qui pose un problème à la fois d’équité et d’efficacité. S’il est normal qu’une « marge de manœuvre » soit laissée à ceux qui constatent les infractions, la dérive a principalement porté sur le devenir des constats effectués, la proportion « d’indulgences » aboutissant à un abandon des poursuites dans une proportion de cas dépassant 40% dans certaines unités de police ou de gendarmerie témoigne de l’importance de ces pratiques qui échappent aux règles de l’équité. Il semble qu’au fur et à mesure que les interventions à un stade plus avancé des procédures se soient raréfiées à la suite de multiples instructions ministérielles, l’arrêt s’est produit à un stade initial, dans les 24 ou 48 heures qui suivent le constat. Ces pratiques « d’indulgence » sont peu fondées sur des particularités de l’infraction qui les justifieraient, il s’agit en fait du développement d’un véritable clientélisme local, donnant un pouvoir de négociation et d'influence aux acteurs de ces transactions. La recherche de la qualité d’une relation humaine avec une population, l’importance des réseaux de renseignements dans des périodes où la violence urbaine, voire les actes terroristes imposent une vigilance permanente aux forces de police et de gendarmerie, contribuent à développer ces pratiques qui s’exercent aux dépens de la première cause de mortalité accidentelle en France. Un Anglais, un Suédois, n’imaginent pas que près de la moitié des infractions constatées mettant en jeu la sécurité puissent ne pas être sanctionnées, uniquement pour des motifs relationnels unissant ceux qui ont la responsabilité des contrôles et ceux qui commettent les infractions. Il faut lire le livre de Claudine Perez-Diaz : « jeux avec les règles pénales » pour comprendre les raisons d’une telle dérive. Comme pour la modification progressive des seuils à partir desquels les excès de vitesse sont sanctionnés, cette évolution des comportements s’est faite sur une période longue et il est toujours difficile de revenir sur des pratiques solidement installées et qui finissent par être considérées comme « normales » alors qu’il s’agit de manquement graves à l’état dit de droit. Si cette dernière expression a pris un tel poids dans les discours au cours de la période récente, c’est peut-être à cause de la plus grande visibilité de pratiques qui n’étaient pas documentées il y a quelque années. Rendre visibles ces pratiques est un signe de fonctionnement démocratique, continuer à les tolérer comme des pratiques discrétionnaires n’est pas acceptable. Elles sont très différentes du classement justifié d’un dossier par une autorité responsable disposant d’éléments qui motivent ce classement, il s’agit simplement d’une dérive clientéliste.

Face à une telle situation, les ressources des responsables politiques sont en nombre limité mais elles existent. Il ne s’agit pas de la simple injonction rituelle d’interrompre ces pratiques, dont la crédibilité est très faible, elle a été trop souvent entendue dans le passé. Il y a en fait trois méthodes efficaces pour éviter ces pratiques :

l’une est organisationnelle, il s’agit du développement d’unités spécialisées ayant en charge la sécurité routière au niveau du département. N’étant pas implantées localement au niveau d’une ville ou d’un canton, échappant aux contraintes des relations locales, elles peuvent exercer leur activité avec une indépendance complète si leur hiérarchie sait privilégier la rigueur dans l’application des règles du droit.

la seconde méthode consiste à développer les méthodes de transmission immédiate des constats d’infraction à un centre départemental. Cette méthode doit coupler l’automatisation du renseignement des procédures sur le lieu de constat (ordinateurs portables) qui facilite le travail des agents qui assurent cette tâche. Dès la fin de la saisie, une édition papier permet de conserver un exemplaire signé du contrevenant et les données sont immédiatement transmises au centre de traitement des procédures. Cette technique évite aux policiers et aux gendarmes d’être soumis aux pressions de leurs relations locales ;

la troisième méthode est celle que l’on devra mettre en œuvre dans le proche avenir, car c’est la seule qui peut être rapidement opérationnelle. Elle consiste à évaluer et à sanctionner les dérives dans l’application du système de contrôle et de sanction. Il s’agit en fait d’inscrire dans la routine les pratiques mises en œuvre dans le cadre de la recherche sur les politiques pénales depuis une dizaine d’années. L’évaluation doit repartir des documents de constatation des infractions et vérifier leur aboutissement ou à l’opposé leur blocage en précisant à quel stade et pour quelles raisons cette procédure n’a pas abouti. Il est hors de question d’avoir de telles pratiques d’évaluation sur l’ensemble des procédures, elles doivent être conduites sur des échantillons tirés au sort. La méthode la plus adaptée serait d’avoir une commission techniques très légère au niveau de chaque tribunal d’instance, composée par exemple d’un magistrat et de représentants du préfet, des unités de police, et des unités de gendarmerie. Les jours des constats et les unités vérifiées seraient tirés au sort. Un agent administratif de la préfecture et un agent du tribunal auraient la charge de reprendre les constats d’infraction mettant en cause la sécurité routière de la période retenue et de vérifier leur aboutissement. Les résultats seraient exprimés sous la forme de pourcentage. Comme pour toutes les autres mesures d’évaluation, une telle pratique ne doit pas être mise en œuvre de façon rétrospective, elle doit être développée en concertation avec les responsables d’unités de police et de gendarmerie, avec une date de départ fixée par les différentes parties et des modalités pratiques d’archivage au jour le jour des infractions constatées définies avec précision. Une telle évaluation sera ressentie par certains comme une forme de suspicion vis à vis des responsables de la sécurité routière sur le terrain. Il faut savoir réaffirmer les principes du droit et utiliser les résultats des recherches effectuées dans ces domaines pour expliquer que ce sont les dérives observées dans ces pratiques d’indulgence qui justifient ce retour au droit et à la rigueur. De nombreux acteurs de terrain seront en fait satisfaits d’être protégés contre ces pratiques par l’évaluation. Il est difficile dans un groupe de faire partie de ceux qui refusent les pratiques installées, même si elles sont critiquables. La connaissance, dans le public et dans toutes les unités de police et de gendarmerie, d’une procédure d’évaluation des actes qui contribuent à la sécurité routière est aussi utile que l’évaluation à l’hôpital ou dans un établissement industriel. Faire de l’évaluation en sécurité routière en mettant de côté le système de contrôle et de sanctions serait une défaillance grave de l’Etat, signifiant qu’il ne se sent pas la force de faire respecter les règles qui fondent le droit : l’égalité des citoyens face à l’application des règles.

Conclusions

L’énumération des possibilités, des modalités et des difficultés de l’évaluation dans le domaine de la sécurité routière peut la faire apparaître comme une ambition démesurée, inadaptée à nos habitudes administratives. Les mêmes réactions étaient exprimées il y a une vingtaine d’années dans le domaine médical et j’ai le souvenir précis d’une réunion sur l’évaluation qui s’est tenue en 1980 au ministère de la santé avec les présidents des commissions médicales des établissements hospitaliers. Un scepticisme très général s’était manifesté avec des arguments qui ont été répétés depuis à chaque nouvelle initiative, insuffisance de moyens financiers et humains pour conduire ces évaluations, risque de provoquer des réactions de rejet par les personnels qui peuvent vivre l’évaluation comme une mesure de méfiance, complexité des systèmes multifactoriels qui ne favorise pas les évaluations fiables. Malgré ces critiques les procédures d’évaluation se sont développées, le mouvement est loin d’être achevé, il s’agit en fait d’un état d’esprit qui exige des adaptations permanentes. Un organisme particulier (ANAES) a été créé dans le domaine médical pour favoriser une évaluation de qualité. Il serait utile d’avoir une démarche identique dans le domaine de la sécurité routière. Les procédures doivent être définies avec la collaboration des organismes de recherche, les résultats réunis, comparés et commentés. Envisager d’améliorer significativement la sécurité routière sans développer l’évaluation serait une erreur d’appréciation de l’importance de cette pratique dans le développement de la qualité des résultats. Elle aboutirait en pratique à renoncer à atteindre les objectifs fixés en 1997 par le comité interministériel de sécurité routière. L’amélioration à court terme de la sécurité routière ne peut venir que d’une amélioration du respect des règles existantes, le long terme devant être assuré par des méthodes de sécurité « intrinsèques » qui exigeront plusieurs années pour être opérationnelles (enregistreurs de vitesse, limitation de la vitesse à la construction, poursuite des aménagements de l’infrastructure imposant des comportements sécuritaires).