COMPTE RENDU DU DEBAT
A L'ASSEMBLEE NATIONALE
le vendredi 29 mai 1998
ARMES A FEU

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Bruno Le Roux et de plusieurs de ses collègues, fixant le régime des armes et munitions.

M. Bruno Le Roux, rapporteur de la commission des lois - Je ne cacherai pas ma satisfaction de voir cette proposition venir en discussion, à l’initiative du groupe socialiste. Je me réjouis aussi que nos échanges en commission augurent bien de la possibilité de parvenir, après débat, à un large accord sur un renforcement de la législation et de la réglementation sur les armes. En effet, l’armement individuel a pris une telle ampleur qu’on peut à bon droit parler de problème de société.

Il ne se passe guère de semaine sans qu’un fait divers tragique ne vienne nous rappeler combien la détention d’armes est devenue un phénomène banal. Il nous faut donc trouver un nouvel équilibre entre liberté et responsabilité, si l’on ne veut avoir à tenir une bien macabre comptabilité.

A chaque drame, l’opinion s’émeut et elle s’étonne que rien ne soit fait ; les déclarations d’intention se multiplient alors. Puis tout retombe bien vite. Alors pourquoi ce débat aujourd’hui ? Il me semble que la réflexion arrive suffisamment à maturité pour que nous jetions les bases d’une législation plus rigoureuse, pour que nous posions les premières pierres d’une réforme ambitieuse. On a pris conscience que la réglementation actuelle était inadaptée à la société française de la fin du XXème siècle et la législation ne saurait être en retrait par rapport à cette évolution.

La société dans laquelle je souhaite vivre et à la construction de laquelle je veux contribuer comme parlementaire est une société où seuls les représentants de l’Etat chargés de la sécurité des citoyens seraient armés. C’est sans doute un idéal, mais il faut y tendre. Dans cet esprit, la présente proposition de loi interdit d’acquérir ou de détenir une arme à feu et vise à permettre de connaître enfin, et de contrôler, le nombre d’armes en circulation sur le territoire national.

Aucune statistique n’a été établie pour mesurer l’ampleur du phénomène. Mais, comme les élus locaux peuvent le constater, les ventes d’armes de chasse et de fusils à pompe augmentent et les incidents dramatiques se multiplient à délai de plus en plus rapproché, symptômes d’un désordre social et d’une insuffisance de la loi. Le temps est donc venu de réagir pour éviter que la loi des armes l’emporte sur la loi. L’exemple britannique nous incite à ne plus hésiter. Parce que les armes sont par nature dangereuses, qu’en détenir est toujours détenir le pouvoir de provoquer un drame humain, parce que la violence qu’elles font peser sur les plus faibles est latente, nous devons en maîtriser le nombre et la circulation.

Dans une circulaire adressée le 11 mars dernier aux préfets, le ministre de l’intérieur a noté que de plus en plus souvent, les agressions s’accomplissaient avec des armes et, singulièrement, avec des armes à feu, et que le risque d’une banalisation du port d’armes devenait réel dans certains milieux ou dans certaines zones. Or cette dérive a pour corollaire la tentation de l’autodéfense. Le sentiment d’insécurité est parfois invoqué par ceux qui revendiquent d’être armés. L’argument pourrait être recevable si l’Etat négligeait d’assurer à tous la sûreté ou s’en montrait gravement incapable. Ce n’est pas le cas.

Et c’est au contraire au nom de son devoir de protection que l’Etat doit contrôler la diffusion des armes. Comment ma sûreté, "droit naturel et imprescriptible", peut-elle être garantie si mon voisin est armé ? La justice et la paix sociale ne peuvent s’accommoder d’une promotion de l’autodéfense ou de l’"auto-justice".

Pourtant, les élus, les travailleurs sociaux et la police le constatent tous les jours : en-dehors de la délinquance organisée, des comportements nouveaux se font jour. La détention d’une arme devient de plus en plus, particulièrement chez les plus jeunes, un moyen de se faire reconnaître au sein d’un groupe, voir un moyen de socialisation. Il s’agit donc bien d’un problème social, et pas seulement d’une question relevant strictement de la compétence de la police ou des enseignants. A ce risque d’accoutumance aux armes, il faut répondre par la loi, par une pédagogie de tous les instants et par un patient travail en vue de rétablir la confiance dans les quartiers, entre les habitants et les institutions.

Il est démontré que la présence d’une arme rend tout incident plus dangereux. La Coalition canadienne pour le contrôle des armes a ainsi établi que, lorsqu’on dispose d’une arme à domicile, la probabilité de tuer un membre de sa famille est 43 fois supérieure à celle de tuer un agresseur. 

Elle a de même démontré qu’une arme acquise pour sa propre protection avait plus de chance d’être utilisée contre une victime que contre un délinquant ; que, dans 87 % des cas d’homicide commis par une arme à feu, la victime et l’agresseur se connaissaient ; qu’un domicile où il y a une arme à feu est trois fois plus souvent qu’une autre la scène d’un homicide et cinq fois plus souvent celle d’un suicide.

Ainsi, même si la corrélation n’est pas directe, les exemples américains ou russes nous convainquent que la législation détermine en partie le niveau de violence dans une société. Au nom de la liberté individuelle, des législations trop laxistes ont pour effet de méconnaître la sécurité individuelle.

La réglementation française n’est évidemment pas de celles-ci. Il reste que la multiplication des incidents dramatiques appelle une réflexion d’ensemble. La complexité de nos textes et leur inefficacité ont conduit le groupe socialiste et le groupe RCV à déposer chacun une proposition de loi visant à limiter la détention d’armes. Le texte de référence remonte à l’avant-guerre : c’est le décret-loi de 1939. En outre, sa juxtaposition avec le décret du 6 mai 1995 aboutit à un ensemble confus, redondant, parfois contradictoire. La classification en catégories confond mode de fonctionnement et calibre. Enfin, ces textes ne permettent pas de contrôler le nombre des armes en circulation : tout au plus sait-on qu’il y aurait 10 à 18 millions d’armes chez les particuliers, dont 800 000... à plusieurs millions d’armes de 1ère et de 4ème catégories.

La commission s’est convaincue de la difficulté qu’il y aurait à réformer l’ensemble de cette réglementation par un seul texte, tant les parties prenantes sont nombreuses -ministères de l’intérieur, de la défense, de la jeunesse et des sports, douanes- mais aussi parce que la matière est de caractère largement réglementaire. Aussi avons-nous jugé préférable de poser quelques principes clairs, dessinant l’architecture générale de la réforme préparée par le rapport Cancès.

Tout en restant fidèle à la philosophie de la proposition du groupe socialiste, je vous propose de l’aménager pour tenir compte du dispositif suggéré par le groupe RCV dans la sienne, ainsi que de l’engagement pris par le Gouvernement de refondre le régime légal et réglementaire.

Pour résumer, une interdiction générale des armes à feu ne souffrirait que quelques dérogations : en faveur des agents de l’Etat chargés de la défense et de la sécurité publique, bien entendu, ainsi que des catégories de personnes auxquelles le droit de détenir une arme serait délégué, sans oublier les chasseurs et les pratiquants du tir sportif dont j’ai pu apprécier l’esprit de responsabilité.

La nouvelle rédaction harmonise notre droit avec le droit communautaire tel qu’il résulte de la directive du 18 juin 1991, tout en étant, comme cette directive l’autorise, plus sévère.

Elle renforce le droit existant en élargissant les champs du régime d’autorisation et du régime de la déclaration.

En effet, actuellement, seuls les titulaires d’une licence de tir sportif et les personnes assurant des missions de sécurité sont tenus de solliciter une autorisation. Avec le nouveau dispositif, toute détention d’arme sera soumise à autorisation préalable ou déclaration.

Le rapport Cancès préconise un contrôle plus systématique des bourses aux armes, des enquêtes plus rigoureuses à l’occasion des demandes d’acquisition et de détention d’armes et une plus grande exigence de sécurité pour les armes détenues par les particuliers. Tout cela va dans le bon sens.

En effet, le renforcement de la législation risquerait d’être sans effet s’il n’était pas prolongé par un important volet réglementaire.

Il faudra notamment redéfinir les conditions d’agrément des fédérations sportives, mettre en place un fichier national des armes, après avis de la CNIL et imposer des conditions plus rigoureuses pour les dispositifs de sécurité des armes et pour leur stockage.

Poser pour principe que les particuliers n’ont pas le droit d’être armés, c’est permettre à la France de s’engager sur la voie d’une réglementation moderne, adaptée à une démocratie mature, et à la nécessité de maîtriser les risques liés à un "surarmement programmé".

Je sais que le Gouvernement travaille depuis longtemps à une réforme du régime des armes et je souhaite que cette première contribution recueille une large adhésion de la représentation nationale.

Je suis fier que nous sachions utiliser cet espace réservé à l’initiative parlementaire pour légiférer sur un vrai problème de société.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d’Etat à l’outre-mer - Ce débat est une première dans l’histoire parlementaire. Jamais, jusqu’à ce jour, la représentation nationale n’a été appelée à débattre du régime de l’acquisition et de la détention des armes.

La matière est aujourd’hui organisée par un décret-loi du 18 avril 1939, c’est-à-dire un texte pris par le Gouvernement dans la sphère de compétence du législateur de la IIIème République.

Ce texte de base a subi fort peu de modifications. Encore le Parlement a-t-il été étranger à la réflexion, puisque les plus importantes résultent d’une ordonnance du 7 octobre 1958. Seule la loi du 3 janvier 1977 a permis au législateur de se prononcer, mais à la marge car ce texte est axé sur la lutte contre le grand banditisme et ne concerne qu’accessoirement le port des armes.

C’est donc une anomalie historique qui est corrigée aujourd’hui par l’engagement d’un débat de société, qui devrait, j’en suis persuadé, faire l’objet d’un très large consensus.

L’actualité récente y pousse. Chacun a en mémoire les faits divers tragiques de ces dernières semaines -à Pavilly, près de Rouen, une commerçante tuée par des enfants armés d’un 357 Magnum ; à Tourcoing, un lycéen tué en classe par un 6.35, apporté en cours par un de ses camarades ; dans un centre commercial de l’Essonne, un adolescent tué par une décharge de fusil à pompe.

La France n’est pas le seul pays touché, comme le prouvent la tragédie de Dunblane, en Ecosse, ou les récents carnages dans certains établissements scolaires des Etats-Unis.

L’émergence de la violence armée constitue un défi lancé aux pouvoirs publics. C’est pourquoi le Gouvernement se félicite de ce débat.

Je voudrais vous faire part de quelques réflexions générales sur la problématique des armes, avant de vous indiquer le sentiment du Gouvernement sur ces propositions, les mesures d’urgence qu’il compte prendre à court terme et ses orientations concernant une refonte plus générale du régime des armes.

Plusieurs facteurs se conjuguent pour rendre particulièrement ardue la définition de critères pour la détention d’armes.

Le premier tient à la matière elle-même, qui est technique et complexe.

Le décret-loi du 18 avril 1939 porte essentiellement sur le commerce, l’importation et l’exportation des armes et est presque muet sur la détention d’armes. Il n’a été sensiblement modifié que le 7 octobre 1958, par voie d’ordonnance.

Le décret du 12 mars 1973 s’intéresse, pour la première fois, au régime de l’acquisition et de la détention d’armes. Il a été modifié une vingtaine de fois, sous la pression des événements et sans que jamais une réflexion d’ensemble ait été menée.

Les versions successives du décret font apparaître un allongement continu et régulier de l’énumération des armes classées dans les différentes catégories qu’il définit. Par exemple, alors que le texte d’origine ne mentionnait que 7 paragraphes d’armes en 4e catégorie, celle-ci comptait 14 paragraphes dans la rédaction issue du décret du 6 janvier 1993 et 19 dans celle du décret du 6 mai 1995.

Il en résulte une perte de lisibilité du texte et une difficulté, pour les particuliers, et même parfois les spécialistes, à déterminer la catégorie et par suite, le régime juridique, de l’arme qu’ils détiennent.

Ces difficultés ne pourront sans doute pas être totalement effacées, compte tenu de la technicité de la matière. Il est cependant nécessaire de parvenir à une meilleure présentation des textes et à une meilleure lisibilité, car c’est la condition d’une bonne application sur le terrain.

L’Etat, par ailleurs, ne peut demeurer à la remorque de l’imagination des fabricants d’armes, qui cherchent à trouver des parades techniques pour contrecarrer les mesures de classement prises par les pouvoirs publics.

L’Etat doit aussi prendre acte de l’obsolescence du texte du 18 avril 1939, qui ne correspond plus aux besoins.

Autre facteur de complexité, l’intervention du droit communautaire dans cette matière. Le 18 juin 1991, le Conseil européen a édicté une directive "relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes". C’est désormais une dimension incontournable, qui a des conséquences sur la constitutionnalité des textes qui pourraient être adoptés par le Parlement.

Cette directive ne s’applique qu’aux armes à feu : les armes dites "blanches" ne sont pas concernées, ce qui n’interdit pas d’envisager des mesures les concernant. Elle ne concerne pas l’armement des forces armées et des services de sécurité de l’Etat. Elle procède à un classement des armes en quatre catégories, en fonction de leur régime administratif : régime d’interdiction, régime d’autorisation administrative, régime déclaratif, régime libre. Comme tous les textes de cette nature, elle ne fixe que des objectifs minimum et n’interdit pas, bien entendu, d’aller au-delà.

Le troisième facteur de complexité tient au nombre d’armes qui sont aujourd’hui détenues, régulièrement ou non, en France. Le chiffre est impossible à déterminer. 10 millions, 20 millions ? Un expert estime à 3 ou 4 le nombre d’armes détenues par foyer, en moyenne. Cette incertitude tient au fait qu’une très grande partie de ces armes sont actuellement libres à l’achat -par exemple 90 % des armes de chasse- et qu’une grande partie est constituée d’armes des deux guerres, qui ont été conservées depuis des décennies, le plus souvent par fidélité à des souvenirs familiaux, même si c’est illégal.

Les changements de régime administratif portent donc sur un nombre très considérable d’armes, de l’ordre de plusieurs millions.

En conséquence, le Gouvernement estime indispensable avant toute modification substantielle du régime des armes, d’engager une concertation étroite avec les chasseurs et tireurs sportifs ainsi qu’avec les fabricants d’armes et les armuriers. S’il est illusoire d’espérer un consensus total, toute démarche hâtive serait vouée à l’échec.

La proposition comporte trois grandes orientations : son champ est limité à la détention à titre civil des seules armes à feu ; elle pose le principe de l’interdiction d’acquérir et de détenir ces armes ; elle admet des dérogations bien définies. Le Gouvernement adhère à ces orientations, sous quelques réserves.

Il va de soi que le problème ne se pose que pour la détention des armes à titre civil et que policiers, gendarmes et militaires ne sont pas concernés. Ne fallait-il pas inclure les armes blanches, qui peuvent être mortelles ? Mais du couteau de cuisine à la baïonnette, comment les définir ? J’y reviendrai.

La proposition affirme pour la première fois un principe fort : la détention d’armes à feu est interdite. Certains évoquent l’esprit de 1789. Mais la Révolution n’a jamais instauré le droit de détenir des armes, elle a donné celui de chasser. Evidemment, l’exercice de la chasse n’est pas en cause ici.

De même, chacun pourra conserver le fusil du père ou du grand-père, qu’il soit de chasse ou de guerre. Ces armes anciennes sont quand même dangereuses et justifient donc un régime administratif particulier. Mais il n’est pas question de dépouiller les familles de leur patrimoine. Il suffit que ces armes soient neutralisées.

Si elle n’est pas un droit, la détention d’une arme à feu peut être une nécessité. Ce sont d’ailleurs les députés qui, par amendement, au projet en cours d’examen, ont permis que les policiers municipaux soient armés sous certaines conditions. Les convoyeurs de fonds le sont également, et l’article 3 prévoit opportunément une dérogation pour les services de sécurité publics et privés.

De façon réaliste, la proposition prévoit également d’autres dérogations fondées. J’ai mentionné les chasseurs. Pour autant, 60 % des crimes et délits commis avec des armes à feu le sont au moyen d’armes de chasse. La déclaration auprès du préfet de l’acquisition et de la détention d’armes et de munitions de chasse, subordonnée à la présentation d’un permis de chasse, est donc normale. Les chasseurs le comprendront aisément. Un décret pourrait d’ailleurs anticiper cette mesure.

De même le tir sportif par des pratiquants réguliers n’est pas en cause. Reste qu’il est souvent prétexte à détenir des armes refusées au titre de la défense -tel le 357 magnum qui a servi à tuer l’épicière de Pavilly. Dès lors il est normal que l’autorisation de l’enregistrement ou la déclaration, selon la catégorie d’arme détenue, soit soumise à justification d’une pratique effective du tir.

Enfin le Gouvernement accepte la proposition de limiter la détention d’armes par les particuliers au titre de la défense à l’existence de risques dans l’activité professionnelle. On pense bien sûr aux pharmaciens.

Le Gouvernement accepte également que soient soumises au contrôle des pouvoirs publics la détention des armes à feu présentant des dangers pour la sécurité publique du fait de leur calibre, de leur puissance ou de leur nombre.

La régime d’autorisation s’applique aux armes de première et quatrième catégories, celui de la déclaration en préfecture s’appliquera aux cinquième et septième catégories -"armes de chasse, de tir, de foire et de salon".

En revanche le Gouvernement est réservé sur la déclaration en préfecture prévue à l’article 6 pour les armes historiques et de collection -la huitième catégorie. Si une arme ancienne demeure dangereuse, il est très rare qu’elle soit l’instrument d’un crime. Peu utile, ce contrôle serait très lourd pour l’administration en raison de la diversité des pièces, et mal ressenti par les collectionneurs.

Certes, la catégorie "arme de collection" n’est pas adaptée et il faut mieux définir l’arme historique. Sous cette réserve, je vous demande de prendre en compte les observations du Gouvernement. Il doit être clair en tout état de cause qu’un contrôle administratif ne doit pas être tracassier.

Le Gouvernement est également réservé sur le certificat médical que l’article 4 rend nécessaire pour acquérir une arme soumise à autorisation. Le principe est acceptable, mais les modalités bien difficiles à établir. Le législateur doit fixer les règles relatives à l’aptitude psychologique ou physique à détenir des armes, mais dans le respect du secret médical et sans exposer inutilement les praticiens à une responsabilité pénale. Pour l’instant, le décret-loi du 18 avril 1939 règle en partie ce point. Je vous suggère donc de le réserver pour y revenir, après concertation, dans le cadre du futur projet.

Il faut enfin que la loi, une fois votée, soit appliquée. Nul ici ne peut se satisfaire de poser un principe de contrôle administratif fort, qui resterait lettre morte, faute d’être préparé, expliqué et compris. Il y va de la crédibilité des institutions de la République. On se rappelle les vicissitudes de l’application du décret du 6 mai 1995 qui posait l’obligation de déclarer un nombre considérable d’armes à feu, sans information suffisante du public, et sans préparation des services de l’Etat. Evitons de renouveler ces dysfonctionnements.

Il faut donc prévoir un délai suffisant, qui soit mis à profit pour assurer une information efficace, afin que les détenteurs d’armes qui seraient soumises à un régime nouveau soient en situation régulière. A cet égard, la date du 30 juin 2000 prévue par l’article 7 de la proposition ne paraît pas réaliste. Les armes concernées, en particulier par l’article 5, se comptent sans doute par millions. Deux années ne suffiraient pas à absorber les déclarations correspondantes. Votre assemblée doit prendre conscience de cette contrainte, car rien ne serait pire que l’affichage d’une règle qui ne serait pas appliquée.

Sous ces quelques réserves, faciles à lever, me semble-t-il, les orientations de cette proposition sont bonnes. Les drames de ces dernières semaines conduisent cependant à prendre des mesures urgentes ; commandées par les circonstances, elles révèlent aussi des lacunes dans la réglementation de la détention d’armes. M. Chevènement a demandé, le 12 mars dernier, à M. Claude Cancès, inspecteur général de la police nationale, une étude sur la cohérence de notre réglementation avec les préoccupations de sécurité publique. Il s’agissait notamment de savoir si l’on pouvait se contenter d’une adaptation de ce régime à législation constante, ou s’il fallait refondre la base légale de cette réglementation, c’est-à-dire le décret-loi de 1939.

M. Cancès a remis son rapport le 16 avril. Il ressort clairement de son excellente analyse qu’une refonte générale est souhaitée par tous les partenaires intéressés. Elle est d’ailleurs préconisée de longue date par le Conseil d’Etat. Dans l’immédiat, le rapport préconise quinze mesures d’urgence, dont j’évoquerai les plus significatives. Tout d’abord, reclassement de toutes les armes de poing et de tous les fusils à pompe en quatrième catégorie, c’est-à-dire dans un régime d’autorisation administrative. Chacun en comprendra l’intérêt, la criminalité étant bien souvent le fait de ce type d’armes. Ensuite, obligation de sécurisation des armes détenues par les particuliers ; subordination de l’acquisition d’armes et de munitions de chasse à la présentation du permis de chasser ; meilleur contrôle de l’assiduité des tireurs sportifs aux clubs et sociétés de tir. Ces deux dernières mesures figurent dans la présente proposition, et peuvent être immédiatement mises en oeuvre au plan réglementaire, ce qui ne prive en rien la loi de son utilité à cet égard. Le rapport préconise enfin la mise en place d’un fichier national des armes, indispensable pour maîtriser la circulation des armes en France. Le ministère de l’intérieur travaille actuellement à traduire ces recommandations en termes réglementaires. Un projet de décret modifiant celui du 6 mai 1995 est en cours de concertation interministérielle. Il sera très prochainement présenté au Conseil d’Etat, et publié au début de l’été.

Ces mesures d’urgence sont nécessaires, et le Gouvernement entend aller vite. Mais il n’entend pas procéder à des modifications successives du décret du 12 mars 1973 sous la seule pression de l’événement, sans réflexion d’ensemble sur la législation des armes. C’est pourquoi le Premier ministre a demandé au ministre de l’intérieur de préparer une refonte de cette législation qui pourra être débattue en début d’année prochaine. J’ai évoqué quelques axes de la réflexion du Gouvernement ; voici encore quelques précisions.

Tout d’abord, le classement des armes résultant du décret-loi du 18 avril 1939 ne correspond plus à l’évolution de notre société, non plus qu’à la présentation du droit communautaire. Il en résulte un manque de lisibilité, des difficultés de compréhension par les particuliers, et d’application par les services de l’Etat.

Le classement des armes doit donc être profondément repensé. Plusieurs logiques sont possibles, mais guère compatibles entre elles. La position du Gouvernement n’est pas arrêtée. Elle ne pourra faire fi des impératifs communautaires, ni des conventions internationales. Il est déjà clair que la distinction actuelle entre les armes dites "de guerre" et les armes dites "civiles" n’est plus pertinente. Certaines armes dites "de défense", comme les 357 Magnum, sont plus dangereuses que des armes aujourd’hui classées "de guerre". Il faut remettre à plat cette question, et peut-être envisager le classement des armes en fonction de leur calibre, éventuellement croisé avec d’autres critères, comme la puissance de feu, plutôt que de leur destination. C’est là une question technique, mais capitale, car elle commande l’ensemble du régime administratif.

Il faudra aussi s’interroger sur le régime des armes blanches, actuellement libres d’acquisition et de détention, même si le port et le transport de certaines est soumis à la justification d’un motif légitime. Certaines armes blanches, comme les armes électriques, certains pointeurs à laser, certains couteaux ou poignards, constituent un danger évident ; il faudra s’interroger sur l’opportunité et la possibilité de les soumettre à un contrôle administratif.

Le deuxième axe de réflexion porte sur le contrôle de l’Etat sur les armes mises sur le marché.

L’imagination des fabricants étant sans limite, il est tout à fait anormal que des armes puissent être mises en circulation sans contrôle préalable de l’Etat. Je ne verrais que des avantages à instituer une procédure d’autorisation préalable à la commercialisation, de sorte que l’administration ne soit pas contrainte d’envisager, plusieurs mois parfois après leur mise en vente, le classement et donc le régime administratif applicable aux armes.

Il faudra enfin inscrire dans la loi que les autorités administratives peuvent procéder à la saisie d’office d’armes dont la détention est devenue irrégulière, soit que l’arme n’ait pas été déclarée, soit qu’elle n’ait pas été autorisée. Si curieux que cela paraisse, aucun texte n’ouvre aujourd’hui cette faculté. Seules sont prévues des sanctions pénales, mais non la saisie. Le but du Gouvernement n’est pas seulement de sanctionner les détenteurs irréguliers, mais aussi de faire disparaître du marché des armes qui y circulent en nombre excessif.

Telles sont les premières orientations du Gouvernement sur ce sujet ; mais elles nécessitent réflexion approfondie et concertation préalable.

La présente proposition s’inscrit dans la ligne tracée par le Premier ministre, notamment lors du colloque de Villepinte, en matière de sécurité. C’est pourquoi le Gouvernement ne peut que s’en féliciter. Lui-même s’est fortement engagé dans une politique de sécurité : recrutement de 20 000 adjoints de sécurité, signature de 26 contrats locaux de sécurité -515 autres étant en préparation-, redéfinition des zones de compétences respectives de la police nationale et de la gendarmerie nationale suite au rapport de MM. Carraz et Hyest. C’est aussi le but du projet de loi relatif aux polices municipales et de l’inscription à l’ordre du jour de votre assemblée, le 4 juin, du projet de loi portant création d’une instance supérieure de la déontologie de la sécurité.

Une refonte du régime des armes doit, c’est incontestable, s’inscrire dans cette politique qui n’a qu’un seul but : garantir la paix publique et la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Jean-Pierre Blazy - Le 4 mars 1998 à Pavilly en Seine-Maritime, une commerçante est tuée par un adolescent à l’aide d’un 357 magnum appartenant à son père. Le 9 mars, un adolescent de dix-sept ans est mortellement blessé par un fusil à pompe. Des faits semblables ont lieu le 19 mars à Marguerites, le 21 mars au Blanc-Mesnil... Le 23 mars à Aulnay-sous-Bois, un adolescent est grièvement blessé par un ami, qui manipulait une arme de 4e catégorie appartenant à son père, qui la détenait depuis une vingtaine d’années et avait négligé de la déclarer.

On ne peut se résigner à constater de tels drames qui bouleversent d’un seul coup la vie d’un nombre croissant de nos concitoyens. Face à ces actes, qui sont généralement le fait d’individus disloqués, qui manquent de valeurs indispensables à la vie en société, il fallait que la Représentation nationale s’exprime et légifère.

Les personnes impliquées, victimes et agresseurs, sont de plus en plus jeunes, et ces jeunes sont trop souvent désemparés, sans repères clairs entre le virtuel et le réel. Actuellement, les mineurs ne peuvent ni acheter, ni détenir une arme sauf pratique sportive reconnue ou possession d’un permis de chasse. Une autorisation parentale est également exigée par le décret de 1973. Mais il se pose, comme le montre la tragédie d’Aulnay-sous-Bois, un problème de sécurisation des armes par leurs détenteurs.

Nous devons réagir face à ces comportement, et il y a urgence à légiférer.

La mission sur la prévention et le traitement de la délinquance des mineurs de Christine Lazerges et Jean-Pierre Balduyck attire notre attention sur les parents qui détiennent des armes en infraction à la législation. Nos collègues proposent, comme le rapport de Claude Cancès, une plus grande responsabilisation de certains détenteurs. La délivrance d’une autorisation de détention d’arme pourrait être soumise à l’obligation de prendre des mesures sérieuses pour protéger l’arme contre le vol. La Fédération française de Tir y est également favorable.

Face à une recrudescence de la détention et de l’utilisation des armes, la proposition de Bruno Le Roux et du groupe socialiste pose en principe général l’interdiction de la détention d’armes à feu et de munitions, en laissant à l’Etat le soin d’autoriser des dérogations sous conditions.

Cette proposition, qui constitue une importante avancée, devra être complétée par un projet de loi, comme le ministre vient de l’annoncer.

Selon la Direction centrale de la police judiciaire, le nombre des affaires de port et de détention d’armes prohibées est passé entre 1986 et 1996 de plus de 13 000 faits constatés à près de 18 000, alors que l’on comptait 1 167 écroués en 1986 contre 701 en 1996.

Selon les évaluations, le nombre d’armes à feu varie de 10 à 20 millions dont 4 millions de fusils, le tiers d’entre elles étant détenues illégalement.

Il ne s’agit pas de porter préjudice aux pratiquants réguliers de la chasse et du tir, la Fédération française de Tir comptant 142 000 licenciés pour seulement 40 000 pratiquants, ni de faire des détenteurs légaux des boucs émissaires.

Nous voulons au contraire mettre un terme à la banalisation du port d’armes à feu, et de l’utilisation d’objets dangereux, y compris les armes par destination. Sur ce point, un projet concernant les animaux dangereux est en cours de discussion.

Il devenait également indispensable de contraindre toute personne détenant une arme à se mettre en conformité avec une législation actualisée, la réglementation des armes reposant sur le décret-loi du 18 avril 1939, à une époque où la défense nationale constituait une priorité.

Le décret d’application du 6 mai 1995 a renforcé le contrôle par l’autorité administrative de l’acquisition, de la détention et de la circulation des armes, et en a reclassé certaines, comme les fusils à pompe. Il n’empêche que 60 % des expertises effectuées à la suite d’un crime ou d’un délit, commis avec une arme à feu, concernent des fusils à pompe. Aussi le décret de 1995 est-il qualifié

par le rapport de l’inspecteur général Cancès de "touffu, complexe et technique".

La réglementation actuelle pose le principe de la prohibition pour toutes les armes classées de la 1ère à la 4ème catégories.

Les armes des autres catégories tel que le fusil à un coup ou la carabine à air comprimé bénéficient d’une vente libre avec, pour certaines d’entre elles, une obligation de déclaration. Mais l’administration n’est pas en mesure de contrôler les 8 millions de personnes ayant déjà déclaré posséder une arme, et rien ne permet aux armuriers de porter une appréciation sur l’acheteur d’une arme.

L’article 4 de la proposition dispose que les autorisations de détention pour les quatre premières catégories sont subordonnées à la production d’un certificat médical, ce qui constitue là aussi une avancée.

Nos voisins européens ont eux aussi renforcé leur législation.

De même qu’en Allemagne où la directive européenne de 1991 a été transposée, le Parlement britannique, suite au massacre en 1996 de Dunblane, a étendu l’interdiction des armes de poing de gros calibre et des pistolets de petits calibres.

Mettre en place une réglementation applicable adaptée aux aspirations des chasseurs et des sportifs du tir, mais répondant aussi au besoin de sécurité de nos concitoyens, voilà l’ambition de la proposition du groupe socialiste, qui tend à poser les principes généraux.

Dans un second temps, le Gouvernement devra prendre les dispositions nécessaires pour appliquer ces principes, éventuellement par un projet de loi.

Assurer la sécurité de chaque citoyen sans tomber dans la démagogie sécuritaire, voilà qui relève de l’intérêt général et de la mission d’un Etat démocratique. Notre proposition s’inscrit dans la démarche engagée par le Gouvernement.

M. Hubert Plagnol - Le spectacle qu’offrent la majorité et le Gouvernement ne grandira pas l’image de la représentation nationale.

Le représentant du Gouvernement vient de parler de "débat historique". S’il en est bien ainsi, je m’étonne que nous soyons si peu nombreux. Que le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer soit chargé de soutenir la discussion témoigne de l’indifférence souveraine du ministre de l’Intérieur à l’égard d’une proposition émanant de sa propre majorité. Je ne mets pas en doute la sincérité du rapporteur, après l’incident tragique qui s’est produit dans sa commune, mais il ne reste presque rien de sa proposition initiale dans le texte que nous examinons. De plus, est-il normal que nous n’ayons connaissance du rapport qu’aujourd’hui même ? Pour arrêter la discussion, nous aurions pu invoquer l’article 40, puisqu’une proposition sérieuse doit être assortie des moyens correspondants, ce qui implique des dépenses budgétaires supplémentaires. Or la commission des finances n’a pas été saisie. En réalité, ce texte est le type même du travail bâclé, destiné à répondre à un émoi médiatique. Cette façon de faire est à l’opposé de la réforme mise en oeuvre par Philippe Séguin, offrant aux parlementaires la possibilité de présenter des proposition sérieuses.

Bien entendu, tous les Français ont été choqués par la récente série de faits-divers tragiques, due à l’irresponsabilité criminelle de certains adultes qui ne contrôlent pas les agissements de leurs enfants, ou à la folie de certains possesseurs d’armes à feu. Mais la proposition du groupe socialiste est mauvaise.

D’abord, elle traite à la va-vite d’un sujet particulièrement complexe, alors même que se préparait l’excellent rapport de M. Cancès, qui comporte nombre de suggestions pertinentes. Pourquoi présenter dans ces conditions une proposition mal étudiée ? Il n’est pas bon de légiférer à chaud, sous le coup de l’émotion médiatique. C’est un vice que dénonçait fréquemment le président Mazeaud.

En second lieu, la proposition n’est pas de nature à renforcer la lutte contre le trafic d’armes clandestin, qui est pourtant la véritable question. Comme l’a indiqué le rapport Cancès, l’office central de répression des armes ne compte actuellement qu’un gendarme et deux inspecteurs. Tout est dit !

Or, au lieu de faire porter l’effort sur ce point, on prend une fois de plus pour cible les honnêtes gens, qui ont la connaissance et l’expérience des armes à feu, à savoir les 120 000 licenciés de tir sportif, les chasseurs, les armuriers, dont on fait des suspects.

Dans la proposition initiale, dont le ministre de l’intérieur à heureusement atténué le caractère caricatural, toute personne possédant une arme depuis trois mois sans être encore titulaire d’un permis de chasse ou d’une licence sportive devait la remettre au commissariat sous peine d’emprisonnement.

Ainsi la tante d’un chasseur décédé, qui ne lit pas forcément le Journal officiel, risquait d’être persécutée jusqu’à la fin de ses jours !

M. Jean-Pierre Blazy - Vous caricaturez !

M. Hubert Plagnol - Or notre législature est déjà la plus sévère d’Europe.

M. le Rapporteur - C’est inexact !

M. Hubert Plagnol - Les armes les plus susceptibles d’être détournées à des fins dangereuses sont soumises à autorisation préfectorales, tandis que le port d’arme est interdit aux particuliers et sanctionné pénalement.

Le troisième vice de la proposition tient à une utilisation abusive du droit pénal. Est-il raisonnable de multiplier dans la loi les peines d’emprisonnement lourdes pour des agissements qui ne sont pas forcément criminels ? Le texte relatif à la sécurité routière, que nous examinerons bientôt, dispose qu’un dépassement de vitesse de 50 km/heure peut conduire en prison. C’est déraisonnable. En droit pénal, la peine de prison ne peut sanctionner que des agissements criminels.

En résumé, au lieu de se concentrer sur le vrai problème -le trafic clandestin-, on donne le sentiment, une fois de plus, de persécuter les gens de bonne foi, déjà accablés par toutes sortes de réglementations. On aurait pu reprendre plusieurs suggestions du rapport Cancès -et je parle aussi au nom de mon collègue Carré qui connaît bien ces questions, mais n’a pu être présent aujourd’hui.

Pourquoi ne pas instituer un système d’immatriculation analogue à la carte grise, ce qui résoudrait le problème de la revente et de l’occasion ? Je serais d’accord aussi pour un système d’autorisation pour les fusils à pompe. Il est indispensable également d’accroître les moyens de l’office central de répression des armes et de créer une fichier national des armes.

Ce que je déplore, c’est qu’on n’ait pas pris le temps de faire ce travail de fond à l’abri des sirènes médiatiques. Il n’y a pas de solution simple au problème de la criminalité dans les banlieues, mais il faut réprimer les vrais délinquants, pas les braves gens qui n’y sont pour rien. En raison du caractère bâclé et démagogique de cette proposition, le groupe UDF votera résolument contre.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 5.

Fin de la première séance du vendredi 29 mai 1998

ARMES À FEU (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de M. Bruno Le Roux et plusieurs de ses collègues fixant le régime des armes et munitions.

M. Georges Sarre - Des faits récents ont rappelé combien les armes à feu peuvent être dangereuses, le danger venant d’ailleurs moins de leur nombre -évalué entre 10 et 20 millions, imprécision en elle-même inquiétante- que des risques intrinsèques à chacune. Certains de ces faits divers s’expliquent par la négligence des possesseurs d’armes qui ne les conservent pas dans des conditions de sécurité suffisantes. Mais la plupart mettent en jeu des armes non déclarées ou soumises à un contrôle administratif formel.

La recrudescence des crimes et délits communs au moyen d’armes de 4ème, 5ème et 7ème catégories est parallèle à l’augmentation des violences urbaines, dont on peut estimer qu’elles sont le faits de "jeunes". Globalement, cependant, la sécurité est mieux assurée sur notre territoire : les crimes et les délits ont baissé de 11 % depuis trois ans ; les vols à main armée ont baissé de 12 % en 1997 ; la délinquance de voie publique a baissé en 1997. Mais ces bons résultats ne peuvent masquer deux évolutions inquiétantes qui justifient qu’aujourd’hui nous durcissions la réglementation sur les armes : les violences urbaines ont augmenté de 6 % en 1997 et la délinquance des mineurs s’est aggravée cette même année de plus de 7 %. J’ajoute que depuis dix ans, le nombre d’affaires de port et de détention d’armes prohibées augmente.

Face à la montée de ces formes de violence, la réponse de la société doit être globale. Mais je n’évoquerai que l’impératif du moment : redéfinir une législation et une réglementation sur les armes qui soient à la fois simples et efficaces.

Les propositions du rapporteur de la commission des lois tiennent compte du constat qui figure dans le rapport Cancès : "Tous les services intéressés mettent en avant le fait que les armes utilisées pour commettre des actes criminels ou délictueux, ainsi que celles en cause dans des actes d’imprudence sont des armes dont l’acquisition et la détention sont, ou ont été jusqu’à une date récente, libres -armes de chasse, notamment fusils à pompe ; pistolets ou revolvers à grenailles, armes blanches-, ou des armes provenant de circuits clandestins". Il est donc proposé de supprimer le régime de vente libre, à l’exception des armes de 6ème catégorie. Cette exception s’explique tant par le bon sens -faudrait-il déclarer l’achat d’un Opinel ?- que par la directive européenne de 1991 qui impose l’existence d’une catégorie d’armes en vente libre.

Mais la véritable innovation du texte réside dans la modification du régime déclaratif applicable aux armes de 5ème et 7ème catégories et qui peut s’analyser comme un régime d’autorisation simplifié ; le récépissé de la déclaration ne sera délivré qu’à la condition que le requérant remplisse l’une des deux conditions suivantes : attester d’une autorisation officielle de chasser ou d’une pratique effective du tir. Ce n’est donc plus à proprement parler un régime déclaratif, mais ce n’est pas encore un régime d’autorisation puisque l’autorité administrative ne semble pas disposer d’une marge d’appréciation. Parmi les autres mesures rendant le régime plus contraignant, je citerai : la suppression en droit du motif de défense du domicile pour demander l’autorisation de détention d’une arme de 4ème catégorie et le renforcement des exigences de sécurisation des armes. J’ai déposé un amendement tendant à renforcer ces dernières, en supprimant les motifs de transport d’armes ou d’éléments d’armes entre le domicile d’un tireur sportif de compétition et son stand agréé -car on ne voit pas pourquoi les armes ne resteraient pas dans les locaux du club.

Je soutiens toutes ces propositions, qui reprenant certaines que j’avais faites ailleurs, mais quelques questions demeurent. Dans quelles conditions va-t-on s’assurer de l’application de cette nouvelle réglementation, qui va entraîner des obligations déclaratives nouvelles pour quelque 6 millions d’armes ? Il faudra du temps et beaucoup de pédagogie pour que cette opération se passe bien. En fixant une échéance trop rapprochée, je craindrais que nous ne commettions la même erreur qu’avec le décret du 6 mai 1995 qui imposait une déclaration à tous les détenteurs par "héritage" d’une arme de 5ème catégorie soumise à déclaration : la date-butoir a dû être reculée à deux reprises et je ne suis pas certain que tous les fusils de chasse du grand-père, accrochés au-dessus de la cheminée ou rangés dans une armoire, aient été déclarés...

Le droit de chasse est trop profondément ancré dans nos mentalités, trop intimement liée à la conquête des libertés des citoyens sur les anciens privilèges seigneuriaux au moment de la Révolution, pour que l’on néglige de prendre le temps d’expliquer la démarche choisie. D’autant plus que le nouveau régime déclaratif va susciter des interrogations. Ainsi, ceux qui ont en leur possession un fusil de chasse, souvenir du grand-père ou du père, mais qui pour autant ne chassent pas, se trouveront placés devant le choix suivant : neutraliser l’arme à leurs frais, la détruire ou la vendre. Or beaucoup refusent la neutralisation. Jouent ici des raisons psychologiques -l’arme est mutilée- mais aussi le coût -de 600 à 900 F. En outre, comme le rappelle le rapport Cancès, "en l’état du droit, l’administration ne peut contraindre à se dessaisir d’une arme dont la détention est devenue irrégulière, à la transformer ou à la neutraliser". Nous attendons du Gouvernement qu’il précise quels moyens nouveaux il entend employer pour s’assurer du respect de la loi : obligation de fournir une attestation de dessaisissement, exécution forcée ou toute autre formule que l’administration, qui ne manque pas d’imagination, pourrait proposer.

Ceux qui posséderaient irrégulièrement une arme doivent-ils avoir la possibilité de la revendre à une personne autorisée ? Cela ne me paraît pas souhaitable, car il nous faut réduire fortement le nombre des armes en circulation -10 à 20 millions comme je l’ai dit- et cela ne peut se faire sans supprimer les bourses d’armes pour celles qui ne sont pas en vente libre. Sur ce point toutefois, je n’ai pas repris sous forme d’amendement la disposition qui figurait dans ma proposition de loi, à nouveau pour des raisons à la fois psychologiques et financières : au moment où l’on veut soumettre toutes les armes à un régime d’autorisation, il ne serait pas habile d’informer les gens dans une alternative difficile ; l’indemnisation des armes détruites coûterait probablement plus d’un milliard à l’Etat. Je crois cependant que la question devra être tranchée à terme : il faut savoir payer le prix de la sécurité.

Le présent débat devrait, d’autre part, faire avancer la réflexion sur la classification des armes.

La proposition de la commission est muette sur ce point alors que la mienne en faisait un préalable à l’application d’une réglementation efficace et simplifiée. Commentant le décret de 1995, l’inspecteur général Cancès ne dénonçait-il pas l’erreur logique qui consistait à refondre le dispositif réglementaire avant d’en revoir la base légale, c’est-à-dire le décret-loi de 1939 ? La classification actuelle apparaît en effet trop complexe pour les particuliers, si ce n’est même pour l’administration chargée de la faire respecter. En définissant a priori huit catégories en fonction de l’usage supposé des armes, on oublie en outre les détournements possibles. Certes, depuis 1973, plus d’une vingtaine de décrets ont été pris pour reclasser des armes, mais cela s’apparente à une vaine course poursuite et j’ai donc proposé un classement fondé, non plus sur la destination, mais sur la dangerosité déterminée en fonction de caractéristiques techniques -calibre et mode de percussion. On pourrait ainsi faire correspondre catégorie d’armes et régime administratif, et cette simplification serait gage d’efficacité. Surtout, on éviterait que les armes ne soient détournées de leur usage.

Je voterai naturellement le texte proposé par le rapporteur, tout en attendant des réponses à mes interrogations, en particulier sur la réforme de la classification. Lorsque la France se serait ainsi dotée d’une législation moderne sur les armes, la sécurité de nos concitoyens y gagnera considérablement, sans préjudice pour les collectionneurs, les pratiquants du tir sportif et les chasseurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Muguette Jacquaint - Devant la banalisation du port et de l’utilisation des armes, après les tragédies survenues ces dernières semaines, cette proposition témoigne à l’évidence d’un esprit responsable.

Faut-il se résigner à la montée de la violence parmi les jeunes, à l’impréparation de la police, à la généralisation du doute à l’égard de nos institutions et services publics, aux agressions dans les écoles, aux attaques préméditées contre les forces de l’ordre, aux incendies criminels et à l’utilisation d’armes à feu ? Les députés communistes ne le pensent pas et ils militent depuis des années pour qu’on analyse sérieusement toutes ces formes d’incivilités et de délinquance afin d’y apporter réponse.

Nous savons que le Gouvernement s’est résolument lancé dans cette étude de terrain et nous souhaitons que les dispositions qui seront prises permettent de renouer le contact avec les jeunes.

La détention d’armes à feu participe indéniablement des causes de la violence. Les affrontements armés entre bandes qui avaient fait 17 blessés en 1992, en ont fait 46, et 6 morts, en 1995, et la direction centrale des renseignements généraux estime que les expéditions punitives ont fait l’an passé 36 morts et près de 2 000 blessés dans les banlieues. Cependant, elle relève aussi que les armes les plus souvent utilisées, outre les fusils à pompe, sont les couteaux, les cutters, les armes de poing et à grenaille, largement aussi meurtrières que fusils et revolvers, mais toutes en vente libre ! D’autre part, surtout depuis l’ouverture des frontières, certaines armes sont vendues "sous le manteau"...

Si personne ne conteste le constat, la proposition suscite nombre d’observations de la part de citoyens responsables, chasseurs, tireurs sportifs ou collectionneurs, tous détenteurs réguliers et pacifiques d’armes. Ils estiment que ce texte, plutôt que de punir plus sévèrement ceux qui contreviennent aux règles du port d’armes, risque d’imposer des restrictions disproportionnées aux détenteurs réguliers.

En effet, la détention des armes les plus susceptibles d’être détournées à des fins dangereuses est soumise à un régime d’autorisation préfectorale, tandis que le port d’armes est interdit aux particuliers sous peine de sanctions pénales. Cette autorisation ne peut être accordée qu’aux personnes âgées de 21 ans, titulaires d’une licence de tir, inscrites depuis au moins six mois dans un club et justifiant d’un avis favorable de la fédération. Les demandes sont déposées au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie, puis instruites par la préfecture. Enfin, le demandeur fait systématiquement l’objet d’une enquête de police.

Les autres armes -fusils et carabines de chasse ou de tir- ne peuvent être vendues qu’à des majeurs, sur présentation d’une pièce d’identité et doivent être obligatoirement déclarées à la préfecture. Les déclarations auxquelles obligeait le décret de 1995 a d’ailleurs imposé une lourde charge à des administrations mal préparées et l’opération n’est pas encore achevée.

On ne saurait donc imposer aux chasseurs et aux adeptes du tir sportif des contraintes bureaucratiques inutiles. Si nous convenons de la nécessité de maîtriser la circulation des armes sur notre territoire, nous ne croyons pas qu’on puisse imputer à la réglementation actuelle la responsabilité de la criminalité armée : celle-ci ne s’approvisionne pas par le circuit légal.

Plutôt que de remédier à la multiplication des agressions avec arme, les dispositions qu’on nous propose semblent viser les adultes, tireurs et détenteurs légaux, en réduisant les catégories d’armes qu’ils peuvent détenir ou en encadrant l’exercice de leurs loisirs ou activités.

Nous aurions préféré pour notre part que ce débat ait lieu après une table ronde organisée avec les chasseurs, les tireurs sportifs, les antiquaires, les armuriers, en bref tous ceux qui, concernés, peuvent contribuer à la recherche de solutions appropriées.

D’autre part, l’ouverture des frontières a permis l’importation et la vente illégale d’armes au sein de l’Union européenne. Je peux vous assurer que dans certaines cités on sait très bien où l’on peut trouver des armes sans passer par les armuriers. La France ne devrait-elle pas prendre l’initiative d’une convention internationale ou d’une directive européenne pour punir ces trafics ?

En dépit de ces réserves et pour montrer notre volonté de légiférer sur cette question, nous voterons cette proposition, en souhaitant que les navettes permettent de l’améliorer et d’alléger les contraintes sur les détenteurs légaux de ces armes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Thierry Mariani - La violence dans les banlieues et le sentiment d’insécurité croissant constituent un véritable fléau contre lequel le législateur se doit de réagir. Sur ce point, nous sommes tous d’accord et ce texte a le mérite de poser un véritable problème. L’actualité récente illustre, hélas, les dangers de la multiplication des armes à feu sur notre territoire et il est clair que la législation doit être réformée.

Mais cette réforme doit être menée sérieusement, ce qui, pour le groupe RPR, n’est pas le cas avec ce texte. Je m’interroge d’ailleurs, à ce propos, sur nos conditions de travail. Un vendredi après-midi, le groupe socialiste présente devant un hémicycle peu rempli, dans l’improvisation la plus totale, un texte mal préparé encadrant la vente et la détention des armes à feu. Le rapport de la commission n’a été publié que ce matin. Comment travailler efficacement dans de telles conditions ? Le ministre a qualifié ce débat d’historique, car c’est la première fois que le Parlement se penche sur ce problème : c’est vrai, mais il aurait mérité un travail plus approfondi. Nous avons discuté de cette proposition de loi une demi-heure en commission mercredi dernier, nous voyons réapparaître un texte profondément remanié...

M. Christian Jacob - Complètement refait !

M. Thierry Mariani - Effectivement. Les auditions se sont déroulées en présence du rapporteur et éventuellement des cosignataires de la proposition, mais pas devant la commission. Sur cette question, qui n’est pas de détail, il aurait fallu une réflexion plus approfondie. J’ajoute, sans vouloir offusquer M. Queyranne, que discuter de vente d’armes non pas avec le ministre de l’intérieur, retenu ailleurs, mais avec le secrétaire d’Etat aux DOM-TOM -dont je ne mets pas en doute les compétences-est un peu paradoxal. Tout cela manque de sérieux. C’est d’autant plus surprenant que le Gouvernement mène une réflexion de son côté et qu’un rapport fort intéressant vient de lui être remis sur ce sujet, qui est essentiellement d’ordre réglementaire.

Il y a des jours où le caractère "pluriel" de la majorité flirte dangereusement avec la mésentente et conduit à des ysfonctionnements.

M. Jean-Pierre Blazy - Vous êtes un connaisseur en la matière !

M. Thierry Mariani - L’opposition est plurielle aussi, mais c’est vous qui êtes au Gouvernement et c’est vous qui avez inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour !

Je ne partage pas toutes les conclusions du rapport de M. Cancès, inspecteur général de la police nationale, mais il a certainement raison d’affirmer que tout projet de texte en ce domaine doit être "le fruit d’une réflexion approfondie" et "impliquer directement le ministère de l’intérieur". Or c’est en catimini et sans réelle concertation avec les ministères concernés que nous nous apprêtons à légiférer.

Le contenu de votre proposition initiale est d’ailleurs symptomatique de ce manque de préparation. Elle visait, en effet, à ramener de 8 à 5 les catégories d’armes, et n’autorisait la détention des armes de la nouvelle seconde catégorie qu’aux titulaires du permis de chasse ou d’une licence sportive. Les autres devaient restituer leur bien aux autorités, mais aucune indemnisation n’était prévue.

Autant dire que cette disposition était d’une inconstitutionnalité évidente.

De plus, votre texte ne prévoyait qu’une simple immatriculation des armes détenues par les chasseurs et les licenciés de club de tir, ce qui est contraire à la directive européenne du 18 juin 1991, qui impose, selon les cas, une autorisation ou une déclaration, c’est-à-dire un régime contraignant. Cela allait aussi à l’encontre de votre objectif de mieux contrôler la détention et la vente des armes.

Enfin, votre texte initial portait un rude coup à de nombreuses industries, dont la coutellerie française. Ce secteur dynamique -qui d’entre nous ne détient un couteau Opinel ou Laguiole ?-risquait de se voir fortement pénalisé par la première version de la proposition socialiste. C’est bien pourquoi, d’ailleurs, vous nous présentez aujourd’hui, en séance publique, un texte profondément remanié. Il a bien fallu en revenir à plus de bon sens !

Mais si votre nouvelle proposition ne contient plus ces grossières erreurs, elle est loin d’être satisfaisante, et présente de nombreuses insuffisances et lacunes.

Elle commence par poser le principe que la détention d’arme à feu et de munitions est interdite, puis elle énumère un certain nombre de dérogations.

On peut s’interroger sur l’efficacité pratique d’une telle pétition de principe.

Deux régimes sont prévus : un régime d’autorisation pour les armes de 1ère et de 4ème catégories, c’est-à-dire les armes de guerre et de défense détenues par les professions ayant un lien avec un service de sécurité publique ou privée -convoyeurs de fonds, policiers municipaux- ou soumises à des risques physiques -on pense ici aux bijoutiers ou aux pharmaciens- et par les associations sportives agréées pour la pratique du tir ou la préparation militaire.

Est-ce à dire que toutes les armes à feu des 1ère et 4ème catégories devront désormais appartenir aux associations sportives, et non aux membres de ces associations, et donc rester dans leurs locaux ? Ce serait constituer de facto de véritables dépôts d’armes qu’il sera plus facile de cambrioler. Je suis membre d’un club de tir...

M. le Rapporteur - On s’en serait douté

M. Thierry Mariani - ...et, avec ma municipalité, j’ai créé un centre de tir dans ma commune. Or, à cause du bruit, les clubs de tir sont souvent situés dans des zones isolés, voire en pleine campagne, ce qui en fait une cible privilégiées pour des attaques nocturnes. Y stocker des armes, c’est faciliter la tâche des délinquants !

Enfin, votre dernière dérogation concerne uniquement les personnes physiques qui peuvent justifier de leur participation à des compétitions de tir sportif. Or tous les licenciés des clubs de tir ne participent pas à des compétitions sportives ; de plus, avant d’y participer, ils doivent pouvoir s’entraîner ! Cette disposition n’aura donc guère de chances d’être appliquée.

L’article 5 établit un régime de déclaration pour les armes de cinquième et septième catégories, c’est-à-dire les armes de chasse, de tir, de foire et de salon. Mais votre présentation, là encore, certes médiatique, reste très théorique. En effet, beaucoup d’armes de chasse appartiennent à la quatrième catégorie : elles ne pourront plus être utilisées ou détenues. Que devront alors faire leurs propriétaires ?

Les remettre aux autorités ? Combien coûtera l’indemnisation qu’ils devront forcément recevoir, même si votre texte n’en dit mot ? Non seulement il ne prévoit aucune sanction pour ceux qui ne rempliraient pas l’obligation de déclaration, mais il ne prévoit pas d’indemnisation pour les gens qui devront se défaire de leurs armes. Où avez-vous prévu les crédits nécessaires ? Je n’en vois pas trace.

Cette proposition est inopérante. Elle juxtapose deux réglementations, à l’inverse de la nécessaire simplification dans le contrôle des armes. Elle ne fera qu’accroître la complexité du droit existant.

Notre position n’est pas une opposition de principe : nous partageons vos objectifs, et nous sommes conscients de la complication et, comme l’a noté M. le secrétaire d’Etat, de l’ancienneté de notre réglementation, aujourd’hui dépassée. Nous ne sommes pas contre une réforme du décret de 1995, mais elle devra être réfléchie, et concertée avec tous les acteurs concernés. Ce n’est pas le cas de cette proposition, qui peut certes aider à engager la réflexion, mais n’en constitue pas l’aboutissement. Son état d’improvisation et d’impréparation est inadmissible. Vous allez pénaliser injustement les amateurs de tir sportif et les chasseurs. Que je sache, ils ne sont pas les principaux responsables des violences de nos banlieues. A l’heure où vous désarmez les polices municipales et où vous baissez les bras sur tant de sujets concernant la sécurité de nos concitoyens, vous tentez maladroitement, par ce texte, de vous donner bonne conscience ; et, comme d’habitude, vous vous trompez de cible...

Nous ne suivrons pas votre opération d’affichage médiatique. La nouvelle version de votre texte sera au mieux inefficace, puisqu’elle ne se substitue pas au décret de 1995.

Au pire elle créera la confusion chez les détenteurs d’armes. Dans un domaine qui relève pour les quatre cinquièmes du domaine réglementaire, il est très inopportun de légiférer dans la précipitation, sans vrai travail de réflexion -alors même que le ministère de l’intérieur vient d’en engager un. Je serai d’accord sur un point avec vous, Monsieur le secrétaire d’Etat : vous avez dit que, pour une véritable réflexion sur ce sujet, il fallait d’abord changer la classification des armes. Ce texte n’apporte rien en la matière, et la classification de 1939 est toujours en vigueur. Vous avez également raison de dire qu’un réel contrôle implique une autorisation préalable à la mise des armes sur le marché. En effet, l’imagination des fabricants est sans borne. Sur ce point non plus, le texte n’apporte rien. Ensuite, et je vous repose officiellement la question, quelles mesures d’indemnisation sont prévues pour ceux qui devront se dessaisir de leurs armes ?

Dans ma région semi-rurale, beaucoup de gens possèdent le fusil de leur grand-père, et il a pour eux une valeur sentimentale. Votre texte pose un vrai problème à cet égard. Enfin, votre proposition ne prévoit aucune sanction. Or rien n’est pire que d’édicter une règle sans que les contrevenants encourent aucune peine.

Une réflexion s’impose sur le régime de la détention d’armes. Ce texte ne prend pas le problème dans sa globalité. Il fait peser sur les clubs sportifs et sur les chasseurs une suspicion injuste. C’est un coup d’épée dans l’eau, en même temps qu’un "coup" médiatique.

Il me fait penser à Bernard Tapie -qui certes n’est plus au nombre de vos références, mais qui l’a été- déclarant : le chômage sera déclaré illégal... Je crains que votre proposition -même si elle est plus sincère, car M. le rapporteur est un élu de terrain conscient des problèmes- ne change pas davantage la réalité.

Pour ces raisons le groupe RPR ne peut que s’opposer à ce texte. Occasion certes d’un débat intéressant, il ne résout aucun problème. Mais nous sommes conscients des problèmes ; nous souhaitons une vraie réflexion et une vraie proposition qui traiterait l’ensemble du problème, et nous sommes ouverts pour contribuer à vos côtés à la recherche d’une solution. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. André Vauchez - Notre réglementation sur les armes résulte de textes successifs, dont les principaux sont ceux de 1939 et 1995. Ceux qui utilisent ces armes pour la chasse ou le tir sportif jugent cette réglementation convenable et conforme au texte européen de 1991. Toutefois les accidents et les agressions dont la presse nous informe presque chaque jour nous interrogent. Ces faits concernent aussi bien des zones urbaines difficiles que des villages très ruraux. L’exemple le plus douloureux fut celui de ce forcené qui, dans un petit village de Franche-Comté, blessa mortellement plus d’une dizaine de personnes. Les auteurs de ces faits sont aussi bien des adultes dangereux, gangsters ou déments, que des adolescents de plus en plus jeunes. Notre société peut-elle supporter cette dégradation ? Le Gouvernement et le Parlement peuvent-ils ne pas réagir ? Je ne le crois pas.

C’est pourquoi le groupe socialiste a consacré une partie de sa niche à la proposition de M. Le Roux. La mort d’un être humain ne peut être mise en balance avec la défense d’une soi-disant liberté.

L’article premier pose en principe que l’acquisition et la détention d’armes à feu est interdite. L’Etat reprend ainsi pleinement le monopole de la violence légitime qui, dans une démocratie, ne peut être qu’une compétence d’Etat. Les violences presque quotidiennes commises avec armes nous obligent à réagir.

Les articles suivants prévoient des dérogations pour les collectionneurs, les tireurs sportifs et les chasseurs. L’Etat leur confie ainsi un droit : ils devront exercer pleinement la responsabilité qu’il implique. Les armes ne doivent pas tomber entre toutes les mains. Je pense aux enfants et aux adolescents, mais aussi aux armes volées, que peuvent utiliser des criminels : c’est le cas, selon un journal du matin, de la plupart de celles qui circulent aujourd’hui. Il est bon de rappeler ici que, d’après l’article 1384 du code civil, on est responsable non seulement des dommages qu’on a soi-même commis, mais de ceux causés par les personnes dont on répond et les objets qu’on a sous sa garde. De même, le nouveau code pénal punit, à l’article 223-1, le fait d’exposer autrui à un risque de mort ou de blessure en conséquence de la violation délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence. Et selon l’article 223, les personnes morales peuvent être déclarées responsables. Ce n’est donc pas rien que de détenir une arme ; on endosse une responsabilité, et tous doivent le savoir.

La proposition de M. Le Roux devrait donc contribuer à l’objectif que nous partageons tous : réduire, voire éradiquer, la violence avec arme. Elle n’entrave en rien la collection, la chasse ou le tir sportif. Elle permet la transmission familiale des armes, avec peut-être une précision accrue sur la question de leur neutralisation -sans altérer l’arme, qui peut revenir ensuite dans les mains d’un nouveau chasseur. Elle responsabilisera davantage ceux qui, par dérogation à l’article premier, seront détenteurs d’armes. Je souhaite donc qu’elle recueille le plus large assentiment dans notre assemblée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Maurice Adevah-Poeuf - J’éprouve un certain embarras à me prononcer sur un texte qui n’est pas du tout celui sur lequel nous avions travaillé. Je m’adresse à la cantonade. Le Gouvernement n’y est en effet pour rien et le rapporteur non plus puisque le rapport n’a été adopté qu’avant-hier.

Ces difficultés ne nous empêcheront pas de nous exprimer, dans un sens différent de celui de M. Mariani. D’abord, je n’ai jamais cru, y compris à la lecture de la proposition initiale, que l’objectif était de mettre en cause chasseurs, tireurs et collectionneurs. Il s’agit de mieux maîtriser les conditions d’acquisition et de détention des armes à feu.

Ce n’est pas non plus parce que l’actualité nous harcèle qu’il faut parler d’un texte de circonstance. Cette actualité mérite une réflexion, qui est en cours. Il n’était pas anormal que l’Assemblée, d’elle-même, se saisisse de la question. On ne peut pas sans cesse se plaindre de l’incapacité du Parlement et se scandaliser qu’il intervienne sur une question de société aussi importante. Sur ce point, à gauche, nous n’avons pas d’états d’âme.

Le ministre nous a annoncé qu’un décret très important était en préparation, modifiant celui de 1995, et qu’un projet serait présenté au début de l’an prochain. Loin d’être saisis d’un texte bâclé, nous voyons s’amorcer tout un processus législatif et réglementaire.

M. Thierry Mariani - On pouvait attendre un mois !

M. Maurice Adevah-Poeuf - La proposition 845 soulevait de nombreuses questions, sur lesquelles je souhaite interroger le Gouvernement.

Sur l’article premier, qui a disparu, M. Mariani, exceptionnellement, a eu raison de parler, en citant il est vrai une marque commerciale et un produit générique fabriqué à 90 % dans ma ville de Thiers, de couteaux et de coutellerie. Je voudrais être sûr que la frontière entre couteau et arme blanche ne sera pas substantiellement modifiée par les textes en préparation. Cette question est fondamentale, chacun le comprend.

S’agissant de l’ancien article 6, nous devrions réfléchir aux conséquences de l’obligation où se trouveront les propriétaires de déposer les armes qu’ils n’ont plus le droit de détenir. Comment les services déconcentrés de police et de gendarmerie pourront-ils stocker et gérer ces millions d’armes de toutes natures et de toutes valeurs ? Comment l’Etat pourra-t-il assumer sa responsabilité vis-à-vis des personnes qui, à défaut d’indemnisation, resteront seuls propriétaires de ces armes, en cas de détérioration ou de vol ? Va-t-on créer plusieurs milliers de dépôts de plusieurs milliers d’armes, avec les risques qui comportent de tels regroupements ?

M. Thierry Mariani - Très juste !

M. Maurice Adevah-Poeuf - Il faut se féliciter de la disparition de l’article 19. Il instaurait en effet un dispositif de sanctions pénales automatiques d’une extrême lourdeur, qui aurait placé des millions de personnes honnêtes et de bonne foi en situation d’infraction et les aurait exposées à des peines sans aucune commune mesure avec cette infraction.

Dans la nouvelle rédaction subsistent quelques problèmes. D’abord, comment pourrai-je garder le fusil à chien de mon arrière-grand-père sans détruire le dispositif de percussion ou obturer le canon ?

Des millions de Français vont se poser cette question. Il faudra leur répondre rapidement dans la loi.

A l’article 8, quelles seront les conditions de preuve de participation effective au tir sportif ?

Je suis très réservé sur l’article 7, comme vous, sur la date limite d’application. Le délai fixé me paraît extraordinairement optimiste. Souvenons-nous que, pour une opération aussi simple que les formalités déclaratives des armes de chasse ou de tir relevant des catégories 4 et 7, il a fallu près de 3 ans. Encore des centaines de milliers d’armes n’ont-elles pas été déclarées, nous le savons. Je suggère que la date limite soit fixée à deux ou trois ans après la publication du décret en Conseil d’Etat, qui fixera les conditions de déclaration.

En conclusion, je souscris à la logique du texte, que je voterai sans états d’âme. Nous aurons bientôt à poursuivre ce processus législatif, destiné à rendre compatible la liberté individuelle avec les impératifs de la sécurité publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

La discussion générale est close.

M. Bruno Le Roux, rapporteur de la commission des lois - Monsieur le ministre, le rapporteur est conscient que nous ouvrons un chantier. Vous venez d’annoncer que le Gouvernement s’est engagé dans une modification réglementaire du décret-loi de 1939, et qu’il envisage de nous présenter un dispositif global et cohérent. Voilà une façon de travailler exemplaire d’une bonne coordination, sur un sujet essentiel, entre l’initiative parlementaire et la continuité de l’action gouvernementale.

Pour notre part, nous avons voulu donner le signal de départ, et dresser une pierre qui soit visible et compréhensible pour nous-mêmes et pour tous les Français.

Sachons éviter tout dogmatisme. Il n’était pas nécessaire, pour la discussion d’aujourd’hui, de passer par le préalable d’une modification de la classification. Les deux choses peuvent se faire séparément, pourvu qu’elles arrivent à peu près ensemble. Nous posons aujourd’hui un principe, et le Gouvernement adaptera ensuite la réglementation.

M. Plagnol a raison, le rapport est arrivé tard. A vrai dire, s’il y avait eu hier une séance un peu plus longue, il aurait eu le rapport pour le lire cette nuit -mais je regrette que vous n’ayez pas eu plus de temps. Cela dit, le débat n’est pas bâclé, la proposition de loi est cohérente. Moi-même, je réfléchis depuis trois ans à cette question, j’ai examiné les législations étrangères. Je n’ai pas souhaité abroger le décret-loi de 1939 -il aurait fallu travailler au canon pour le faire en une journée :

(Sourires) mon initiative est beaucoup moins ambitieuse. Je suis heureux qu’on ne légifère pas à chaud, sous l’effet de telle ou telle tragédie -et je souhaite que nous n’ayons pas lieu de le faire au cours de la navette.

Bien entendu, il faudra faire comprendre que ce texte ne vise pas seulement les citoyens qui voudraient détenir une arme pour se défendre : il concerne aussi les délinquants en puissance -il appartiendra au ministre de l’intérieur d’y veiller.

Nous n’avons pas la législation la plus dure d’Europe, quoi qu’on en ait dit. Et la dangerosité d’une arme ne dépend pas du nombre de coups qu’elle peut tirer : un coup suffit pour tuer, et il est beaucoup trop facile de se procurer des armes avec lesquelles on peut tuer.

M. Sarre a raison, il faudra modifier le régime déclaratif et aboutir à une nouvelle classification.

Nous avons choisi de ne pas parler ici des armes blanches, car c’est un domaine trop compliqué. Vous avez raison, Madame Jacquaint, il faudra une table ronde.

Quant aux auditions, Monsieur Mariani, selon le principe habituel, c’était des auditions du rapporteur -il est très rare qu’on procède à des auditions de la commission. Mais j’ai auditionné les principales personnes concernées et pu ainsi "prendre la température".

Cette loi est claire, elle pose des principes clairs et ses exceptions qui le sont tout autant. Et il y aura bien des sanctions...

M. Thierry Mariani - Lesquelles ?

M. le Rapporteur - Celles qu’ont prévues le décret 1939 et la loi de 1995 continuent de s’appliquer. Comme l’a relevé M. Plagnol, on n’a que trop tendance à inventer des sanctions particulières pour chaque législation nouvelle. Ce n’est pas le cas ici. Au Gouvernement maintenant d’apprécier s’il doit alourdir l’arsenal juridique.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d’Etat à l’outre-mer - Je remercie M. Leroux, ainsi que tous les intervenants. Nous ne sommes qu’au début d’un processus législatif et réglementaire, mais je ne crois pas qu’on ait agi dans la précipitation. Cette proposition va permettre d’avancer sur un certain nombre de points qui rejoignent les préoccupations du Gouvernement, exprimées notamment lors du colloque de Villepinte, et renforcées par certains événements récents.

Les textes en vigueur en ce domaine n’ont jamais fait l’objet d’un débat parlementaire, et celui-ci est une première. Le Gouvernement déposera, de son côté, un projet de loi d’ici la fin de l’année. Mais ce travail législatif a été précédé du rapport de l’inspecteur général Cancès, qui a dressé un état des lieux, et auquel de nombreux orateurs ont fait référence. La proposition de M. Leroux pose des principes dans lesquels le Gouvernement se reconnaît, elle sera saisie au début de l’été par diverses mesures réglementaires. Enfin, viendra le projet de loi qui refondra le décret-loi de 1939 : il sera précédé d’une concertation avec les professionnels, les sociétés de chasse et de tir -je le confirme à Mme Jacquaint.

Quant aux moyens, on a évoqué au cours du débat le fichier national des armes. Un recensement informatisé des armes existantes sera entrepris par les préfectures, mais cela prendra du temps même si les fonctionnaires font ce qu’ils peuvent.

Compte tenu de l’importance que le Gouvernement attache à ce sujet, je pense toutefois qu’il y aura une réorientation des moyens.

M. Plagnol a déploré la faiblesse des effectifs de l’office central de police chargé de la répression du trafic d’armes, mais il faut savoir que ces offices centraux sont essentiellement des organes d’information et de coordination, tandis que les SRPJ ont compétence, dans chaque région, pour recherche les infractions à la législation sur les armes. Cela dit, le ministre de l’intérieur admet que les moyens de l’office central en question ont besoin d’être améliorés.

Pour ce qui est de la restitution des armes, Monsieur Mariani, il faudra s’organiser méthodiquement et prévoir des délais. Ce n’est que lorsque le système sera défini que l’on précisera les moyens budgétaires et les sanctions pénales. Pour ce qui est du stockage, le Gouvernement entend imposer des conditions draconiennes afin d’éviter qu’une arme soit à la portée du premier venu, en particulier d’un adolescent qui irait ensuite l’expérimenter sur des camarades de classe, comme nous l’avons vu récemment. Mieux vaut qu’une arme soit conservée dans un coffre-fort que dans un placard. Les clubs de tir ont à cet égard une certaine expérience.

Nous voulons encadrer plus étroitement la détention d’armes mais sans pour autant faire tort, Monsieur Adevah-Poeuf, aux chasseurs, tireurs et collectionneurs. Et le député-maire de Thiers n’a pas à s’inquiéter pour la coutellerie : les armes blanches ne sont pas en débat aujourd’hui.

La proposition de loi prévoit pour la neutralisation et la destruction des armes un délai trop court, que le Gouvernement vous proposera donc d’allonger jusqu’en 2002.

En conclusion, je me félicite que l’Assemblée aborde ce vaste sujet et je suis sûr qu’il en découlera, dans les mois à venir, un travail fructueux entre le Parlement et le Gouvernement, et à terme une meilleure sécurité pour tous, comme nous le souhaitons tous ardemment ici.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J’ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une motion de renvoi en commission présentée en application de l’article 91, alinéa 6.

M. Jean-Claude Lemoine - Légiférer sur l’acquisition, la détention et la circulation des armes est aujourd’hui urgent et indispensable, de même qu’il est indispensable de mieux contrôler les armes en circulation et de responsabiliser les fabricants, les vendeurs et les détenteurs d’armes. Une proposition de loi sur le sujet est donc bien accueillie a priori.

Fréquemment, la presse nous rapporte des faits dramatiques se produisant dans les lycées, les banlieues. Chaque jour, des armes sont utilisées pour des braquages ou des attaques. Il apparaît aujourd’hui que l’Etat n’assure plus en tous lieux la sécurité de nos concitoyens. Il faut donc agir et prendre des mesures strictes.

Car force est de constater que le décret-loi de 1939 est, de l’avis général, obsolète. Quant au décret de 1995, sa complexité le rend inapplicable. Une refonte de la législation s’impose donc. Mais un tel exercice ne peut être fait dans la précipitation et sans concertation. Le rapport de M. Cancès peut constituer l’une des bases de la réflexion à mener sous l’égide du Gouvernement. Or je constate que les mesures qu’il préconise ne sont pas retenues, qu’il s’agisse de la sécurisation des armes au domicile, du contrôle des armuriers ou de la modification du classement des armes.

A ce propos, Monsieur le ministre, je m’étonne que l’office central pour la répression du trafic d’armes ne compte que trois policiers et un gendarme, alors qu’il peut à l’évidence constituer la clé de voûte du dispositif de réglementation des armes. De même, est-il évident que la régulation du dispositif implique que la vente d’armes aux particuliers soit pratiquée par des armuriers professionnels. Une telle disposition, associée à la déclaration des armes de chasse, constituerait une bonne garantie pour l’ordre public. J’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens.

Le texte que nous examinons aujourd’hui est totalement différent de la proposition de loi initiale.

Le fait qu’elle ait été aussi fondamentalement modifiée deux jours avant son examen en séance publique et que nous ayons disposé du rapport ce matin seulement suffirait à justifier le renvoi en commission. Mais en outre ce texte est inefficace, insuffisant, incomplet et contradictoire.

Inefficace, car il ne propose rien contre la "multiplication des agressions à main armée", évoquée dans l’exposé des motifs ; parce qu’il ne dit rien des conditions de conservation des armes et ne définit pas les endroits où l’on peut s’en procurer ; parce qu’enfin il ne prévoit rien à propos des munitions.

Insuffisant, car il ne rajeunit en rien le décret-loi de 1939 et les décrets suivants, pourtant qualifiés avec raison d’obsolètes dans l’exposé des motifs. C’est d’autant plus regrettable que les armes constituent un domaine où les techniques progressent très vite. Il ne modifie en rien la classification des armes faite en 1939 à propos des armes de guerre et qui est complètement à revoir. Il est par exemple totalement anormal que les fusils à pompe soient considérés comme des armes de chasse alors qu’ils sont utilisés couramment pour des agressions.

Incomplet et contradictoire, enfin. Par exemple, l’article premier interdit toute acquisition ou détention d’armes, mais ensuite l’article 3 énumère les dérogations possibles. Et le texte ne dit pas qui va conserver les armes restituées et où elles seront stockées. Peu de commissariats, ou de brigades de gendarmerie ont les possibilités matérielles de le faire. Et sur quels fonds se fera l’indemnisation de ceux qui auront déposé leurs armes, étant entendu que certains ont une valeur marchande importante et la plupart une grande valeur sentimentale ? Le ministre du budget a-t-il pris connaissance de ces éléments et est-il prêt à investir en chambres fortes et à dédommager justement ceux qui seraient contraints de se débarrasser de leurs armes ? Les préfets auront-ils les moyens de faire face ? Le coût de l’opération a-t-il été évalué ? Toutes ces questions sont, hélas, restées sans réponses.

Enfin, cette proposition est inacceptable. L’article 5, par exemple, oblige tout possesseur d’arme de chasse à justifier d’un permis de chasser ou d’une licence de tir. Mais quid du chasseur qui, pour telle ou telle raison, ne prendra pas de permis pour une année ? Quid des anciens chasseurs attachés à leur arme ? Quid des jeunes qui, n’ayant pas encore de permis, espèrent cependant pouvoir utiliser l’arme de leur grand-père ? Et quid des collectionneurs ? Une telle remise des armes rappelle malheureusement celle qu’a organisée l’occupant en 1940 !

Il importe certes de réglementer efficacement la détention et la circulation des armes, pour en empêcher l’utilisation à des fins dangereuses, mais la situation que l’on connaît exigeait mieux qu’un texte préparé dans l’urgence et examiné à la hâte. Il eût fallu constituer un groupe de travail, associant à des membres de la commission des lois des membres des commissions de la défense et des finances ; il eût fallu entendre des représentants de la police et de la gendarmerie. Surtout, il eût fallu commencer par réformer la classification des armes, pour que le fusil à pompe par exemple cesse de figurer dans une catégorie inadéquate.

Considérant donc que ce texte est incomplet, inapplicable, inacceptable et surtout inefficace, et que ses questions sont restées sans réponses, assuré par ailleurs d’un soutien qui va au-delà de ses rangs -je mentionnerai simplement celui de notre collègue Clément-, le groupe RPR demande le renvoi en commission ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. le Rapporteur - M. Lemoine n’a rien ajouté de nouveau à ce qu’avait dit M. Mariani. J’ai le sentiment que, pour la deuxième fois aujourd’hui, le groupe RPR regrette de ne pas être à l’origine de la proposition en discussion !

M. Thierry Mariani - Nous n’aurions certainement pas déposé celle-ci !

Comme l’a dit M. Lemoine, ce texte semble improvisé, bâclé. J’en prendrai pour seul exemple le problème des sanctions. Tout à l’heure, je déplorais qu’il n’y en eût pas et le rapporteur m’a renvoyé au décret de 1939. Eh bien ! Le voici, ce décret, procuré par le service de la documentation : l’article 31 punit telle infraction d’une amende de 100 à 1 000 F !

M. le Rapporteur - Il y a eu actualisation !

M. Thierry Mariani - J’ose l’espérer...

Le travail approfondi, absolument indispensable, n’a pas été fait. Ce texte est trop imprécis et le Gouvernement n’a pas répondu à nos interrogations. Le groupe RPR votera donc la motion de renvoi.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.

M. le Président - J’appelle maintenant, dans les conditions prévues par l’alinéa 91, alinéa 9, du Règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

ARTICLE PREMIER

M. Jean-Claude Lemoine - L’amendement 9 tend à compléter l’article par les mots : "sauf autorisation".

M. le Rapporteur - Rejet : n’affaiblissons pas la portée de cet article.

M. le Secrétaire d’Etat - Même avis : nous devons garder toute sa force au principe posé ici.

L’amendement 9, mis aux voix, n’est pas adopté.

L’article premier, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Thierry Mariani - Cet article paraissant tout à fait inutile, nous proposons par l’amendement 10 de le supprimer.

Je ne puis résister au plaisir de citer ici l’article 2 de la proposition initiale : "Les armes de la 1ère catégorie peuvent être confiés par l’Etat aux militaires des trois armées" ! Peut-on imaginer une armée sans armes ? Plus sérieusement, un tel énoncé n’est-il pas le signe d’un esprit de défiance ?

L’amendement 10, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

L’article 2, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. Thierry Mariani - L’amendement 2 vise à insérer, après le troisième alinéa, l’alinéa suivant : "- Lorsque le demandeur peut justifier de la possession d’une permis de chasse."

Les critères selon lesquels le représentant de l’Etat autorisera ou non à acquérir ou à détenir des armes de première et quatrième catégories sont trop stricts. En effet, nombre d’armes de chasse sont aujourd’hui classées dans la quatrième catégorie et il convient donc de permettre aux chasseurs d’en détenir, sous réserve qu’ils justifient d’un permis.

M. le Rapporteur - Rejet. L’amendement va trop loin. La proposition ne vise certes pas à restreindre l’exercice de la chasse mais, s’il y a problème, il pourra être réglé, soit à la faveur de la navette, soit par la réforme de la classification.

M. le Secrétaire d’Etat - Avis défavorable.

M. Jean-Claude Lemoine - Les lunettes de visée, dont sont munies toutes les carabines de chasse, sont classées en quatrième catégorie, de même d’ailleurs que les canons de 60 cm, utilisés dans la chasse en sous-bois. Va-t-on les interdire aux chasseurs ?

L’amendement 2, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Thierry Mariani - Par l’amendement 1, nous proposons de compléter le dernier alinéa -" Lorsque le demandeur est une personne physique justifiant de sa participation à des compétitions de tir sportif", les mots : "ou qui est régulièrement inscrite dans un club de tir sportif agréé". Tous les membres d’un club n’ont pas le temps de participer aux compétitions : c’est mon cas, par exemple !

M. le Rapporteur - L’amendement marquerait un recul même par rapport à la loi actuelle.

M. le Secrétaire d’Etat - Il s’agit ici des armes de guerre et de défense, c’est-à-dire d’armes de gros calibres qui ne sont pas communément utilisés dans le tir sportif ! Rejet.

L’amendement 1, mis aux voix, n’est pas adopté.

L’article 3, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ART. 3

M. Georges Sarre - Ainsi que je l’ai annoncé, j’entends, par l’amendement 13, éviter le transport trop fréquent d’armes à feu entre les stands de tir et le domicile de leur détenteurs. Comme la loi actuelle, la nouvelle loi permettrait aux pratiquants du tir sportif participant à des compétitions de détenir chez eux jusqu’à douze armes ! Que d’allers et retours possibles ! On ne voit guère l’intérêt de ces va-et-vient puisque le tir ne peut se pratiquer que dans les enceintes agréées d’associations agréées.

Naturellement, mon amendement n’interdit pas le transport des armes jusqu’aux lieux de compétition.

M. le Rapporteur - Rejet. Cette disposition est plutôt d’ordre réglementaire, me semble-t-il. En outre, les clubs sont-ils équipés pour entreposer toutes ces armes dans de bonnes conditions de sécurité ?

L’idée paraît cependant intéressante et nous pourrions en discuter avec la fédération de tir pour en reparler lors d’une lecture ultérieure.

M. le Secrétaire d’Etat - Même position. N’oublions pas non plus que les sportifs sont très attachés à leur arme. Cette disposition, qui ne semble pas très utile en termes de sécurité publique, pourrait être mal comprise. Prenons au moins le temps de l’améliorer.

M. Thierry Mariani - L’amendement paraît parfaitement inapplicable. Dans le club de ma commune, 20 % seulement des adhérents participent à des compétitions : faudra-t-il stocker en permanence les armes de tous les autres ?

Autrement dit, une fois la loi en vigueur, 80 % des armes devront être stockées au club et cela sera un facteur d’insécurité.

L’amendement 13, mis aux voix, n’est pas adopté.

ART. 4

M. le Secrétaire d’Etat - Si le Gouvernement est favorable, sur le principe, au fait de subordonner l’acquisition des armes de 1ère et 4ème catégories à la production d’un certificat médical, il convient cependant d’éviter de mettre en cause inutilement la responsabilité pénale des médecins et aussi le secret médical. C’est pourquoi le Gouvernement souhaite que la question soit revue et en attendant il propose, par l’amendement 14, de supprimer cet article.

M. le Rapporteur - La commission l’a repoussé par manque d’informations. Dès lors que le Gouvernement s’engage à réfléchir à la question, je suis prêt, à titre personnel, à m’y rallier.

L’amendement 14, mis aux voix, est adopté et l’article 4 est ainsi supprimé.

APRÈS L’ART. 4

M. Jean-Claude Lemoine - Pour éviter toute dérive, il faut confier la vente des armes et des munitions à des professionnels formés et responsables ; cela implique de créer un diplôme d’armurier et aussi de fixer les conditions de sécurité à remplir s’agissant de leurs magasins. C’est l’objet de notre amendement 6.

M. le Rapporteur - La commission l’a repoussé. Cela relève du domaine réglementaire et exige une concertation préalable avec la profession.

M. le Secrétaire d’Etat - C’est une proposition intéressante, mais qui dépasse l’objet de ce texte. Nous aborderons ce point lors de la préparation du projet de loi. En attendant, avis défavorable.

M. Thierry Mariani - Nous sommes devant une situation paradoxale : la loi exige des qualifications précises des coiffeurs et des boulangers, mais rien des armuriers. Or on sait que les grandes surfaces s’intéressent à cette activité. Nous pensons que les armes doivent être vendues par des professionnels.

M. le Secrétaire d’Etat - Je répète qu’il faut une concertation avec la profession avant de prendre ce type de mesure.

M. Maurice Adevah-Poeuf - Je serais assez favorable, sur le principe, à l’amendement. Mais il faudra inclure la vente par correspondance dans votre concertation, Monsieur le ministre.

Mme Véronique Neiertz - Je suis également favorable à une mesure de ce type. Députée de Seine-Saint-Denis, je constate que les jeunes peuvent se procurer des armes n’importe comment, par correspondance ou dans les grandes surfaces. Dès lors qu’on réglemente de nombreuses professions pour assurer la sécurité des populations, la moindre des choses serait d’assurer aussi la qualification des personnes qui vendent des armes. Ou alors je ne vois pas à quoi servira ce texte.

M. le Rapporteur - Je pense quand même que cela exige une réflexion et une concertation préalables.

M. Thierry Mariani - Le fait reste qu’aujourd’hui, autorisation ou pas, on peut se procurer très facilement des armes.

L’amendement 6, mis aux voix, n’est pas adopté.

ART. 5

M. Thierry Mariani - Notre amendement 3 vise à exclure les munitions de l’obligation de déclaration. Cette disposition serait d’autant moins applicable que certains chasseurs fabriquent eux-mêmes leurs munitions.

L’amendement 3, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jean-Claude Lemoine - L’amendement 4 tend à supprimer l’obligation de posséder un permis de chasser pour pouvoir détenir une arme de 5ème et 7ème catégories. Ces armes ne sont pas dangereuses et il ne faut pas interdire aux non-chasseurs de garder en souvenir les armes héritées des parents ou des grands-parents.

M. le Rapporteur - Je ne sous-estime pas l’importance du patrimoine familial des armes. Nous avons pris l’engagement vis-à-vis des chasseurs d’améliorer le texte sur ce point au cours de la navette. Mais pour l’instant, la commission a repoussé l’amendement.

M. le Secrétaire d’Etat - Le Gouvernement est défavorable à l’amendement. Il convient de s’assurer que l’acquisition ou la détention d’une arme de tir ou de chasse est effectuée dans ce seul but.

M. Thierry Mariani - Beaucoup de Français d’origine rurale sont sentimentalement attachés à la possession du fusil de chasse de leur grand-père. Si on leur interdit de conserver ces armes, cela posera un réel problème.

M. Maurice Adevah-Poeuf - On ne peut pas adopter cet amendement, car il ouvrirait trop le dispositif. Cela dit, le problème reste posé de la transmission d’une arme à un non-chasseur.

M. le Secrétaire d’Etat - C’est vrai qu’il y a un attachement sentimental aux armes transmises, mais il faut éviter de vider le texte de tout son sens. Ce point sera revu d’ici la 2ème lecture.

L’amendement 4, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jean-Claude Lemoine - Mon amendement 12 est de repli : il vise à préciser que le permis de chasser ou la licence de tir sont exigées pour l’obtention de munitions. Cela permettra aux non-chasseurs de conserver une arme dont ils ne peuvent pas se servir, si ce n’est comme d’une matraque.

M. le Rapporteur - La commission l’a repoussé.

M. le Secrétaire d’Etat - Cette proposition paraît peu réaliste. Avis défavorable.

L’amendement 12, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. le Secrétaire d’Etat - Dans la dernière phrase de cet article, le Gouvernement propose par l’amendement 15 de substituer aux mots "d’un permis de chasser" les mots : "d’une autorisation officielle de chasser", qui visent le permis lui-même, plus le volet annuel de visa et de validation.

M. le Rapporteur - La commission l’a repoussé parce qu’elle n’avait pas d’explication sur ce qu’est "l’autorisation officielle de chasser". J’y serais maintenant assez favorable, sachant toutefois que j’ai pris lors des auditions des engagements concernant les périodes d’interruption de la chasse qui peuvent intervenir dans la vie d’un chasseur. Il faudrait qu’une disposition réglementaire lui permette de conserver son fusil, en le sécurisant, durant ces périodes.

M. le Secrétaire d’Etat - C’est bien l’esprit du Gouvernement. Les périodes d’interruption seront prises en compte par voie réglementaire.

M. Jean-Claude Lemoine - Mieux vaut dans ce cas retirer l’amendement ! Sinon l’autorisation officielle sera requise, ce qui coûte mille francs par an ; ou bien on exigera que le chasseur investisse pour aménager son arme, ce qui est coûteux aussi et peut l’abîmer. Nous ne pouvons accepter cela.

L’amendement 15, mis aux voix, n’est pas adopté.

L’article 5, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

M. le Secrétaire d’Etat - A la fin de cet article, le Gouvernement propose par l’amendement 16 de substituer aux mots "soumises à déclaration faite auprès du représentant de l’Etat dans le département" le mot : "libres". Il ne juge pas souhaitable de soumettre les armes et munitions historiques et de collection à un régime de déclaration. Cette mesure serait disproportionnée, car ces armes ne constituent pas un danger réel pour la sécurité publique, compte tenu de leur ancienneté et de leurs caractéristiques techniques.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, car il faudrait un travail complémentaire sur la notion d’armes de collection. Certaines de ces armes sont des répliques, chose interdite dans le domaine des jouets, mais parfois autorisée pour les armes. Et on connaît l’inventivité des fabricants ; certains produisent des répliques, classées comme armes de collection, mais qui présentent une réelle dangerosité. Il faut donc une réflexion supplémentaire.

M. Thierry Mariani - Pour une fois, nous soutiendrons le Gouvernement. La proposition va trop loin. Je rejoins M. Le Roux pour dire qu’il faut revoir la classification ; mais, dans cette attente, il est logique de voter l’amendement. J’ajoute que, quand vous dites que "la commission" l’a repoussé, il y avait trois votants, ce qui relativise un peu les choses...

L’amendement 16, mis aux voix, n’est pas adopté.

L’article 6, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

M. le Secrétaire d’Etat - J’ai déjà dit pourquoi la date de 2000 était trop rapprochée, au regard du bouleversement qui va affecter le régime administratif. L’amendement 17 tend donc à lui substituer celle de 2002, pour que les services de l’Etat puissent réellement faire le travail, et que chaque administré puisse se conformer à la loi.

M. Thierry Mariani - Nous serons au moins unanimes sur un point, car notre amendement 5 est identique. C’est une question de réalisme. C’est bien de voter les lois, mais encore mieux de les appliquer.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l’amendement, afin que le texte soit applicable.

M. Maurice Adevah-Poeuf - J’avais suggéré de subordonner cette date limite à un délai de trois ou quatre ans après la publication du décret prévu à l’article 8. Je me rallierai donc à l’amendement du Gouvernement, s’il veut bien nous confirmer que ce décret sera publié avant la fin de l’année.

M. le Secrétaire d’Etat - C’est l’objectif du Gouvernement.

Les amendements 17 et 5, mis aux voix, sont adoptés.

L’article 7 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ART. 7

M. Jean-Claude Lemoine - Nous sommes attachés à la sécurité. Or nombre de problèmes ne sont pas réglés par cette proposition. On voit aujourd’hui nombre d’accidents mettant en jeu des armes détenues légalement. Nous proposons donc par l’amendement 8 d’écrire : "Un détenteur d’arme à domicile doit obligatoirement la conserver en lieu sûr et fermé. Les munitions correspondantes doivent également être conservées dans les mêmes conditions et dans un lieu différent."

M. le Rapporteur - La commission a eu le souci de ne pas piller toutes les bonnes idées que devra mettre en oeuvre le Gouvernement et qui figurent dans le rapport Cancès. Celle-ci semble en outre plus réglementaire que législative. Rejet.

M. le Secrétaire d’Etat - Même avis : nous sommes dans le domaine du règlement.

L’amendement 8, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Thierry Mariani - L’amendement 19 est de repli. Les drames récents ont souvent mis en jeu des armes légalement détenues, mais trop faciles d’accès, notamment pour les enfants. Notre amendement prévoit donc qu’un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions de conservation des armes et munitions, tenant compte ainsi des remarques de M. le ministre et M. le rapporteur. Il reprend à peu près un article de la proposition de loi de M. Sarre.

M. le Rapporteur - La commission ne l’a pas examiné. Au titre de l’opposition constructive, j’y serais personnellement assez favorable.

M. le Secrétaire d’Etat - Favorable.

Mme Véronique Neiertz - Puisque nous sommes revenus au réglementaire comme le souhaitait M. le ministre, je souhaite que le futur décret, qui vise à responsabiliser les détenteurs d’armes, soit assorti d’une sanction, sans quoi il sera inutile. Sera-ce le cas ?

M. le Secrétaire d’Etat - Je crois que le décret abordera cette question.

L’amendement 19, mis aux voix, est adopté.

L’article 8, mis aux voix, est adopté.

ART. 9

M. le Secrétaire d’Etat - L’amendement 18 du Gouvernement est rédactionnel. Il tend à récrire ainsi le début de cet article : "La présente loi n’est pas applicable aux forces armées, ni aux services de l’Etat assurant des missions de défense ou de sécurité publique. Elle ne s’applique pas aux agents de l’Etat assurant, pour son compte, les mêmes missions, ni aux experts..." Il convient d’exclure du champ d’application de la loi, outre les agents de l’Etat assurant, pour son compte, des missions de défense et de sécurité publique, les services et les administrations assurant les mêmes missions.

M. le Rapporteur - La commission l’a accepté.

M. Thierry Mariani - Heureusement !

L’amendement 18, mis aux voix, est adopté.

L’article 9 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté, de même que l’article 10.

M. le Président - Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, j’indique à l’Assemblée que, conformément aux conclusions de la commission, son titre est ainsi rédigé : "Proposition de loi relative à l’acquisition et à la détention des armes à feu".

EXPLICATION DE VOTE

M. Thierry Mariani - Nous aurions aimé voter ce texte s’il avait vraiment résolu un problème.

Or il ne règle quasiment rien. Je regrette que certaines de nos propositions n’aient pas été retenues, notamment celle qui réservait la vente d’armes à des armuriers professionnellement reconnus ; il y a là une piste à réexaminer dans la navette. Réglementer la détention d’armes, c’est bien ; baliser leur acquisition, c’est mieux. Nous regrettons aussi qu’on n’ait pas voté l’amendement du Gouvernement sur les armes de collection. Par ailleurs, les adhérents des clubs de tir qui pratiquent en simples amateurs, sans participer à des compétitions, seront pénalisés. Enfin, les armes de chasse de cinquième catégorie feront l’objet de formalités administratives assez peu applicables, surtout en cas de succession. Pour ces raisons, nous ne pourrons voter ce texte. Mais, je le répète, nous sommes ouverts à un vrai débat sur ce problème, dans le calme et non pas en quelques heures un vendredi après-midi !

L’ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance mardi 2 juin, à 10 heures 30.

La séance est levée à 17 heures 30.