Renvoi concernant la validité de la Loi sur les armes à feu de 1995

 

Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (Canada.)

 Le procureur général de l'Alberta      Appelant

 c.

 Le procureur général du Canada      Intimé

 et

 Le procureur général de l'Ontario, le procureur général de la Nouvelle-Écosse,

le procureur général du Nouveau-Brunswick, le procureur général du Manitoba,

le procureur général de la Saskatchewan,

le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest,

le ministre de la Justice du gouvernement du Territoire du Yukon,

Federation of Saskatchewan Indian Nations,

Coalition of Responsible Firearm Owners and Sportsmen (CORFOS),

Law-Abiding Unregistered Firearms Association (LUFA),

Fédération de tir du Canada,

Association pour la santé publique du Québec inc.,

Alberta Council of Women's Shelters, CAVEAT,

Fondation des victimes du 6 décembre contre la violence,

Association canadienne pour la santé des adolescents,

Société canadienne de pédiatrie, Coalition for Gun Control,

Association canadienne des chefs de police,

Corporation de la cité de Toronto,

Ville de Montréal et Ville de Winnipeg      Intervenants

 

Répertorié:  Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (Can.)

Référence neutre:  2000 CSC 31.

No du greffe:  26933.

2000:  21, 22 février;  2000:  15 juin.

 

Présents:  Le juge en chef McLachlin et les juges L'Heureux-Dubé, Gonthier, Iacobucci, Major,

Bastarache, Binnie, Arbour et LeBel.

 

EN APPEL DE LA COUR D'APPEL DE L'ALBERTA

 

     Droit constitutionnel -- Partage des pouvoirs -- Compétence en matière de droit criminel

-- Armes à feu -- Permis et enregistrement des armes à feu ordinaires -- Les dispositions de

la Loi sur les armes à feu relatives aux permis et à l'enregistrement sont-elles de la

compétence du Parlement? -- Loi constitutionnelle de 1867, art. 91(27) -- Loi sur les armes à

feu, L.C. 1995, ch. 39.

 

     En 1995, le Parlement a modifié le Code criminel en adoptant la Loi sur les armes à feu. Les

modifications obligent tous les détenteurs d'armes à feu à obtenir un permis et à enregistrer leurs

armes. L'Alberta a demandé à la Cour d'appel, par renvoi, de déterminer si les dispositions de la

Loi sur les armes à feu relatives aux permis et à l'enregistrement à l'égard des armes à feu

ordinaires sont de la compétence du Parlement. La Cour d'appel a conclu à la majorité que la Loi

était un exercice valide de la compétence du Parlement en matière de droit criminel. L'Alberta fait

appel devant notre Cour.

 

     Arrêt: Le pourvoi est rejeté. Les dispositions contestées de la Loi sur les armes à feu sont

constitutionnelles.

[ les gras et italiques sont ajoutés ]

     L'adoption de la Loi sur les armes à feu est un exercice valide de la compétence du Parlement

en matière de droit criminel. De par son “caractère véritable”, la Loi vise à améliorer la sécurité

publique en régissant l'accès aux armes à feu. Elle a pour objectif la dissuasion de l'usage abusif des

armes à feu, le contrôle des personnes ayant accès à des armes à feu et le contrôle de types précis

d'armes. Elle vise un certain nombre de “maux”, notamment le commerce illégal des armes à feu, à

l'intérieur du Canada et à l'extérieur avec les États-Unis, et le lien entre les armes à feu et les crimes

de violence, les suicides et les morts accidentelles. L'objet de la Loi sur les armes à feu

correspond à celui de toutes les lois relatives au contrôle des armes à feu qui sont traditionnellement

axées sur la sécurité publique. Les modifications introduites par la Loi constituent un accroissement

limité de la portée des dispositions antérieures sur le contrôle des armes à feu. Les effets de la Loi

indiquent également que son essence même est la promotion de la sécurité publique. Les critères

d'obtention d'un permis sont liés à la sécurité. La vérification du casier judiciaire et l'enquête sur les

antécédents visent à garder les armes à feu hors de la possession de ceux qui sont incapables de les

utiliser avec sûreté. Les cours sur la sécurité permettent de vérifier que les propriétaires d'armes à

feu sont qualifiés.

 

     La Loi sur les armes à feu possède les trois critères requis pour relever du droit criminel. Le

contrôle des armes à feu est traditionnellement considéré comme relevant validement du droit

criminel parce que les armes à feu sont dangereuses et constituent un risque pour la sécurité

publique. La réglementation des armes à feu en tant que produits dangereux est un objet valide de

droit criminel. Cet objet est lié à des interdictions assorties de sanctions.

 

La Loi sur les armes à feu ne tient pas essentiellement de la réglementation. Sa complexité ne

lui enlève pas nécessairement son caractère pénal. La loi ne confère pas un pouvoir discrétionnaire

indu au contrôleur des armes à feu ou au directeur. Les infractions sont clairement définies dans la

Loi. Le contrôleur des armes à feu et le directeur sont expressément soumis à la surveillance des

tribunaux. En outre, les interdictions et les sanctions de la loi ne sont pas de nature réglementaire.

Elles ne se limitent pas à assurer le respect du régime, mais servent de façon indépendante les fins

de la sécurité publique. Le Parlement ne visait pas à réglementer la propriété, mais à assurer que

seuls seront autorisés à posséder une arme à feu ceux qui démontrent qu'ils satisfont aux conditions

d'obtention des permis. Enfin, le Parlement peut utiliser des moyens indirects pour atteindre les fins

de la sécurité publique.

 

     Le régime de 1995 sur le contrôle des armes à feu se différencie de régimes provinciaux actuels

de réglementation des biens. La Loi traite des aspects du contrôle des armes à feu qui ont trait à

leur nature dangereuse et à la nécessité d'en réduire l'usage abusif. Les armes à feu ordinaires sont

souvent utilisées à des fins licites, mais elles le sont également pour le crime et le suicide, et causent

des morts et des blessures accidentelles. Leur contrôle relève donc de la compétence en matière

criminelle.

[ les gras et italiques sont ajoutés ]

     Les dispositions relatives à l'enregistrement ne peuvent être retranchées de la Loi. Les

dispositions relatives aux permis obligent quiconque possède une arme à feu à obtenir un permis;

les dispositions relatives à l'enregistrement exigent l'enregistrement de toutes les armes à feu. Ces

catégories de dispositions de la Loi sur les armes à feu sont étroitement liées au but visé par le

Parlement, la promotion de la sécurité par la réduction de l'usage abusif de toutes les armes à feu.

Ces deux catégories sont partie intégrante et nécessaire du régime.

 

     La Loi sur les armes à feu n'empiète pas tant sur les pouvoirs des provinces que la

confirmation qu'elle relève du droit criminel rompra l'équilibre du fédéralisme. Les provinces n'ont

pas démontré que les effets de la Loi sur les pouvoirs provinciaux sur la propriété et les droits civils

étaient plus que secondaires. Premièrement, le simple fait que les armes à feu sont des biens ne

suffit pas pour démontrer que, de par son caractère véritable, une loi sur le contrôle des armes à

feu relève d'une matière provinciale. Deuxièmement, la Loi ne nuit pas de façon importante à la

capacité des provinces de réglementer la propriété et les droits civils relativement aux armes à feu.

Troisièmement, à supposer (sans le décider) que les législatures provinciales aient le pouvoir

d'adopter une loi sur les aspects relatifs à la propriété des armes à feu ordinaires, la théorie du

double aspect permet au Parlement d'en réglementer les aspects relatifs à la sécurité.

Quatrièmement, la Loi sur les armes à feu n'entraîne pas le gouvernement fédéral dans un nouveau

domaine parce que le contrôle des armes à feu fait l'objet du droit fédéral depuis la Confédération.

Il n'y a aucun empiétement déguisé dans les domaines provinciaux.

 

     Les problèmes découlant de l'usage abusif des armes à feu sont étroitement liés à la moralité.

Cependant, même si le contrôle des armes à feu ne comportait pas d'aspect moral, il pourrait

néanmoins relever de la compétence fédérale en matière criminelle. Le Parlement peut utiliser le

droit criminel pour interdire des activités peu liées à la moralité publique.

 

     Les craintes des Canadiens des régions nordiques et rurales et celles des Canadiens

autochtones que cette loi ne tienne pas compte de leurs besoins particuliers ne concernent pas la

question de la compétence du Parlement pour l'adopter. Le coût du programme et l'efficacité, ou le

manque d'efficacité, de la loi sont également sans pertinence pour déterminer si le Parlement a le

pouvoir de l'adopter en vertu de l'analyse relative au partage des pouvoirs. Dans le cadre de ses

compétences constitutionnelles, c'est au Parlement qu'il appartient de juger s'il est probable qu'une

mesure atteindra le but poursuivi.

 

Jurisprudence

 

     Arrêts appliqués: RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S.

199; R. c. Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213; arrêts mentionnés: Global Securities Corp. c.

Colombie-Britannique (Securities Commission), [2000] 1 R.C.S. 494, 2000 CSC 21;

Whitbread c. Walley, [1990] 3 R.C.S. 1273; R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295;

R. c. Morgentaler, [1993] 3 R.C.S. 463; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27;

Doré c. Verdun (Ville), [1997] 2 R.C.S. 862; Renvoi: Loi anti-inflation, [1976] 2 R.C.S. 373;

Attorney-General for Alberta c. Attorney-General for Canada, [1939] A.C. 117; Texada

Mines Ltd. c. Attorney General of British Columbia, [1960] R.C.S. 713; R. c. Schwartz,

[1988] 2 R.C.S. 443; McGuigan c. La Reine, [1982] 1 R.C.S. 284; Procureur général du

Canada c. Pattison (1981), 30 A.R. 83; Martinoff c. Dawson (1990), 57 C.C.C. (3d) 482; R.

c. Northcott, [1980] 5 W.W.R. 38 ; Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, [1978] 2 R.C.S.

662; General Motors of Canada Ltd. c. City National Leasing, [1989] 1 R.C.S. 641;

Reference re Validity of Section 5(a) of the Dairy Industry Act, [1949] R.C.S. 1; Standard

Sausage Co. c. Lee, [1933] 4 D.L.R. 501; R. c. Cosman's Furniture (1972) Ltd. (1976), 73

D.L.R. (3d) 312; Scowby c. Glendinning, [1986] 2 R.C.S. 226; Westendorp c. La Reine,

[1983] 1 R.C.S. 43; R. c. Zelensky, [1978] 2 R.C.S. 940; R. c. Felawka, [1993] 4 R.C.S. 199;

R. c. Wetmore, [1983] 2 R.C.S. 284; R. c. Boggs, [1981] 1 R.C.S. 49; Renvoi relatif à

l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)c) du Code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123; R. c. Furtney,

[1991] 3 R.C.S. 89; Morgentaler c. La Reine, [1976] 1 R.C.S. 616; Lord's Day Alliance of

Canada c. Attorney General of British Columbia, [1959] R.C.S. 497; Canadian Indemnity

Co. c. Procureur général de la Colombie-Britannique, [1977] 2 R.C.S. 504; Validity of

Section 92(4) of the Vehicles Act, 1957 (Sask.), [1958] R.C.S. 608; Provincial Secretary of

Prince Edward Island c. Egan, [1941] R.C.S. 396; Renvoi relatif à la sécession du Québec,

[1998] 2 R.C.S. 217; Consortium Developments (Clearwater) Ltd. c. Sarnia (Ville), [1998] 3

R.C.S. 3; Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85; Attorney-General for British

Columbia c. Attorney-General for Canada, [1937] A.C. 368; R. c. Chiasson (1982),

66 C.C.C. (2d) 195, conf. par [1984] 1 R.C.S. 266; Proprietary Articles Trade Association c.

Attorney-General for Canada, [1931] A.C. 310.

 

Lois et règlements cités

 

Charte canadienne des droits et libertés, art. 1.

 

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 2 “arme à feu” [aj. 1995, ch. 39, art. 138], 84, 85

[rempl. idem, art. 139], 86 [idem], 87 [idem], 91 [idem].

 

Loi canadienne sur la protection de l'environnement, L.R.C. (1985), ch. 16 (4e suppl.).

 

Loi constitutionnelle de 1867, art. 91(27), 92(13).

 

Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. (1985), ch. F-27.

 

Loi sur les armes à feu, L.C. 1995, ch. 39, art. 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 13, 14, 15, 16, 54, 55, 56,

58, 60, 61, 64, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94,

112, 115.

 

Doctrine citée

 

Beatty, David M. Constitutional Law in Theory and Practice. Toronto: University of Toronto

Press, 1995.

 

Beatty, David M. “Gun Control and Judicial Anarchy” (1999), 10 Constitutional Forum 45.

 

Canada. Ministère de la Justice. Plan d'action du gouvernement sur le contrôle des armes à

feu. Ottawa: Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 1994.

 

Canada. Ministère de la Justice. The impact of the availability of firearms on violent crime,

suicide, and accidental death: A review of the literature with special reference to the

Canadian situation. Document de travail de Thomas Gabor. Ottawa: Ministère de la Justice

Canada, 1994.

 

Canada. Débats de la Chambre des communes, vol. 133, no 154, 1e sess., 35e lég., 16 février

1995, p. 9707.

 

Canada. Sénat. Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Délibérations du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Fascicule

no 61. Ottawa: Imprimeur de la Reine pour le Canada, 1995.

 

Davies, Elaine. “The 1995 Firearms Act: Canada's public relations response to the myth of

violence” (2000), Appeal 44.

 

Friedland, Martin L. A Century of Criminal Justice: Perspectives on the Development of

Canadian Law. Toronto: Carswell, 1984.

 

Gibson, Dale. “The Firearms Reference in the Alberta Court of Appeal” (1999), 37 Alta. L. Rev.

1071.

 

Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada, éd. feuilles mobiles, Scarborough, Ont.:

Carswell, 1992 (mis à jour en 1997).

 

Hutchinson, Allan, and David Schneiderman. “Smoking Guns: The Federal Government Confronts

The Tobacco and Gun Lobbies” (1995), 7 Constitutional Forum 16.

 

Lederman, William R. Continuing Canadian Constitutional Dilemmas. Toronto: Butterworths,

1981.

 

MacLellan, Russell. “Canada's firearms proposals” (1995), 37 Can. J. Crim. 163.

 

     POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Alberta (1998), 219 A.R. 201, 179 W.A.C.

201, 65 Alta. L.R. (3d) 1, 164 D.L.R. (4th) 513, 19 C.R. (5th) 63, 128 C.C.C. (3d) 225, [1999]

2 W.W.R. 579, [1998] A.J. No. 1028 (QL), confirmant la constitutionnalité des dispositions de la

Loi sur les armes à feu relatives aux permis et à l'enregistrement. Pourvoi rejeté.

 

     Roderick A. McLennan, c.r., Thomas W. R. Ross et Neal A. McLennan, pour l'appelant.

 

     Graham R. Garton, c.r., et Sheilah Martin, c.r., pour l'intimé.

 

     Robert E. Charney et Edward J. Maksimowski, pour le procureur général de l'Ontario,

intervenant.

 

     Louise Walsh Poirier et Reinhold Endres, c.r., pour le procureur général de la

Nouvelle-Écosse, intervenant.

 

     Gabriel Bourgeois, pour le procureur général du Nouveau-Brunswick, intervenant.

 

     Kenneth J. Tyler, pour le procureur général du Manitoba, intervenant.

 

     Graeme G. Mitchell, c.r., et Thomson Irvine, pour le procureur général de la Saskatchewan,

intervenant.

 

     Scott Duke, pour le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, intervenant.

 

     William Craik et Lee Kirkpatrick, pour le ministre de la Justice du gouvernement du Territoire

du Yukon, intervenant.

 

     Delia Opekokew, Darren W. Winegarden, Albert C. Peeling et John D. Parsons, pour la

Federation of Saskatchewan Indian Nations, intervenante.

 

     Dallas K. Miller, c.r., pour la Coalition of Responsible Firearm Owners and Sportsmen,

intervenante.

 

     David R. Holman, pour la Law-Abiding Unregistered Firearms Association, intervenante.

 

     Brian A. Crane, c.r., et Paul Shaw, pour la Fédération de tir du Canada, intervenante.

 

     Paul Larochelle, c.r., et Michèle Thivierge, pour l'Association pour la santé publique du

Québec inc., intervenante.

 

     Alexander D. Pringle, c.r., et June Ross, pour l'Alberta Council of Women's Shelters,

intervenant.

 

     Peter A. Downard, Paul F. Monahan et Rochelle S. Fox, pour CAVEAT, la Fondation des

victimes du 6 décembre contre la violence, l'Association canadienne pour la santé des adolescents

et la Société canadienne de pédiatrie, intervenants.

 

     Clayton C. Ruby et Jill Copeland, pour la Coalition for Gun Control, l'Association canadienne

des chefs de police, la Corporation de la cité de Toronto, la ville de Montréal et la ville de

Winnipeg, intervenantes.

 

     Procureurs de l'appelant:  McLennan Ross, Edmonton.

 

     Procureur de l'intimé:  Le sous-procureur général du Canada, Ottawa.

 

     Procureur du procureur général de l'Ontario, intervenant:  Le ministère du Procureur

général, Toronto.

 

     Procureur du procureur général de la Nouvelle-Écosse, intervenant:  Le ministère de la

Justice, Halifax.

 

     Procureur du procureur général du Nouveau-Brunswick, intervenant:   Le Cabinet du

procureur général, Fredericton.

 

     Procureurs du procureur général du Manitoba, intervenant:  Ladner Downs, Vancouver.

 

     Procureur du procureur général de la Saskatchewan, intervenant:  Le sous-procureur

général, Regina.

 

     Procureur du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, intervenant:   Le ministère de

la Justice, Yellowknife.

 

     Procureur du ministre de la Justice du gouvernement du Territoire du Yukon,

intervenant:  Le ministère de la Justice, Whitehorse.

 

     Procureur de la Federation of Saskatchewan Indian Nations, intervenante: La

Federation of Saskatchewan Indian Nations, Saskatoon.

 

     Procureurs de la Coalition of Responsible Firearm Owners and Sportsmen,

intervenante:  Dallas K. Miller Law Office, Medicine Hat.

 

     Procureurs de la Law-Abiding Unregistered Firearms Association, intervenante:  Neufeld

Law Office, Red Deer.

 

     Procureurs de la Fédération de tir du Canada, intervenante:  Shaw McLennan &

Ironside, Collingwood, Ontario.

 

     Procureurs de l'Association pour la santé publique du Québec inc., intervenante:  Brochet

Dussault Larochelle, Sainte-Foy.

 

     Procureurs de l'Alberta Council of Women's Shelters, intervenant:  Pringle & Associates,

Edmonton.

 

     Procureurs de CAVEAT, la Fondation des victimes du 6 décembre contre la violence,

l'Association canadienne pour la santé des adolescents et la Société canadienne de pédiatrie,

intervenants: Fasken Campbell Godfrey, Toronto.

 

     Procureurs de la Coalition for Gun Control, l'Association canadienne des chefs de police,

la Corporation de la cité de Toronto, la ville de Montréal et la ville de Winnipeg,

intervenantes: Ruby & Edwardh, Toronto.

 

     RÉFÉRENCE

Avant sa publication dans le R.C.S., ce jugement devrait être cité en utilisant la référence neutre:

Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (Can.), 2000 CSC 31. Une fois le jugement publié au

R.C.S., la référence neutre sera utilisée à titre de référence parallèle: Renvoi relatif à la Loi sur

les armes à feu (Can.), [2000] 1 R.C.S. xxx, 2000 CSC 31.

 

     LA COUR --

 

     I.  Introduction

 

1     En 1995, le Parlement a modifié le Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, en adoptant la

Loi sur les armes à feu, L.C. 1995, ch. 39, communément appelée la loi sur le contrôle des armes

à feu, pour obliger tous les détenteurs d'armes à feu à obtenir un permis et à enregistrer leurs

armes. En 1996, la Province de l'Alberta, dans un renvoi à la Cour d'appel de l'Alberta, a contesté

le pouvoir du Parlement d'adopter la loi sur le contrôle des armes à feu. Par une majorité de trois à

deux, la Cour d'appel a confirmé la compétence du Parlement en la matière. La Province de

l'Alberta fait appel de cette décision devant notre Cour.

 

2     On ne demande pas à notre Cour de juger si le contrôle des armes à feu est bon ou mauvais

en soi, si la loi est équitable ou inéquitable pour les détenteurs d'armes à feu ou si elle réussira à

réduire les maux causés par l'usage abusif des armes à feu. La seule question est de savoir si le

Parlement avait le pouvoir constitutionnel d'adopter la loi.

 

3     La réponse à cette question réside dans la Constitution canadienne. La Constitution attribue

certaines matières au Parlement et d'autres aux législatures des provinces: Loi constitutionnelle de

1867. Le gouvernement fédéral affirme que la loi sur les armes à feu relève de sa compétence en

matière de droit criminel, par. 91(27), et de sa compétence générale relativement à “la paix, l'ordre

et le bon gouvernement” du Canada. Pour sa part, l'Alberta dit que cette loi relève de sa

compétence en matière de propriété et de droits civils, par. 92(13). Les parties conviennent que

pour trancher le litige, notre Cour doit d'abord déterminer en quoi consiste vraiment la loi sur les

armes à feu -- son “caractère véritable” -- et se demander ensuite à quel chef de compétence elle

se rapporte le plus naturellement.

 

4     Nous concluons que la Loi sur les armes à feu relève de la compétence du Parlement en

matière de droit criminel. De par son “caractère véritable”, elle vise à améliorer la sécurité publique

en régissant l'accès aux armes à feu, au moyen d'interdictions et de sanctions et, de ce fait, elle

relève de la compétence fédérale en matière de droit criminel. Bien que la loi comporte des aspects

de réglementation, ceux-ci sont accessoires à son objet premier, qui a trait au droit criminel.

L'empiétement de la loi sur la compétence provinciale sur la propriété et les droits civils n'est pas

important au point de rompre l'équilibre du fédéralisme.

 

     II.  Les questions du renvoi

 

5     Les questions déférées à la Cour d'appel de l'Alberta par le gouvernement de l'Alberta en

1996 sont énoncées à l'appendice A. En termes simples, la question est de savoir si le Parlement

avait le pouvoir d'édicter à l'égard des armes à feu ordinaires les dispositions de la Loi sur les

armes à feu relatives aux permis et à l'enregistrement. Les dispositions contestées sont énoncées à

l'appendice B.

 

     III.  Les dispositions législatives

 

6     Pendant de nombreuses années, le Code criminel a limité l'accès aux armes à feu, surtout aux

armes automatiques et aux armes de poing, en les plaçant dans les catégories des armes prohibées

et des armes à autorisation restreinte. La Loi sur les armes à feu a étendu cette réglementation à

toutes les armes à feu, y compris les carabines et les fusils de chasse. Par conséquent, l'art. 84 du

Code criminel régit maintenant trois catégories d'armes à feu: 1) les armes à feu prohibées

(principalement les armes automatiques); 2) les armes à feu à autorisation restreinte (principalement

les armes de poing); 3) toutes les autres armes à feu (principalement les carabines et les fusils de

chasse). La troisième catégorie est appelée diversement “armes à feu ordinaires”, “armes d'épaule”

et “armes non restreintes”. Nous parlerons d'“armes à feu ordinaires”.

 

7     Les questions du renvoi visent la validité des dispositions relatives aux permis et à

l'enregistrement qui ont été introduites par la Loi sur les armes à feu à l'égard des armes à feu

ordinaires. Les dispositions relatives aux permis obligent quiconque possède une arme à feu à avoir

un permis. L'admissibilité à un permis est assujettie à des considérations de sécurité. Le permis peut

être refusé à un demandeur ayant un casier judiciaire pour des infractions de drogue ou de violence,

ou des antécédents de maladie mentale. Le demandeur qui cherche à acquérir une arme à feu doit

réussir un cours de sécurité qui requiert une compréhension de base de la sécurité dans le

maniement des armes à feu et des responsabilités légales liées à la propriété d'une arme à feu. Le

contrôleur des armes à feu, qui délivre les permis, peut vérifier les antécédents du demandeur pour

déterminer son admissibilité, et peut assortir le permis de conditions. Le permis est valide pour une

période de cinq ans, mais il peut être révoqué par suite de contravention à ses conditions ou de

déclaration de culpabilité de certaines accusations criminelles. Le refus et la révocation de permis

sont susceptibles d'appel devant une cour de justice.

 

8     Les dispositions relatives à l'enregistrement sont plus limitées. Une arme à feu ne peut pas être

enregistrée si le demandeur n'a pas de permis de possession pour ce type d'arme à feu.

L'enregistrement renvoie généralement au numéro de série de l'arme à feu. Le certificat

d'enregistrement est valide tant que son titulaire possède l'arme. En cas de cession de la propriété

d'une arme enregistrée, le nouveau propriétaire doit enregistrer l'arme. Pour donner aux

propriétaires d'armes à feu le temps d'enregistrer leurs armes, les personnes qui possédaient une

arme à feu ordinaire le 1er janvier 1998 sont réputées être titulaires d'un certificat d'enregistrement

valide jusqu'au 1er janvier 2003. La possession de toute catégorie d'arme à feu non enregistrée est

une infraction. Tous les permis et certificats d'enregistrement, ainsi que les exportations,

importations, pertes et vols d'armes à feu, sont inscrits au Registre canadien des armes à feu, qui

est tenu par une personne nommée par le gouvernement fédéral.

 

     IV.  Les motifs de la Cour d'appel de l'Alberta (1998), 65 Alta. L.R. (3d) 1

 

9     La Cour d'appel de l'Alberta, par une majorité de trois à deux, a confirmé la validité de la Loi

sur les armes à feu de 1995. Quatre juges ont écrit des motifs.

 

     A.  Majorité

 

10     Dans un jugement exhaustif, le juge en chef Fraser note en premier que les armes à feu

peuvent être réglementées par les gouvernements fédéral et provinciaux à différentes fins et que

l'efficacité de la loi n'est pas pertinente pour sa qualification constitutionnelle. Elle conclut que le

Parlement visait l'amélioration de la sécurité publique lorsqu'il a adopté la loi. Même si les armes à

feu sauvent des vies et peuvent être des outils utiles, elles blessent et tuent aussi. Cette dernière

caractéristique des armes à feu -- leur dangerosité inhérente -- fait l'objet des dispositions

contestées de la Loi. Le Parlement avait pour but de réduire l'usage criminel des armes à feu,

notamment la violence familiale, de même que les suicides et les accidents causés par le mauvais

usage des armes à feu. Les dispositions relatives aux permis, qui obligent les demandeurs à réussir

un cours sur la sécurité et à faire l'objet d'une vérification du casier judiciaire et d'une enquête sur

leurs antécédents, visent à ce but. En cherchant à réduire la contrebande, le vol et la vente illégale

des armes à feu, le système d'enregistrement s'attaque également à leur usage abusif. Les

dispositions relatives aux permis et à l'enregistrement sont inextricablement liées. Bien que ces

dispositions comportent la réglementation de droits de propriété, cette réglementation est le moyen

utilisé par la loi, et non sa fin. Pour ce motif, le juge en chef Fraser conclut que, de par son

caractère véritable, la Loi vise à protéger la sécurité publique contre l'usage abusif des armes à feu

ordinaires.

 

11     Le juge en chef Fraser aborde ensuite la deuxième étape de l'analyse, qui consiste à

déterminer si ce caractère véritable peut être attribué à l'un des chefs de compétence attribués au

Parlement par la Loi constitutionnelle de 1867. Elle conclut que la loi relève de la compétence en

matière criminelle, selon le par. 91(27), tant dans son aspect préventif que dans l'objet visé, les

interdictions et sanctions. La loi n'est pas un empiétement déguisé ou injustifié sur la compétence

provinciale.

 

12     Les juges Berger et Hetherington ont rédigé des motifs distincts en accord avec le Juge en

chef. Le juge Hetherington conclut que toute arme à feu utilisée à mauvais escient est dangereuse

pour la santé et la vie humaines. Par conséquent, en cherchant à prévenir le crime et à favoriser la

sécurité publique en en décourageant la possession, le Parlement poursuivait un objectif de droit

criminel valide. L'inefficacité potentielle de la loi, soulignée par l'Alberta et par les autres

gouvernements provinciaux, n'est pas pertinente à moins qu'elle ne démontre que le Parlement visait

un objectif différent -- un motif déguisé. L'existence d'un motif déguisé n'a pas été démontrée parce

que la loi vise réellement à améliorer l'entreposage des armes à feu, à en réduire le trafic et, de

façon générale, à contribuer à leur repérage. Même si la loi peut toucher la propriété et les droits

civils, cela n'empêche pas le Parlement de l'adopter. Le juge Hetherington conclut que la Loi sur

les armes à feu contient des interdictions assorties de sanctions pénales, adoptées dans l'intérêt

public en matière criminelle, et qu'elle est donc une loi valide selon le critère établi par le juge La

Forest, de notre Cour, dans les arrêts RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général),

[1995] 3 R.C.S. 199, et R. c. Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213.

 

13     De même, le juge Berger souligne que toutes les armes à feu peuvent causer la mort si elles

sont utilisées à mauvais escient. Il conclut qu'en adoptant la loi, le Parlement visait à ce que seules

les personnes qualifiées dans l'usage des armes à feu en possèdent. Le système de permis identifie

les personnes qualifiées. Le système d'enregistrement vise à ce que seules les personnes qualifiées

puissent acquérir des armes à feu. Comme interdiction assortie d'une sanction, dans l'intérêt public,

la loi est un exercice valide de la compétence du Parlement en matière de droit criminel. Les

aspects de réglementation de la loi ne sont que les moyens d'arriver à une fin.

 

     B.  Minorité

 

14     Le juge Conrad, avec l'appui du juge Irving, était dissidente. Elle a donné une définition large

de l'objet de la loi comme réglementant tous les aspects de la possession et de l'usage des armes à

feu. Bien que les armes à feu et la sécurité soient des sujets d'intérêt fédéral et provincial, la

compétence en matière de droit criminel a été “découpée” dans la compétence provinciale. La

réglementation de la propriété plutôt que de l'usage, ainsi que la complexité de la réglementation

démontrent que cette loi ne peut pas être qualifiée de loi criminelle valide. Généralement, le Code

criminel interdit des actes plutôt que de réglementer la propriété. La possession n'est pas

dangereuse en soi; seul l'usage abusif l'est, et la loi va bien au-delà de l'interdiction de l'usage abusif.

De cela, le juge Conrad conclut que la Loi sur les armes à feu est un empiétement déguisé sur la

compétence des provinces en matière de propriété et de droits civils et qu'elle est invalide en tant

qu'exercice de la compétence du Parlement relativement au droit criminel ou à la paix, l'ordre et le

bon gouvernement. Bien que d'avis d'annuler l'ensemble de la loi, elle conclut que si le régime de

permis était jugé valide, le régime d'enregistrement pourrait être dissocié du régime de permis.

 

     V.  Analyse

 

15     Nous devons décider si les dispositions de la Loi sur les armes à feu relatives aux permis et

à l'enregistrement ont été validement édictées par le Parlement en vertu de sa compétence en

matière de droit criminel ou relativement à la paix, l'ordre et le bon gouvernement. Pour répondre à

cette question, nous devons effectuer l'analyse du partage des pouvoirs qui a été utilisée si souvent

par notre Cour et qui a été résumée très récemment dans Global Securities Corporation c.

Colombie-Britannique (Securities Commission), [2000] 1 R.C.S. 494, 2000 CSC 21; voir aussi

Whitbread c. Walley, [1990] 3 R.C.S. 1273, R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295;

et R. c. Morgentaler, [1993] 3 R.C.S. 463. Cette analyse comporte deux étapes. La première

consiste à déterminer le “caractère véritable” ou le caractère essentiel de la loi et la seconde à

classer ce caractère essentiel en égard aux chefs de compétence établis par la Loi

constitutionnelle de 1867, afin de déterminer si la loi relève de la compétence du gouvernement

qui l'a adoptée. Si c'est le cas, la loi est valide.

 

     A.  Caractérisation: Quel est le caractère véritable de la loi ?

 

16     Il faut d'abord déterminer le “caractère véritable” de la loi. Pour reprendre les termes des

art. 91 et 92, quelle est la “matière” de la loi? Quelle est sa véritable signification ou son caractère

essentiel, sa quintessence? Le caractère véritable de la loi doit être déterminé sous deux aspects: le

but visé par le législateur qui l'a adoptée et l'effet juridique de la loi.

 

17     L'objet d'une loi est souvent énoncé dans son texte, mais il peut aussi être établi à partir de

documents extrinsèques, comme le Hansard et les publications gouvernementales: Morgentaler,

précité, p. 484. Même si, à une certaine époque, les documents extrinsèques n'étaient pas

admissibles aux fins de déterminer l'objet visé par le législateur, il est maintenant bien établi qu'on

peut à bon droit examiner l'historique législatif, les débats parlementaires et autres documents

semblables dans la mesure où ils sont pertinents et fiables et qu'on ne leur donne pas plus de poids

qu'ils n'en méritent: Global, précité, par. 25; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27,

par. 35; Doré c. Verdun (Ville), [1997] 2 R.C.S. 862, par. 14. L'objet peut aussi être établi par

l'examen du “mal” visé par la loi -- le problème auquel le législateur a voulu remédier:

Morgentaler, précité, p. 483-484.

 

18     Les effets juridiques d'une loi sont déterminés par l'examen de son application et de ses effets

sur les Canadiens. Le Procureur général de l'Alberta dit que la loi ne réussira pas à atteindre son

but. Selon lui, pour ce qui a trait à un objet de droit criminel, le régime législatif sera inefficace

(p. ex.  les criminels n'enregistreront pas leurs armes); là où elle aura un effet, la loi ne contribuera

pas à la lutte contre le crime (p. ex. en imposant aux agriculteurs de la paperasserie inutile). Ces

préoccupations ont été adressées, comme il se doit, au Parlement qui les a examinées. Dans le

cadre de ses compétences constitutionnelles, c'est au Parlement qu'il appartient de juger s'il est

probable qu'une mesure atteindra le but poursuivi; l'efficacité n'est pas pertinente dans le cadre de

l'analyse du partage des pouvoirs par notre Cour: Morgentaler, précité, p. 487-488; et Renvoi:

Loi anti-inflation, [1976] 2 R.C.S. 373. L'examen vise plutôt à déterminer comment la loi

cherche à atteindre son but afin de mieux comprendre son [TRADUCTION] “entière portée”: William

R. Lederman, “Classification of Laws and the British North America Act”, dans Continuing

Canadian Constitutional Dilemmas (1981), p. 239-240. Dans certains cas, les effets de la loi

peuvent indiquer un objet autre que celui qu'elle énonce: Morgentaler, précité, p. 482-483;

Attorney-General for Alberta c. Attorney-General for Canada, [1939] A.C. 117 (C.P.)

(Alberta Bank Taxation Reference); et Texada Mines c. Attorney-General of British

Columbia, [1960] R.C.S. 713; et, de façon générale, Peter Hogg, Constitutional Law of

Canada (éd. feuilles mobiles), p. 15-14 - 15-16. En d'autres termes, une loi peut dire qu'elle vise

une chose et, en réalité, faire autre chose. Lorsque les effets de la loi diffèrent de façon importante

de l'objet déclaré, on parle parfois de “motif déguisé”.

 

19     Sur cette toile de fond, nous abordons l'objet de la Loi sur les armes à feu. L'article 4

déclare que son objet est de prévoir “la délivrance de permis, de certificats d'enregistrement et

d'autorisations permettant la possession d'armes à feu” et “de permettre [. . .] la fabrication ” et “la

cession” d'armes à feu ordinaires. Ces mots tiennent du langage de la réglementation de la

propriété. Ces mots sont toutefois directement liés à un objet formulé dans le langage du droit

criminel. Les dispositions relatives aux permis, à l'enregistrement et aux autorisations circonscrivent

les moyens par lesquels les personnes peuvent être propriétaires et faire cession d'armes à feu

ordinaires “en des circonstances qui ne donnent pas lieu à une infraction” criminelle. Ceux qui

contestent la loi invoquent la première partie de l'article et sa nature réglementaire. Ceux qui

cherchent à la faire confirmer invoquent la deuxième partie de l'article et sa nature pénale.

 

20     Les déclarations faites à la Chambre des communes par l'honorable Allan Rock, ministre de

la Justice à l'époque, à la deuxième lecture, indiquent que l'objet visé par le gouvernement fédéral

dans cette loi était de favoriser la sécurité publique. Il a déclaré: “Le gouvernement estime que la

réglementation des armes à feu devrait viser principalement à faire que le Canada demeure un pays

sûr, civilisé et paisible” (Débats de la Chambre des communes, vol. 133, no 154, 1re sess., 35e

Parl., 16 février 1995, p. 9706), puis il a décrit en détail le contenu de la loi:

 

     Premièrement, des mesures sévères pour contrer l'usage criminel des armes à feu,

deuxièmement, des peines précises pour punir ceux qui font la contrebande des armes à feu

illégales, troisièmement, des mesures générales pour délimiter ce qui constitue un usage légitime des

armes à feu qui ne menace pas la sécurité publique. [Nous soulignons.]

 

     (Débats de la Chambre des communes, précités, p. 9707. Voir aussi les motifs du juge en

chef Fraser, par. 169-172.)

 

     Ensuite, le ministre a mentionné les problèmes des suicides, des coups de feu accidentels et de

l'usage d'armes à feu dans des cas de violence familiale, et il a évoqué certaines tragédies qui

avaient incité le public à demander un contrôle des armes à feu. Russell MacLellan, Secrétaire

parlementaire du ministre de la Justice à l'époque, a souligné les préoccupations du gouvernement,

précisant que la Loi reposait sur [TRADUCTION] “trois politiques fondamentales: la dissuasion de

l'usage abusif des armes à feu, des mesures générales de contrôle sur les personnes ayant accès à

des armes à feu et des mesures de contrôle sur des types précis d'armes à feu” (“Canada's

Firearms Proposals”, (1995) 37 Can. J. Crim. 163.)

 

21     Une autre façon de déterminer l'objet de la loi est d'examiner les problèmes qu'elle cherche à

régler -- le “mal visé”. La Loi sur les armes à feu vise un certain nombre de problèmes ou de

“maux”. L'un d'eux est le commerce illégal des armes à feu, à l'intérieur du Canada et à l'extérieur

avec les États-Unis: Plan d'action du gouvernement sur le contrôle des armes à feu, déposé à

la Chambre des communes en 1994. Un autre est le lien entre les armes à feu et les crimes de

violence, les suicides et les morts accidentelles. Dans un document commandé par le ministère de la

Justice en 1994, intitulé “The impact of the availability of firearms on violent crime, suicide, and

accidental death: A review of the literature with special reference to the Canadian situation”,

Thomas Gabor conclut que les morts dues à ces trois causes pouvaient augmenter dans les ressorts

où il y avait le moins de restrictions sur les armes à feu. Que l'on accepte ou non les conclusions de

Gabor, son étude indique que le problème que le Parlement cherchait à régler en adoptant la loi

était le problème de l'usage abusif des armes à feu et de la menace qu'il constitue pour la sécurité

publique.

 

22     Enfin, il y a l'argument solide que l'objet de la loi correspond à l'accent mis traditionnellement

sur la sécurité publique dans les lois relatives au contrôle des armes à feu. Le présent renvoi ne vise

que les dispositions de la Loi relatives aux permis et à l'enregistrement applicables aux armes à feu

ordinaires. L'Alberta ne conteste pas les exigences de permis et d'enregistrement pour les armes à

autorisation restreinte et les armes prohibées. Elle admet volontiers que les restrictions applicables à

ces catégories d'armes sont constitutionnelles. D'ailleurs, l'Alberta aurait de la difficulté à prétendre

le contraire, car de nombreux tribunaux ont confirmé la validité de divers aspects de la législation

fédérale sur le contrôle des armes à feu qui existait avant l'entrée en vigueur de la Loi: R. c.

Schwartz, [1988] 2 R.C.S. 443; McGuigan c. La Reine, [1982] 1 R.C.S. 284; et Procureur

général du Canada c. Pattison (1981), 30 A.R. 83 (C.A.).

 

23     Plus particulièrement, avant l'introduction de la Loi sur les armes à feu, l'enregistrement de

toutes les armes à autorisation restreinte a été jugé valide par la Cour d'appel de la

Colombie-Britannique dans Martinoff c. Dawson (1990), 57 C.C.C. (3d) 482. En outre, le Code

criminel obligeait toute personne voulant obtenir tout genre d'arme à feu à demander une

autorisation d'acquisition d'armes à feu. Cette exigence a été jugée valide dans R. c. Northcott,

[1980] 5 W.W.R. 38 (C. prov. C.-B.). Ces décisions ont confirmé la validité des dispositions

antérieures en matière de contrôle des armes à feu pour le motif que le but visé par le Parlement

était de favoriser la sécurité publique. La Loi sur les armes à feu étend la portée de ces

dispositions de deux manières: 1) elle exige l'enregistrement de toutes les armes à feu, et non plus

seulement des armes à feu prohibées et à autorisation restreinte; 2) à un moment donné, tous les

propriétaires d'armes à feu devront détenir un permis, et non plus seulement les personnes qui

souhaitent en acquérir. Ces modifications représentent la continuité de l'intérêt que porte le

Parlement aux questions de sécurité et constituent un accroissement limité de la portée des

dispositions antérieures. Étant donné l'acceptation générale de la législation de contrôle des armes à

feu, qui existe depuis cent ans et dont la constitutionnalité a toujours été fondée sur l'intérêt que

porte le Parlement à la sécurité publique, il est maintenant difficile d'imputer au Parlement une

intention différente. Cela appuie l'opinion que le caractère véritable de la loi a trait à la sécurité

publique.

 

24     Les effets du régime -- la façon dont il touche les droits des Canadiens -- appuient également

la conclusion que la loi de 1995 sur le contrôle des armes à feu, de par son caractère véritable, est

une mesure de sécurité publique. Les critères d'obtention d'un permis sont liés à la sécurité, plutôt

qu'à la réglementation de la propriété: la vérification du casier judiciaire et l'enquête sur les

antécédents visent à garder les armes à feu hors de la possession de ceux qui sont incapables de les

utiliser avec sûreté. Les cours sur la sécurité permettent de vérifier que les propriétaires d'armes à

feu sont qualifiés. Ce que la loi n'exige pas montre également que le fonctionnement du régime se

limite à assurer la sécurité. Par exemple, la Loi ne réglemente pas le marché commercial légitime

des armes à feu. Elle ne cherche pas à établir des normes du travail ou le prix des armes. Elle ne

tente pas de protéger ni de réglementer les industries ou les entreprises liées aux armes à feu (voir

Pattison, précité, par. 22). À la différence des registres de biens provinciaux, le registre créé par la

Loi ne porte pas sur des droits antérieurs et, à la différence de certaines lois provinciales sur les

véhicules à moteur, la Loi ne traite pas d'assurance. En bref, ses effets indiquent que son essence

même est la promotion de la sécurité publique par la réduction de l'usage abusif des armes à feu, et

démentent ainsi la proposition que le Parlement tentait en réalité d'atteindre un but différent, telle la

réglementation générale de la production, du commerce et de la propriété des armes à feu. Nous

concluons donc que, vu son objet et ses effets, la Loi, de par son “caractère véritable”, vise la

sécurité publique.

B.  Qualification: Le Parlement avait-il compétence pour adopter la loi?

 

25     Après l'évaluation du caractère véritable ou de la matière de la loi, la deuxième étape consiste

à déterminer si cette matière relève de la compétence du législateur qui l'a adoptée. Nous devons

examiner les chefs de compétence attribués par les art. 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de

1867 et déterminer auquel elle se rapporte. En l'espèce, la question est de savoir si la loi relève de

la compétence fédérale sur le droit criminel ou la paix, l'ordre et le bon gouvernement, ou si elle

relève de la compétence provinciale sur la propriété et les droits civils. La présomption de

constitutionnalité signifie que l'Alberta, en tant que partie contestant la Loi, doit démontrer qu'elle ne

relève pas de la compétence du Parlement: Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, [1978] 2

R.C.S. 662.

 

26     La détermination du chef de compétence duquel relève une loi particulière n'est pas une

science exacte. Dans un système fédéral, chaque ordre de gouvernement peut s'attendre à ce que

sa compétence soit touchée dans une certaine mesure par l'autre. Comme le juge en chef Dickson

le dit dans General Motors of Canada Ltd. c. City National Leasing, [1989] 1 R.C.S. 641,

p. 669, “il faut s'attendre à ce qu'il y ait chevauchement de mesures législatives et il faut s'y adapter

dans un État fédéral”. Les lois se rapportant principalement à la compétence d'un ordre de

gouvernement peuvent déborder, ou avoir des “effets secondaires”, sur les champs de compétence

de l'autre ordre de gouvernement. C'est une question d'équilibre et de fédéralisme: aucun ordre de

gouvernement n'est isolé de l'autre, ni ne peut usurper ses fonctions.

 

27     En règle générale, une loi peut être considérée comme relevant du droit criminel si elle

comporte les trois éléments suivants: un objet valide de droit criminel assorti d'une interdiction et

d'une sanction: RJR-MacDonald; Hydro-Québec, précités; et Reference re Validity of Section

5(a) of the Dairy Industry Act, [1949] R.C.S. 1, (le “Renvoi sur la margarine”). Le Procureur

général du Canada soutient que la loi de 1995 sur le contrôle des armes à feu respecte ces trois

exigences et cite plusieurs auteurs à l'appui de ses arguments: Dale Gibson, “The Firearms

Reference in the Alberta Court of Appeal” (1999) 37 Alta. L. Rev. 1071; David M. Beatty, “Gun

Control and Judicial Anarchy”, (1999), 10 Constitutional Forum 45; Allan C. Hutchinson et

David Schneiderman, “Smoking Guns: The Federal Government Confronts the Tobacco and Gun

Lobbies”, (1995) 7 Constitutional Forum 16; ainsi que le témoignage de Peter Hogg devant le

Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le 26 octobre 1995.

 

28     Avant de déterminer si les trois critères de droit criminel sont respectés par cette loi, il y a lieu

de faire quelques observations générales sur la compétence en matière de droit criminel. Comme

notre Cour l'a indiqué dans de nombreux arrêts, c'est un vaste domaine de compétence fédéral:

RJR-MacDonald; Hydro-Québec; et Renvoi sur la margarine, précités. Le droit criminel a une

place à part comme chef de compétence fédéral.  Malgré des chevauchements multiples avec la

compétence provinciale en matière de propriété et de droits civils, il ne résulte pas d'un

“découpage” de la compétence provinciale, contrairement à l'opinion du juge Conrad de la Cour

d'appel. Il englobe aussi la procédure pénale, qui régit plusieurs aspects de son application, comme

l'arrestation, la fouille, la perquisition et la saisie d'éléments de preuve, la réglementation de l'écoute

électronique et la confiscation des biens volés.

 

29     Non seulement le droit criminel se situe-t-il à part comme chef de compétence, mais il

s'exprime aussi dans une vaste gamme de lois. Le Code criminel est la quintessence même d'un

texte législatif fédéral en matière de droit criminel, mais il n'est pas le seul. La Loi sur les aliments

et drogues, la Loi sur les produits dangereux, la Loi sur le dimanche et la Loi réglementant les

produits du tabac ont toutes été jugées constituer un exercice valide de la compétence en matière

criminelle: Standard Sausage Co. c. Lee, [1933], 4 D.L.R. 501 (B.C. C.A.); R. c. Cosman's

Furniture (1972) Ltd., 73 D.L.R. (3d) 312 (C.A. Man.); Big M Drug Mart, précité (dispositions

législatives annulées pour d'autres motifs); et RJR-MacDonald, précité (dispositions législatives

annulées pour d'autres motifs). Par conséquent, le fait que certaines dispositions de la Loi sur les

armes à feu ne se retrouvent pas dans le Code criminel n'est pas pertinent pour les fins de la

qualification constitutionnelle.

 

30     La compétence en matière de droit criminel est vaste, mais elle n'est pas illimitée. Certaines

parties ont exprimé devant notre cour la crainte que cette compétence soit utilisée de façon

illégitime pour envahir un domaine provincial et usurper des pouvoirs provinciaux. Une perception

dûment pondérée de la compétence en matière de droit criminel exclut cette éventualité.

 

31     Dans ce contexte, revenons aux trois critères qu'une loi doit respecter pour être considérée

comme relevant du droit criminel. La première étape consiste à déterminer si la loi a un objet valide

de droit criminel. Le juge Rand a donné certains exemples d'objets valides dans le Renvoi sur la

margarine, p. 50: [TRADUCTION] “La paix publique, l'ordre, la sécurité, la santé, la moralité: ce

sont les fins habituelles, mais pas exclusives, du droit [criminel]”. Nous avons conclu

précédemment que, de par son caractère véritable, la Loi sur les armes à feu visait la sécurité

publique, ce qui la place clairement dans l'objectif de droit criminel que constitue la protection de la

paix publique, de l'ordre, de la sécurité et de la santé.

 

32     Pour déterminer si l'objet d'une loi est un objet de droit criminel valide, les tribunaux

examinent si les lois de ce genre sont habituellement jugées relever du droit criminel: Morgentaler,

précité, p. 491; et RJR-MacDonald, précité, par. 204; également Scowby c. Glendinning, [1986]

2 R.C.S. 226; Westendorp c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 43; et R. c. Zelensky, [1978] 2 R.C.S.

940. Les tribunaux ont conclu à maintes reprises que le contrôle des armes à feu relevait de la

compétence en matière de droit criminel. Comme le juge en chef Fraser l'a démontré, le contrôle

des armes à feu est une matière de droit criminel depuis avant l'adoption du Code criminel en

1892, et cela est toujours le cas (voir aussi Elaine Davies, "The 1995 Firearms Act: Canada's

public relations response to the myth of violence" (2000), Appeal 44, et Martin L. Friedland, A

Century of Criminal Justice (1984), p. 125 et suiv.).

 

33     Le contrôle des armes à feu est traditionnellement considéré comme relevant validement du

droit criminel parce que les armes à feu sont dangereuses et constituent un risque pour la sécurité

publique. L'article 2 du Code criminel (modifié par le par. 138(2) de la Loi sur les armes à feu)

définit une arme à feu comme “toute arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du

plomb, des balles ou tout autre projectile, d'infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une

personne” (nous soulignons). Cela démontre que le Parlement considère les armes à feu comme

dangereuses et qu'il réglemente leur possession et leur usage pour ce motif. La loi se limite à prévoir

des restrictions pour des fins de sécurité. En cela, la réglementation des armes à feu en tant que

produits dangereux est un objet valide de droit criminel: R. c. Felawka, [1993] 4 R.C.S. 199;

RJR-MacDonald, précité; R. c. Wetmore, [1983] 2 R.C.S. 284; et Cosman's Furniture, précité.

 

34     La constatation de l'existence d'un objet valide de droit criminel ne conclut toutefois pas

l'analyse. Il faut aussi que cet objet soit lié à une interdiction assortie d'une sanction. La loi de 1995

sur le contrôle des armes à feu satisfait à ces exigences. L'article 112 de la Loi sur les armes à feu

interdit la possession d'une arme à feu sans certificat d'enregistrement. L'article 91 du Code

criminel (modifié par l'art. 139 de la Loi sur les armes à feu) interdit la possession d'une arme à

feu sans permis et certificat d'enregistrement. Ces interdictions sont assorties de sanctions: voir

l'art. 115 de la Loi sur les armes à feu et l'art. 91 du Code.

 

35     Il ressort donc que la loi de 1995 sur le contrôle des armes à feu possède les trois critères

requis pour relever du droit criminel. L'Alberta et les autres provinces ont toutefois soulevé d'autres

objections qui nous devons examiner.

 

     (1)  Réglementation ou interdiction criminelle?

 

36     La première objection est que la Loi sur les armes à feu tient essentiellement de la

réglementation et non de la législation pénale en raison de sa complexité et du pouvoir

discrétionnaire qu'elle confère au contrôleur des armes à feu. Les provinces prétendent que ces

aspects de la loi sont caractéristiques des lois de réglementation, et non pas des lois pénales: voir

Hogg, précité, p. 18-25 et 18-26.

 

37     Malgré son attrait initial, cet argument n'aide pas la cause de l'Alberta. Le fait que la Loi soit

complexe ne lui enlève pas nécessairement son caractère pénal. D'autres lois, comme la Loi sur les

aliments et drogues, L.R.C. (1985), ch. F-27, et la Loi canadienne sur la protection de

l'environnement, L.R.C. (1985), ch. 16 (4e suppl.), sont des exercices légitimes de la

compétence en matière de droit criminel et sont pourtant extrêmement complexes. La loi ne confère

pas non plus un pouvoir discrétionnaire indu au contrôleur des armes à feu ou au directeur. Les

infractions ne sont pas définies par un organisme administratif, ce qui évite le problème mentionné

dans les motifs de dissidence de l'arrêt Hydro-Québec, précité. Elles sont clairement énoncées

dans la Loi et dans le Code criminel: nul ne doit posséder d'arme à feu sans le permis et le

certificat d'enregistrement requis. Si la Loi prévoit le pouvoir discrétionnaire de refuser des

autorisations de port ou de transport, à l'art. 68, et un certificat d'enregistrement en vertu de

l'art. 69, ce pouvoir discrétionnaire est limité par la Loi. Un permis peut être refusé à un demandeur

qui ne répond pas aux critères d'admissibilité: art. 68. L'admissibilité à un permis est délimitée dans

d'autres dispositions de la Loi: une personne ne peut pas obtenir de permis si elle a été déclarée

coupable de certaines infractions (par. 5(2)) ou si elle fait l'objet d'une ordonnance d'interdiction

(art. 6); l'art. 7 oblige le demandeur à réussir un cours sur la sécurité. Le pouvoir discrétionnaire

relativement à l'enregistrement est également circonscrit par la Loi. Le contrôleur ou le directeur

peut refuser l'enregistrement pour une “raison valable”: art. 68 et 69 et il doit notifier son refus par

écrit et fournir ses motifs (art. 72). Ces dispositions démontrent que la Loi ne confère pas un

pouvoir discrétionnaire indu au contrôleur ou au directeur. En outre, le contrôleur et le directeur

sont expressément soumis à la surveillance des tribunaux. Le refus ou la révocation d'un permis ou

d'un certificat d'enregistrement peut être renvoyé à un juge de cour provinciale: art. 74. Les

tribunaux interpréteront les mots “raison valable” des art. 68 et 69 en fonction de l'objet de sécurité

publique, de sorte que l'exercice du pouvoir discrétionnaire du contrôleur et du directeur sera

toujours lié à cet objet.

 

38     En outre, les interdictions et les sanctions de la loi ne sont pas de nature réglementaire. Elles

ne se limitent pas à assurer le respect du régime, comme c'était le cas dans l'arrêt Boggs c. La

Reine, [1981] 1 R.C.S. 49, précité, mais forment en elles-mêmes un tout et servent de façon

indépendante les fins de la sécurité publique. Les interdictions et les sanctions ne sont pas liées à un

objectif de production de revenus. Le Parlement ne visait pas à réglementer la propriété, mais à

assurer que seuls seront autorisés à posséder une arme à feu ceux qui démontrent qu'ils satisfont

aux conditions d'obtention des permis.

 

39     L'Alberta et les intervenants qui l'appuyaient ont soutenu que la seule façon pour le Parlement

de contrôler les armes à feu serait d'interdire carrément les armes à feu ordinaires. Avec égards,

cette proposition n'est étayée ni par la logique ni par la jurisprudence. Premièrement, la

jurisprudence établit que le Parlement peut utiliser des moyens indirects pour atteindre ses fins. Une

interdiction directe et totale n'est pas requise: Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)c) du

Code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123; et RJR-MacDonald, précité. Deuxièmement, les

exemptions n'empêchent pas une loi d'être prohibitive et, par conséquent, de nature pénale: R. c.

Furtney, [1991] 3 R.C.S. 89, Morgentaler c. La Reine, [1976] 1 R.C.S. 616, et Lord's Day

Alliance of Canada c. Attorney General of British Columbia, [1959] R.C.S. 497.

Troisièmement, comme on le dit plus haut, l'interdiction en l'espèce ne vise pas simplement à

imposer le paiement de frais ou un régime de réglementation n'ayant rien à voir avec la sécurité, qui

est l'objet essentiel de la loi: par contraste voir R. c. Boggs, [1981] 1 R.C.S. 49. Enfin, si

l'interdiction n'est pas requise pour rendre constitutionnel le contrôle des armes de poing, et

personne ne prétend le contraire, pourquoi devrait-elle l'être pour les armes à feu ordinaires?

 

40     Invoquant un argument connexe, certains intervenants provinciaux ont soutenu que si l'objet

de la loi était de réduire l'usage abusif, la loi devrait alors porter directement sur l'usage abusif.

Selon cette opinion, le Parlement pourrait interdire l'usage négligent ou l'usage abusif volontaire des

armes à feu, comme il l'a fait aux art. 85 à 87 du Code criminel, mais il ne pourrait pas interdire à

une personne de posséder une arme à feu si cette personne constituait un risque pour la sécurité

publique, ni réglementer la manière d'entreposer les armes à feu. Là encore, la réponse réside dans

le fait que le Parlement peut utiliser des moyens indirects pour favoriser l'objet de sécurité publique.

Les risques liés aux armes à feu ordinaires ne se limitent pas à la conduite volontaire ou négligente

qui pourrait être dissuadée par l'interdiction de l'usage abusif. Le Procureur général du Canada a

prétendu, par exemple, que le taux de suicide augmente avec l'accès aux armes à feu. On a soutenu

qu'une personne envisageant le suicide peut être plus susceptible de passer aux actes si une arme à

feu est disponible; le Parlement a donc le droit d'empêcher les personnes à risques, en raison d'une

maladie mentale par exemple, de posséder une arme à feu. L'interdiction de l'usage abusif ne

préviendra vraisemblablement pas un suicide potentiel; l'interdiction de posséder une arme à feu

peut le faire. Il n'est pas difficile d'imaginer d'autres exemples où l'interdiction de l'usage abusif est

insuffisante. L'interdiction de l'usage abusif n'empêchera vraisemblablement pas la mort d'un enfant

qui joue avec une arme à feu; une interdiction visant les propriétaires irresponsables ou

l'entreposage négligent peut le faire. Là encore, la limitation de l'accès peut avoir plus d'effets sur

l'usage d'armes à feu par des voleurs qu'une loi leur en interdisant l'usage. La question en litige n'est

pas de savoir si la loi de 1995 sur le contrôle des armes à feu atteint vraiment ces fins mais si, en

ciblant ces dangers, le Parlement a outrepassé sa compétence en matière de droit criminel. Nous

sommes d'avis que non.

 

     (2)  Propriété et droits civils ou droit criminel?

 

41     La deuxième objection principale de l'Alberta à ce que le régime de 1995 sur le contrôle des

armes à feu soit classé dans le droit criminel est qu'on ne peut le différencier de régimes provinciaux

actuels de réglementation des biens, comme l'enregistrement des automobiles et des droits

immobiliers.

 

42     Cet argument ne tient pas compte du fait que les restrictions fédérales sur les armes à feu et la

réglementation provinciale d'autres types de biens visent des fins différentes. Les armes à feu sont

l'objet de restrictions parce qu'elles sont dangereuses. Bien que les automobiles soient également

dangereuses, les législatures provinciales réglementent la possession et l'utilisation des automobiles

non pas en tant que produits dangereux, mais en tant qu'objets de propriété et en tant qu'exercice

de droits civils en vertu de la compétence que leur confère le par. 92(13): Canadian Indemnity

Co. c. Procureur général de la Colombie-Britannique, [1977] 2 R.C.S. 504; Reference re:

Vehicles Act (Sask.), art. 92(4), [1958] R.C.S. 608; Provincial Secretary of Prince Edward

Island c. Egan, [1941] R.C.S. 396.

 

43     L'argument que le régime fédéral de contrôle des armes à feu ne diffère pas de la

réglementation provinciale des véhicules automobiles ne tient pas compte du fait qu'il y a des

différences importantes entre le rôle des armes à feu et celui des automobiles dans la société

canadienne. Tant les armes à feu que les automobiles peuvent être utilisées à des fins socialement

acceptables. De même, les unes et les autres peuvent causer des blessures et la mort. Leurs

principaux usages sont néanmoins fondamentalement différents. Les automobiles sont

principalement des moyens de transport. Les dangers pour le public sont généralement

involontaires et accessoires à leur usage. Les armes à feu, par contre, constituent un risque

immédiat pour la sécurité dans plusieurs usages, voire tous les usages qui en sont faits. Les armes à

feu sont souvent utilisées dans les crimes de violence, et notamment de violence familiale; les

automobiles ne le sont pas. Le Parlement considère donc les armes à feu comme particulièrement

dangereuses et a cherché à lutter contre ce danger en étendant le régime de permis et

d'enregistrement à toutes les catégories d'armes à feu. Le Parlement n'a pas adopté la Loi sur les

armes à feu pour les réglementer en tant qu'objets de propriété. La Loi ne traite pas d'assurance

ou d'endroits où l'usage est permis. Par contre, elle traite des aspects du contrôle des armes à feu

qui ont trait à leur nature dangereuse et à la nécessité d'en réduire l'usage abusif.

 

44     Toujours sur le thème de la propriété et des droits civils, les opposants à la loi de 1995 sur le

contrôle des armes à feu prétendent que les armes à feu ordinaires, comme les carabines et les

fusils de chasse, sont des biens ordinaires et non pas des biens dangereux. Selon eux, les armes à

feu ordinaires sont différentes des armes automatiques et des armes de poing, que le Parlement

réglementait déjà. Les armes à feu ordinaires servent principalement aux fins légitimes de la chasse,

du piégeage et de l'élevage. Par opposition, les armes automatiques et les armes de poing ont peu

d'usages autres que le crime et la guerre. On soutient que le fait que le Parlement ait le droit, en

vertu de sa compétence en matière criminelle, de contrôler les armes automatiques et les armes de

poing ne signifie pas qu'il a le droit de réglementer les armes à feu ordinaires.

 

45     La faiblesse de cet argument tient à ce que même si les armes à feu ordinaires sont souvent

utilisées à des fins licites, elles le sont également pour le crime et le suicide, et elles causent des

morts et des blessures accidentelles. On ne peut pas diviser clairement les armes à feu en deux

catégories -- celles qui sont dangereuses et celles qui ne le sont pas. Toutes les armes à feu sont

susceptibles d'utilisation criminelle. Elles sont toutes susceptibles de tuer et de mutiler. Toutes les

armes à feu sont donc une menace pour la sécurité publique. À ce titre, leur contrôle relève de la

compétence en matière criminelle.

 

46     Dans une autre variante de cet argument, les provinces de l'Ontario et de la Saskatchewan

ont soutenu que même si les dispositions de la loi relatives aux permis étaient des dispositions

valides de droit criminel, les dispositions relatives à l'enregistrement relevaient essentiellement de la

compétence provinciale en matière de propriété et devraient être retranchées et annulées.

L'argument est que les dispositions de la Loi relatives à l'enregistrement sont une simple

réglementation ayant un lien ténu avec les fins de sécurité publique invoquées par le gouvernement

fédéral pour justifier l'ensemble de la Loi. Le juge Conrad était d'accord avec cet argument, et a

conclu que, même si la Loi [TRADUCTION] “lie habilement” dans un “emballage astucieux” les

dispositions relatives aux permis et les dispositions relatives à l'enregistrement, les dispositions

relatives à l'enregistrement pouvaient être retranchées de la loi sur le contrôle des armes à feu. La

preuve en était, selon elle, que le régime antérieur de certificats d'acquisition, qui régissait les armes

prohibées et les armes à autorisation restreinte, s'appliquait aux armes à feu ordinaires sans être lié

à un système d'enregistrement.

 

47     Nous ne sommes pas convaincus que les dispositions relatives à l'enregistrement peuvent être

retranchées de la Loi, ni qu'elles ne servent pas l'objet de sécurité publique poursuivi par le

Parlement. Les dispositions relatives aux permis obligent quiconque possède une arme à feu à

obtenir un permis. Les dispositions relatives à l'enregistrement exigent l'enregistrement de toutes les

armes à feu. La combinaison des deux parties du régime vise à assurer que, lorsqu'une arme à feu

change de propriétaire, le nouveau propriétaire ait un permis. Sans système d'enregistrement, cela

serait impossible à vérifier. Si une arme à feu est trouvée en la possession d'une personne sans

permis, le système d'enregistrement permet au gouvernement d'en déterminer la provenance. Avec

un régime d'enregistrement en place, les propriétaires détenant un permis peuvent être tenus

responsables de la cession de leurs armes. Le système d'enregistrement vise aussi, comme

l'ensemble de la loi, à réduire l'usage abusif. Lorsqu'une personne est déclarée coupable d'un crime

de violence ou qu'il lui est interdit de posséder une arme, le régime d'enregistrement est censé aider

la police à déterminer si le contrevenant possède en fait une arme à feu et à la confisquer. Le

régime d'enregistrement vise également à réduire la contrebande et le commerce illégal des armes à

feu. Ces liens multiples démontrent que les dispositions de la Loi sur les armes à feu relatives à

l'enregistrement et aux permis sont tous deux étroitement liées au but visé par le Parlement, soit la

promotion de la sécurité par la réduction de l'usage abusif de toutes les armes à feu. Ces deux

catégories de dispositions sont partie intégrante et nécessaire du régime. Le fait que le régime

antérieur de certificats d'acquisition n'était pas assorti d'un système d'enregistrement n'empêche pas

le gouvernement d'améliorer le système. De plus, avant l'adoption de la Loi, le gouvernement

fédéral avait un système d'enregistrement pour les armes de poing. Il cherche maintenant à l'étendre

à toutes les armes à feu. Contrairement à ce qu'a indiqué le juge Conrad, aucune fin inappropriée

n'a été démontrée relativement à l'inclusion de l'enregistrement dans le régime.

 

     (3)  Un empiétement indu sur les pouvoirs des provinces?

 

48     Dans un argument connexe, l'Alberta et les intervenants provinciaux soutiennent que la loi

empiète indûment sur les pouvoirs des provinces et que la confirmation qu'elle relève du droit

criminel rompra l'équilibre du fédéralisme. À l'appui de son argument, l'Alberta cite l'ouvrage de

David M. Beatty, qui propose d'appliquer aux questions de compétences législatives les

considérations de rationalité et de proportionnalité issues des arrêts portant sur l'article premier de

la Charte: Constitutional Law in Theory and Practice (1995). Il est loin d'être évident qu'il

serait utile d'appliquer la technique de pondération des avantages et des inconvénients utilisée dans

la jurisprudence relative à l'article premier à cet exercice très différent qu'est la définition de la

portée des chefs de compétence établis par les art. 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Ceci dit, il est toutefois incontestable que l'équilibre approprié doit être maintenu entre les chefs de

compétence fédéraux et provinciaux. L'existence même d'un État fédéral dépend de la présence

d'un équilibre juste et fonctionnel entre le gouvernement central et les gouvernements provinciaux,

comme notre Cour l'a affirmé dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S.

217; voir également General Motors of Canada c. City National Leasing, précité. Les

tribunaux, très conscients de la nécessité de préserver cet équilibre, n'ont pas hésité à annuler des

dispositions législatives non conformes aux exigences du droit criminel: Boggs et Renvoi sur la

margarine, précités. La question n'est pas de savoir si cet équilibre est nécessaire, mais si la loi de

1995 sur le contrôle des armes à feu rompt l'équilibre.

 

49     L'argument que la loi de 1995 sur le contrôle des armes à feu rompt l'équilibre de la

Confédération peut être considéré comme un argument selon lequel le caractère véritable de la loi,

vu ses effets, n'a pas trait à la sécurité publique et donc à la compétence fédérale en matière

criminelle, mais relève plutôt de la compétence provinciale sur la propriété et les droits civils. En

termes simples, la question est de savoir si la loi est principalement relative au droit criminel. Si elle

l'est, ses effets secondaires touchant des domaines de compétence provinciale ne sont pas

pertinents sur le plan constitutionnel: voir p. ex., Consortium Developments (Clearwater) Ltd. c.

Sarnia (Ville), [1998] 3 R.C.S. 3; et Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85. En

revanche, si les effets de la loi, compte tenu de son objet, sont suffisants pour établir qu'elle vise

principalement la propriété et les droits civils, elle excède la compétence du gouvernement fédéral.

En résumé, la question est de savoir si les effets “provinciaux” sont secondaires, auquel cas ils ne

sont pas pertinents du point de vue constitutionnel, ou s'ils sont tellement importants qu'ils indiquent

bien que la loi est principalement, ou de par son “caractère véritable”, une réglementation de la

propriété et des droits civils.

 

50     Nous estimons que l'Alberta et les provinces n'ont pas démontré que les effets de la loi sur

les matières provinciales étaient plus que secondaires. Premièrement, le simple fait que les armes à

feu sont des biens ne suffit pas pour démontrer que, de par son caractère véritable, une loi sur le

contrôle des armes à feu relève d'une matière provinciale. L'exercice de la compétence en matière

criminelle touche souvent, et à divers degrés, la propriété et les droits civils: Attorney-General for

British Columbia c. Attorney-General for Canada, précité. De tels effets sont presque

inévitables, puisque de nombreux aspects du droit criminel ont trait aux biens et à leur propriété. Le

fait que ces effets sont habituels n'atténue pas la nécessité de les examiner. Cela indique toutefois

que nous ne pouvons pas tracer une ligne bien définie entre le droit criminel et la propriété et les

droits civils. Les aliments, les drogues et le matériel pornographique sont tous des objets de

propriété et sont tous légitimement des objets du droit criminel. Pour déterminer la qualification de

la Loi, nous devons donc aller au-delà de la proposition simpliste que les armes à feu sont des

biens et que, par conséquent, toute réglementation fédérale des armes à feu est inconstitutionnelle à

première vue.

 

51     Deuxièmement, la Loi ne nuit pas de façon importante à la capacité des provinces de

réglementer la propriété et les droits civils relativement aux armes à feu. La plupart des provinces

réglementent déjà la chasse, le tir dans les municipalités ainsi que d'autres aspects de l'usage des

armes à feu, et ces activités sont légitimement l'objet de réglementation provinciale: R. c. Chiasson

(1982), 66 C.C.C. (2d) 195 (C.A.N.-B.), conf. par [1984] 1 R.C.S. 266. La Loi n'a aucun effet

sur ces dispositions.

 

52     Troisièmement, l'effet le plus important de cette loi, en matière de compétence, est

l'élimination de la possibilité pour les provinces de ne pas réglementer la propriété des armes à feu

ordinaires. Les provinces prétendent qu'elles ont le droit de choisir d'adopter ou non une loi de

cette nature. En envahissant ce champ, le gouvernement fédéral a privé les provinces de ce choix.

À supposer (sans le décider) que les législatures provinciales aient le pouvoir d'adopter une loi sur

les aspects relatifs à la propriété des armes à feu ordinaires, cela n'empêche pas le Parlement d'en

réglementer les aspects relatifs à la sécurité. La théorie du double aspect permet aux deux ordres

de gouvernement de légiférer dans un même domaine de compétence à des fins différentes: Egan,

précité.

 

53     Quatrièmement, comme nous le disons plus haut, cette loi n'entraîne pas le gouvernement

fédéral dans un nouveau domaine. Le contrôle des armes à feu fait l'objet du droit fédéral depuis la

Confédération. Cette loi ne permet pas au gouvernement fédéral d'étendre ses pouvoirs de façon

importante au détriment des provinces. Il n'y a aucun empiétement déguisé dans les domaines

provinciaux, ni dans le sens que le Parlement a agi pour un motif inapproprié ni dans le sens qu'il

s'approprie des pouvoirs provinciaux sous le couvert du droit criminel. Nous sommes sensibles à la

crainte des gouvernements provinciaux qu'on donne à la compétence fédérale en matière criminelle

une portée si grande qu'elle porterait atteinte à l'équilibre constitutionnel des pouvoirs, mais nous ne

pensons pas que cette loi comporte ce risque.

 

     (4)  Un contenu moral est-il requis?

 

54     Un autre argument dit que la propriété des armes à feu ne relève pas du droit criminel parce

qu'il n'est pas immoral de posséder une arme à feu ordinaire. Cet argument a deux failles. La

première est que, même si la propriété d'une arme à feu ordinaire n'est pas considérée immorale en

soi par la plupart des Canadiens, les problèmes découlant de l'usage abusif des armes à feu sont

étroitement liés à la moralité. Les armes à feu peuvent servir à tuer et à faciliter la perpétration

d'autres actes immoraux, comme le vol et le terrorisme. La prévention d'un tel usage abusif peut

être interprété comme une tentative d'enrayer des actes immoraux. De ce point de vue, le contrôle

des armes à feu vise donc un mal moral.

 

55     La deuxième faille est que le droit criminel ne se limite pas à interdire les actes immoraux: voir

Proprietary Articles Trade Association v. Attorney-General for Canada, [1931] A.C. 310

(C.P.). Bien que la plupart des activités criminelles soient également considérées comme

immorales, le Parlement peut utiliser le droit criminel pour interdire des activités peu liées à la

moralité publique. Par exemple, le droit criminel a été utilisé pour interdire certaines restrictions à la

libre concurrence: voir Attorney-General for British Columbia c. Attorney-General for

Canada, précité. Par conséquent, même si le contrôle des armes à feu ne comportait pas d'aspect

moral, il pourrait néanmoins relever de la compétence fédérale en matière de droit criminel.

 

     (5) Autres préoccupations

 

56     Nous sommes conscients des préoccupations des Canadiens des régions nordiques et rurales

et de celles des Canadiens autochtones qui craignent que cette loi ne tienne pas compte de leurs

besoins particuliers. Ils prétendent que cette loi est discriminatoire à leur endroit et qu'elle porte

atteinte aux droits issus de traités, et ils s'inquiètent des possibilités d'accès à un régime qui pourrait

être administré d'un endroit très lointain. Ces appréhensions sont sincères, mais elles ne concernent

pas la question dont nous sommes saisis -- la compétence du Parlement pour adopter cette loi. La

question de savoir si une loi aurait pu être mieux conçue ou si le gouvernement fédéral aurait dû

consulter davantage avant de l'adopter n'est pas pertinente dans l'analyse du partage des pouvoirs

effectuée par notre Cour. Si la loi contrevient à un traité ou à une disposition de la Charte, ceux qui

sont touchés peuvent s'adresser au Parlement ou aux tribunaux dans une affaire distincte. Les

questions du renvoi et, par conséquent, la présente décision, se limitent à la question du partage des

pouvoirs.

 

57     Nous sommes également conscients des préoccupations de ceux qui s'opposent à la Loi

parce qu'elle peut se révéler inefficace ou trop coûteuse. L'Alberta a fait valoir que les criminels ne

feraient pas enregistrer leurs armes. On prétend que le seul effet réel de la loi est d'imposer de la

paperasserie à des agriculteurs et des chasseurs respectueux de la loi. Ces préoccupations ont été

dûment soumises au Parlement et examinées par lui; elles ne peuvent avoir aucune incidence sur la

décision de notre Cour. L'efficacité ou le manque d'efficacité d'une loi n'est pas pertinent pour

déterminer si le Parlement a le pouvoir de l'adopter en vertu de l'analyse relative au partage des

pouvoirs. En outre, le gouvernement fédéral souligne que les criminels professionnels ne sont pas

les seuls à pouvoir faire un usage abusif des armes à feu. La violence familiale est souvent le fait de

personnes qui n'ont pas d'antécédents judiciaires. Des crimes sont commis par des personnes qui

n'ont jamais commis d'infraction auparavant. Enfin, des accidents, des suicides et des vols d'armes

à feu se produisent chez des personnes respectueuses de la loi. En imposant à tous l'enregistrement

des armes à feu, le Parlement cherche à réduire leur usage abusif par quiconque de même que la

capacité des criminels d'acquérir des armes à feu. Le système d'enregistrement cherche à faciliter la

localisation des armes à feu acquises et utilisées par des criminels. Le coût du programme, une

autre critique dirigée contre la loi, est également sans pertinence dans notre analyse

constitutionnelle.

 

     VI.  Conclusion

 

58     Nous concluons que les dispositions contestées de la Loi sur les armes à feu prévoient des

interdictions et des sanctions à l'appui d'un objet valide de droit criminel. Cette loi se rapporte au

droit criminel et, conformément au par. 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867, relève de la

compétence du Parlement. Cette loi n'est pas de nature réglementaire et elle ne pousse pas le

gouvernement fédéral si loin dans le domaine réservé aux provinces que l'équilibre du fédéralisme

en est rompu ou qu'il y a empiétement indu sur les domaines de compétence des provinces.

 

59     Étant donné que nous avons conclu que la loi constituait un exercice valide de la compétence

du Parlement en matière de droit criminel, il est inutile de déterminer si la loi peut également être

justifiée en tant qu'exercice de sa compétence relativement à la paix, l'ordre et le bon

gouvernement.

 

60     Nous sommes d'avis de rejeter le pourvoi. Les dispositions de la Loi sur les armes à feu

relatives aux permis et à l'enregistrement ne constituent pas une atteinte à la compétence de la

législature de l'Alberta en matière de propriété et de droits civils qui est conférée par le par. 92(13)

de la Loi constitutionnelle de 1867. L'adoption de la Loi est un exercice valide de la compétence

du Parlement en matière de droit criminel qui est conférée par le par. 91(27).

 

61     Les réponses aux questions du renvoi sont les suivantes:

Question 2:

(1) Non.

(2) Non.

Question 3:

(1) Non.

(2) Non.

Appendice A -- Les questions du renvoi

 

     Le renvoi a été soumis par Sa Majesté la Reine du chef de l'Alberta le 26 septembre 1996 au

moyen du décret 461/96. Le lieutenant gouverneur en conseil a déféré quatre questions précises à

la Cour (sous les numéros 2 et 3):

 

     (1)  Les définitions qui suivent s'appliquent aux présentes questions:

 

     a)  “Loi sur les armes à feu” s'entend de la Loi sur les armes à feu, chapitre 39 des Lois du

Canada, 1995;

 

     b)  “arme à feu ordinaire” s'entend de l'“arme à feu” définie à l'art. 2 du Code criminel du

Canada, modifié par l'art. 138 de la Loi sur les armes à feu, à l'exclusion de l'“arme à feu

prohibée” et de l'“arme à feu à autorisation restreinte”, définies à l'art. 84 du Code criminel du

Canada édicté par l'art. 139 de la Loi sur les armes à feu;

 

     c)  “dispositions relatives à la délivrance des permis” s'entendent des parties de la Loi sur les

armes à feu relatives au régime de délivrance des permis obligatoires qui est applicable aux

propriétaires ou aux possesseurs d'armes à feu ordinaires ou à ceux qui veulent le devenir, et

notamment, des art. 5 à 10, 54, 55, 56, 58, 61, 64, 67, 68 et 70, ainsi que des dispositions

d'application connexes du Code criminel du Canada édictées par l'art. 139 de la Loi sur les

armes à feu;

 

     d)  “dispositions relatives à l'enregistrement” s'entendent des parties de la Loi sur les armes à

feu relatives au régime d'enregistrement obligatoire des armes à feu ordinaires, et notamment, des

art. 13 à 16, 54, 60, 61, 66, 69, 71, 82 à 94, 112 et 115, ainsi que des dispositions d'application

connexes du Code criminel du Canada édictées par l'art. 139 de la Loi sur les armes à feu;

 

     2(1)  Dans la mesure où elles se rapportent aux armes à feu ordinaires, les dispositions relatives

à la délivrance de permis empiètent-elles sur la compétence en matière de propriété et de droits

civils que le par. 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867 confère à la législature de l'Alberta?

 

     2(2)  Si la réponse donnée à la question posée au paragraphe (1) est affirmative, les dispositions

relatives à la délivrance des permis excèdent-elles la compétence du Parlement du Canada dans la

mesure où elles réglementent la possession ou la propriété des armes à feu ordinaires?

 

     3(1)  Les dispositions relatives à l'enregistrement applicables aux armes à feu ordinaires

empiètent-elles sur la compétence en matière de propriété et de droits civils que le par. 92(13) de

la Loi constitutionnelle de 1867 confère à la législature de l'Alberta?

 

     3(2)  Si la réponse donnée à la question posée au paragraphe (1) est affirmative, les dispositions

relatives à l'enregistrement excèdent-elles la compétence du Parlement du Canada dans la mesure

où elles exigent l'enregistrement des armes à feu ordinaires?

 

     Appendice B -- Les dispositions législatives

 

     5.(1)  Le permis ne peut être délivré lorsqu'il est souhaitable, pour sa sécurité ou celle d'autrui,

que le demandeur n'ait pas en sa possession une arme à feu, une arbalète, une arme prohibée, une

arme à autorisation restreinte, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées.

 

     (2)  Pour l'application du paragraphe (1), le contrôleur des armes à feu ou, dans le cas d'un

renvoi prévu à l'article 74, le juge de la cour provinciale tient compte, pour les cinq ans précédant

la date de la demande, des éléments suivants:

 

     a)  le demandeur a été déclaré coupable ou absous en application de l'article 736 du Code

criminel d'une des infractions suivantes:

 

     (i)  une infraction commise avec usage, tentative ou menace de violence contre autrui,

 

     (ii)  une infraction à la présente loi ou à la partie III du Code criminel,

 

     (iii)  une infraction à l'article 264 du Code criminel (harcèlement criminel),

 

     (iv)  une infraction aux paragraphes 39(1) ou (2) ou 48(1) ou (2) de la Loi sur les aliments et

drogues ou aux paragraphes 4(1) ou (2) ou 5(1) de la Loi sur les stupéfiants;

 

     b)  qu'il ait été interné ou non, il a été traité, notamment dans un hôpital, un institut pour malades

mentaux ou une clinique psychiatrique, pour une maladie mentale caractérisée par la menace, la

tentative ou l'usage de violence contre lui-même ou autrui;

 

     c)  l'historique de son comportement atteste la menace, la tentative ou l'usage de violence contre

lui-même ou autrui.

 

     (3)  Par dérogation au paragraphe (2), pour l'application du paragraphe (1) au non-résident âgé

d'au moins dix-huit ans ayant déposé -- ou fait déposer -- une demande de permis de possession,

pour une période de soixante jours, d'une arme à feu qui n'est pas une arme à feu prohibée ni une

arme à feu à autorisation restreinte, le contrôleur des armes à feu ou, dans le cas d'un renvoi prévu

à l'article 74, le juge de la cour provinciale peut tenir compte des critères prévus au paragraphe (2),

sans toutefois y être obligé.

 

     6.(1)  Le permis ne peut être délivré lorsqu'une ordonnance d'interdiction interdit au demandeur

la possession d'une arme à feu, d'une arbalète, d'une arme prohibée, d'une arme à autorisation

restreinte, d'un dispositif prohibé ou de munitions prohibées.

 

     (2)  Le paragraphe (1) s'applique compte tenu des ordonnances rendues sous le régime de

l'article 113 du Code criminel (levée de l'interdiction).

 

     7.(1)  La délivrance d'un permis à un particulier est subordonnée à la réussite d'un des cours ou

examens suivants:

 

     a)  le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu, contrôlé par l'examen y

afférent, dont est chargé un instructeur désigné par le contrôleur des armes à feu;

 

     b)  sauf dans le cas d'un particulier âgé de moins de dix-huit ans, l'examen de contrôle de ce

cours que lui fait passer un instructeur désigné par le contrôleur des armes à feu;

 

     c)  avant le 1er janvier 1995, un cours agréé -- au cours de la période commençant le

1er janvier 1993 et se terminant le 31 décembre 1994 -- par le procureur général de la province

où il a eu lieu pour l'application de l'article 106 de la loi antérieure;

 

     d)  avant le 1er janvier 1995, un examen agréé -- au cours de la période commençant le

1er janvier 1993 et se terminant le 31 décembre 1994 -- par le procureur général de la province

où il a eu lieu pour l'application de l'article 106 de la loi antérieure.

 

     (2)  La délivrance d'un permis de possession d'une arme à feu à autorisation restreinte à un

particulier est subordonnée à la réussite:

 

     a)  soit d'un cours sur la sécurité des armes à feu à autorisation restreinte, agréé par le ministre

fédéral et contrôlé par un examen, dont est chargé un instructeur désigné par le contrôleur des

armes à feu;

 

     b)  soit d'un examen sur la sécurité des armes à feu à autorisation restreinte, agréé par le

ministre fédéral, que lui fait passer un instructeur désigné par le contrôleur des armes à feu.

 

     (3)  Le particulier qui est sous le coup d'une ordonnance d'interdiction peut devenir titulaire:

 

     a)  d'un permis, s'il réussit, après l'expiration de celle-ci:

 

     (i)  le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu donné par un instructeur

désigné par le contrôleur des armes à feu,

 

     (ii)  les examens de contrôle de ce cours que lui fait passer un instructeur désigné par le

contrôleur des armes à feu;

 

     b)  d'un permis de possession d'une arme à feu à autorisation restreinte, s'il réussit, après

l'expiration de celle-ci:

 

     (i)  un cours sur la sécurité des armes à feu à autorisation restreinte, agréé par le ministre

fédéral, donné par un instructeur désigné par le contrôleur des armes à feu,

 

     (ii)  tout examen de contrôle de ce cours que lui fait passer un instructeur désigné par le

contrôleur des armes à feu.

 

     (4)  Les paragraphes (1) et (2) ne s'appliquent pas, selon le cas, au particulier:

 

     a)  dont la compétence en matière de législation sur les armes à feu et de règles de sécurité

relatives à leur maniement et à leur usage a été certifiée conforme aux exigences réglementaires par

le contrôleur des armes à feu dans les cas prévus par règlement;

 

     b)  qui, âgé de moins de dix-huit ans, a besoin d'une arme à feu pour chasser, notamment à la

trappe, afin de subvenir à ses besoins ou à ceux de sa famille;

 

     c)  qui, à la date de référence, possédait une ou plusieurs armes à feu et n'a pas besoin d'un

permis pour acquérir d'autres armes à feu;

 

     d)  qui n'a besoin d'un permis que pour acquérir une arbalète;

 

     e)  qui est un non-résident âgé d'au moins dix-huit ans qui a déposé -- ou fait déposer -- une

demande de permis l'autorisant à posséder, pour une période de soixante jours, une arme à feu qui

n'est pas une arme à feu prohibée ni une arme à feu à autorisation restreinte.

 

     (5)  Le paragraphe (3) ne s'applique pas au particulier qui est sous le coup d'une ordonnance

rendue sous le régime de l'article 113 du Code criminel (levée de l'interdiction) et qui est exempté

de l'application de ce paragraphe par le contrôleur des armes à feu.

 

     8. (1)  Le permis ne peut être délivré au particulier âgé de moins de dix-huit ans qui répond par

ailleurs aux critères d'admissibilité que dans les cas prévus au présent article.

 

     (2)  Le permis peut lui être délivré, quand la chasse, notamment la trappe, constitue son mode

de vie, s'il a besoin de chasser ainsi pour subvenir à ses besoins ou à ceux de sa famille.

 

     (3)  Peut lui être également délivré, s'il a au moins douze ans, le permis de possession d'une

arme à feu, conformément aux conditions précisées, pour se livrer au tir à la cible ou à la chasse,

pour s'entraîner au maniement des armes à feu ou pour participer à une compétition de tir

organisée.

 

     (4)  Ne peut lui être délivré en aucun cas un permis l'autorisant soit à posséder une arme à feu

prohibée ou une arme à feu à autorisation restreinte, soit à acquérir une arbalète ou des armes à

feu.

 

     (5)  Dans tous les cas, le permis ne peut lui être délivré qu'avec le consentement -- exprimé par

écrit ou de toute autre manière que le contrôleur des armes à feu juge satisfaisante -- de ses père

ou mère ou de la personne qui en a la garde.

 

     9. (1)  Pour qu'un permis autorisant une activité en particulier puisse être délivré à une

entreprise, il faut que toutes les personnes liées à l'entreprise de manière réglementaire répondent

aux critères d'admissibilité prévus par les articles 5 et 6 relativement à l'activité ou à l'acquisition

d'armes à feu à autorisation restreinte.

 

     (2)  Le permis peut être délivré à l'entreprise qui n'est pas un transporteur lorsque le contrôleur

des armes à feu décide qu'il n'est pas nécessaire pour les particuliers liés à l'entreprise de manière

réglementaire, ou pour ceux de ces particuliers qu'il désigne, de répondre aux exigences prévues à

l'article 7.

 

     (3)  Pour qu'un permis autorisant une activité en particulier puisse être délivré à une entreprise --

qui n'est pas un transporteur -- il faut que chaque employé de cette entreprise qui manie ou est

susceptible de manier des armes à feu, des armes prohibées, des armes à autorisation restreinte,

des dispositifs prohibés ou des munitions prohibées dans le cadre de ses fonctions soit titulaire d'un

permis l'autorisant à acquérir des armes à feu à autorisation restreinte.

 

     (4)  Pour l'application du paragraphe (3), “arme à feu” exclut une arme partiellement fabriquée

pourvue d'un canon qui, dans son état incomplet, n'est pas une arme pourvue d'un canon

susceptible de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile et n'est pas capable d'infliger des

lésions corporelles graves ou la mort à une personne.

 

     (5)  Le paragraphe (1) ne s'applique pas aux personnes liées à une entreprise de manière

réglementaire lorsque le contrôleur des armes à feu décide qu'en tout état de cause l'entreprise peut

être titulaire du permis même si l'une d'entre elles ne peut l'être.

 

     (6)  Le paragraphe (3) ne s'applique pas aux employés d'un musée dans chacun des cas

suivants:

 

     a)  ils manient ou sont susceptibles de manier, dans le cadre de leurs fonctions, seulement des

armes à feu conçues de façon à avoir l'apparence exacte d'une arme à feu historique -- ou à la

reproduire le plus fidèlement possible -- ou auxquelles on a voulu donner cette apparence et ont

reçu la formation pour le maniement et l'usage de telles armes;

 

     b)  ils sont nominalement désignés par le ministre provincial.

 

     10.  Les articles 5, 6 et 9 s'appliquent aux transporteurs se livrant à des activités, notamment de

transport d'armes à feu, d'armes prohibées, d'armes à autorisation restreinte, de dispositifs prohibés

ou de munitions prohibées reliant une province et une ou plusieurs autres provinces, ou débordant

les limites d'une province, et, à cette fin, la mention du contrôleur des armes à feu vaut mention du

directeur.

 

     13.  Le certificat d'enregistrement d'une arme à feu ne peut être délivré qu'au titulaire du permis

autorisant la possession d'une telle arme à feu.

 

     14.  Le certificat d'enregistrement ne peut être délivré que pour une arme à feu qui:

 

     a)  soit porte un numéro de série qui permet de la distinguer des autres armes à feu;

 

     b)  soit encore est décrite de manière réglementaire.

 

     15.  Il n'est pas délivré de certificat d'enregistrement pour les armes à feu qui appartiennent à Sa

Majesté du chef du Canada ou d'une province ou aux forces policières.

 

     16. (1)  Le certificat d'enregistrement ne peut être délivré qu'à une seule personne.

 

     (2)  Le paragraphe (1) ne s'applique pas à l'arme à feu pour laquelle le certificat

d'enregistrement visé à l'article 127 a été délivré à plus d'une personne.

 

     54. (1)  La délivrance des permis, des autorisations et des certificats d'enregistrement est

subordonnée au dépôt d'une demande en la forme et avec les renseignements réglementaires et à

l'acquittement des droits réglementaires.

 

     (2)  La demande est adressée:

 

     a)  au contrôleur des armes à feu, dans le cas des permis et des autorisations de port et de

transport;

 

     b)  au directeur, dans le cas des certificats d'enregistrement et des autorisations d'exportation et

d'importation.

 

     (3)  Le particulier qui possède une ou plusieurs armes à feu à autorisation restreinte ou armes de

poing visées au paragraphe 12(6) (armes de poing: 14 février 1995) à la date de référence est tenu

de préciser dans toute demande de permis correspondante:

 

     a)  sauf s'il s'agit d'une arme à feu visée à l'alinéa b), pour laquelle des fins, prévues à l'article

28, il désire continuer cette possession;

 

     b)  pour lesquelles de ces armes à feu a été délivré le certificat d'enregistrement prévu par la loi

antérieure parce qu'elles sont des antiquités ou avaient une valeur de curiosité, de rareté, de

commémoration ou de simple souvenir.

 

     55. (1)  Le contrôleur des armes à feu ou le directeur peut exiger du demandeur d'un permis ou

d'une autorisation tout renseignement supplémentaire normalement utile pour lui permettre de

déterminer si celui-ci répond aux critères d'admissibilité au permis ou à l'autorisation.

 

     (2) Sans que le présent paragraphe ait pour effet de restreindre le champ des vérifications

pouvant être menées sur une demande de permis, le contrôleur des armes à feu peut procéder à

une enquête pour déterminer si le demandeur peut être titulaire du permis prévu à l'article 5 et, à

cette fin, interroger des voisins de celui-ci, des travailleurs communautaires, des travailleurs sociaux,

toute personne qui travaille ou habite avec lui, son conjoint, un ex-conjoint, des membres de sa

famille ou toute personne qu'il juge susceptible de lui communiquer des renseignements pertinents.

 

     56. (1)  Les permis sont délivrés par le contrôleur des armes à feu.

 

     (2)  Il ne peut être délivré qu'un seul permis à un particulier.

 

     (3)  Un permis est délivré pour chaque établissement où l'entreprise -- qui n'est pas un

transporteur -- exerce ses activités.

 

     58. (1)  Le contrôleur des armes à feu peut assortir les permis et les autorisations de port et de

transport des conditions qu'il estime souhaitables dans les circonstances et en vue de la sécurité de

leur titulaire ou d'autrui.

 

     (2)  Avant d'y procéder dans le cas d'un particulier âgé de moins de dix-huit ans qui n'est pas

admissible au permis prévu au paragraphe 8(2) (chasse de subsistance par les mineurs), il consulte

ses père ou mère ou la personne qui en a la garde.

 

     (3)  Avant de délivrer un permis au particulier visé au paragraphe (2), le contrôleur des armes à

feu veille à ce que le père ou la mère ou la personne qui en a la garde ait connaissance des

conditions dont est assorti le permis en exigeant leur signature sur celui-ci.

 

     60.  Le certificat d'enregistrement d'une arme à feu et le numéro d'enregistrement qui est attribué

à celle-ci, de même que les autorisations d'exportation et d'importation, sont délivrés par le

directeur.

 

     61. (1)  Les permis et les certificats d'enregistrement énoncent les conditions dont ils sont

assortis; ils sont délivrés en la forme et énoncent les autres renseignements réglementaires.

 

     (2)  Les autorisations de port, de transport, d'exportation ou d'importation peuvent être

délivrées en la forme réglementaire et énoncer les renseignements réglementaires, notamment les

conditions dont elles sont assorties.

 

     (3)  Les autorisations de port ou de transport peuvent aussi prendre la forme d'une condition

d'un permis.

 

     (4)  Les permis délivrés aux entreprises précisent toutes les activités particulières autorisées

touchant aux armes à feu -- notamment aux armes à feu prohibées et aux armes à feu à autorisation

restreinte -- aux arbalètes, aux armes prohibées, aux armes à autorisation restreinte, aux dispositifs

prohibés, aux munitions ou aux munitions prohibées.

 

     64. (1)  Les permis délivrés aux particuliers âgés d'au moins dix-huit ans sont valides pour la

période mentionnée, qui ne peut dépasser cinq ans après le premier anniversaire de naissance du

titulaire suivant la date de délivrance.

 

     (2)  Les permis délivrés aux particuliers âgés de moins de dix-huit ans sont valides pour la

période mentionnée, qui ne peut dépasser la date où le titulaire atteint l'âge de dix-huit ans.

 

     (3)  Les permis délivrés aux entreprises -- autres que les musées -- sont valides pour la période

mentionnée, qui ne peut dépasser un an.

 

     (4)  Les permis délivrés aux musées sont valides pour la période mentionnée, qui ne peut

dépasser trois ans suivant la date de délivrance.

 

     66.  Le certificat d'enregistrement d'une arme à feu est valide tant que le titulaire du certificat

demeure propriétaire de l'arme à feu ou que celle-ci demeure une arme à feu.

 

     67. (1)  Le contrôleur des armes à feu peut proroger les permis et les autorisations de port et de

transport selon les modalités et les circonstances de leur délivrance.

 

     (2)  En cas de prorogation du permis de possession par un particulier d'une arme à feu à

autorisation restreinte ou une arme de poing visée au paragraphe 12(6) (arme de poing:

14 février 1995), il détermine si celle-ci est utilisée conformément aux fins de l'acquisition prévues à

l'article 28 ou, si elle était en sa possession à la date de référence, aux fins -- conformes à celles

prévues à cet article -- précisées par le particulier dans la demande de permis.

 

     (3)  S'il détermine qu'une arme à feu à autorisation restreinte ou une arme de poing visée au

paragraphe 12(6) (arme de poing: 14 février 1995) en la possession d'un particulier n'est pas

utilisée aux fins indiquées, il notifie sa décision à celui-ci en la forme réglementaire et en informe le

directeur.

 

     (4)  Les paragraphes (2) et (3) ne s'appliquent pas à une arme à feu:

 

     a)  ayant une valeur de curiosité, de rareté, de commémoration ou de simple souvenir;

 

     b)  pour laquelle il est précisé dans la demande de permis que le certificat d'enregistrement

prévu par la loi antérieure a été délivré parce qu'elle avait une telle valeur;

 

     c)  pour laquelle a été délivré le certificat d'enregistrement prévu par la loi antérieure parce

qu'elle avait une telle valeur;

 

     d)  pour laquelle un particulier était titulaire, à la date de référence, d'un certificat

d'enregistrement délivré en application de la loi antérieure.

 

     (5) La notification prévue au paragraphe (3) comporte les motifs de la décision ainsi que le texte

des articles 74 à 81.