Comprendre la loi française sur les armes et ses décrets d’application

Tous les citoyens sont censés connaître les lois, mais certaines d’entre elles sont compliquées, en particulier quand un texte ancien a été modifié à plusieurs reprises pour l’adapter à l’évolution de la situation. C’est le cas de la législation française sur les armes. Le décret-loi est de 1939 et de multiples décrets d’application se sont succédés depuis 50 ans, le plus important d’entre eux est de 1995. Il a été à nouveau modifié en 1998 et cette dernière mise au point faisant référence au texte de 1995, elle est incompréhensible si elle n’est pas lue avec le texte de 95 sous les yeux. La première nécessité était de présenter un texte complet et à jour, c’est à dire de replacer les phrases du texte de 98 dans le décret de 1995. Cette tâche a été effectuée et les dispositions du décret de 98 ont été placées en italiques dans celui de 95 pour rendre compréhensibles les dernières modifications de la réglementation.

Le second problème des textes adaptés périodiquement sans qu’ils subissent une refonte complète de leurs bases est une tendance à ajouter des éléments supplémentaires sans effectuer les simplifications possibles qui les rendraient plus accessibles aux utilisateurs. A un moment de l’histoire d’une législation il faut savoir faire le ménage et repartir de la base pour reconstruire un texte lisible. Dans ce but il est nécessaire de résumer les principes actuellement retenus dans ces textes pour les analyser et éventuellement les remettre en question. Le document suivant tente d’analyser les principaux critères retenus par le législateur. Il se limite aux armes « courantes », c’est-à-dire armes de poing et fusils, laissant de côté les chars et les bombes atomiques traités dans le même décret.

Le vocabulaire

Il est dans l’ensemble compréhensible, les mots clés (définis dans l’article 1 du décret) sont les suivants :

- armes de poing, armes d’épaule,

- armes à un coup, à répétition (un mécanisme manuel prend la munition dans le magasin entre chaque coup), semi-automatique (ce mécanisme est automatique mais il faut appuyer sur la gâchette pour tirer chaque coup) , automatique (peut tirer plusieurs coups en rafale),

- armes d’alarme, armes de starter, armes de signalisation (elles tirent des fusées),

- balles perforantes, explosives, incendiaires, expansives.

Le classement

Il est déjà plus aride, la notion de catégorie étant fondée sur un double critère : la destination de l’arme et le régime qui lui est appliqué, l’objectif était bien entendu de définir les armes que seuls les militaires doivent détenir (les armes de guerre), puis à un niveau de dangerosité moindre les armes dites de défense qui imposent une autorisation, enfin les armes dont la possession pourrait être peu surveillée et qui seraient seulement soumises à une déclaration effectuée lors de l’achat. Nous allons voir qu’il est en pratique très difficile de définir ces catégories de façon simple ce qui a conduit les pouvoirs publics à créer de multiples subdivisions.

1ère catégorie : elle regroupe les armes dites « de guerre », celles qui nous intéressent sont les armes de poing semi-automatiques ou à répétition qui sont été classées dans cette catégorie par un décret (paragraphe 1) et les armes d’épaule qui sont destinées à la guerre (paragraphe 2).

4ème catégorie : armes dites de défense dont l’achat est soumis à autorisation. Nous abandonnons les catégories 2 et 3 qui vont des chars au masque à gaz en passant par la cryptologie (façon de traiter un message pour le rendre incompréhensible !) elles ne concernent pas les citoyens qui se demandent s’ils sont en règle avec la réglementation sur les armes.

5ème catégorie : armes de chasse, certaines sont soumises à déclaration, d’autres pas.

7ème catégorie : armes de tir, de foire ou de salon (nous laissons de côté la 6ème catégorie qui est celle des armes blanches).

8ème catégorie. armes historiques et de collection

 

 

La difficulté tient aux critères qui sont utilisés pour définir l’appartenance à l’une de ces catégories. Nous ne pouvons échapper à l’énumération de ces critères qui relèvent de principes de classification très variés :

Analyse des critères utilisés pour la classification des armes à feu (nous nous limitons aux armes d’épaule et aux armes de poing).

Une telle classification doit être nécessairement monohiérarchique (une arme doit se trouver à un endroit et un seul de la classification), mais cela n’empêche pas d’utiliser des critères appartenant à des domaines très différents. C’est la multiplicité de ces critères qui pose problème car ils peuvent se combiner entre eux, ce qui donne naissance à un très grand nombre de subdivisions possibles).

Nous pouvons identifier dans le décret de 1995 au moins 6 familles de critères que l’on peut subdiviser en 20 éléments comportant eux mêmes plusieurs possibilités. Toutes les combinaisons de ces critères ne sont pas possibles techniquement ou n’existent pas, mais le nombre de subdivisions créées par cette multiplication des critères est une source d’incompréhension de la réglementation.

Critères théoriques de nature décisionnelle :

- le régime de détention : interdites, soumises à autorisation, soumises à déclaration,

- la définition faite spécifiquement par un texte réglementaire (armes ou munitions classées par décret),

- la définition par un critère logique, habituellement un critère d’exclusion (sauf),

Critères fonctionnels (parfois également de nature décisionnelle) :

- la destination : armes de guerre, de défense, de chasse, d’alarme ou de signalisation, pistolet de starter

- le mode d’usage « anatomique » : armes d’épaule, armes de poing,

- le mode d’alimentation : automatique, semi-automatique, à répétition, armes tirant un seul coup,

Critères physiques qualitatifs ou numériques observables :

- le mode de percussion de la munition : annulaire ou central,

- le type de projectile tiré : grenaille, différents types de balles, projectile non métallique,

- le nombre de munitions qui peuvent être placés dans le magasin ou le chargeur,

- la notion de chargeur amovible,

- l’apparence : armes ayant l’apparence d’armes de guerre,

- le traitement éventuel de l’intérieur du canon : lisse, rayé,

- le nombre de canons,

Critères physiques analogiques mesurables :

- l’énergie mise en œuvre par la munition, (le plus souvent seuil d’énergie en joules),

- la longueur hors tout de l’arme,

- la longueur du canon (mesurée entre la chambre d’explosion et la bouche),

Critères techniques d’une autre nature que ceux des deux groupes précédents :

- la nature de l’énergie utilisée pour propulser la munition : air comprimé, poudre noire,

- l’aptitude d’une arme a être transformée,

- présence d’un dispositif de chargement à pompe,

Critère temporel :

- date de première production d’un modèle,

Il y a une interaction évidente entre le droit d’accès aux armes d’une population et la complexité de la réglementation et de ses critères de classification. Si la politique conduite est très restrictive ou à l’opposé très permissive, il est inutile de définir de très nombreuses catégories d’armes à feu. C’est la situation moyenne qui pose les problèmes techniques les plus délicats. Le souci d’encadrer sans interdire induit la prise en compte de multiples cas particuliers pour tenter d’atteindre un équilibre impossible entre la liberté d’accès et un contrôle précis.

Comment avoir une idée simple de la réglementation actuelle ?

La meilleure méthode est de considérer que les armes de guerre et de défense sont interdites en droit ou en pratique (les autorisations de possession d’armes de défense sont de plus en plus rarement accordées) et de limiter l’analyse aux armes autorisées en pratique.

Les armes de la 5ème catégorie, c’est à dire des armes de chasse, sont définies comme suit dans le décret de 1995 :

 

I. - Armes dont l'acquisition et la détention ne sont pas soumises à déclaration.

Paragraphe 1. - Fusils, carabines et canardières à canon lisse tirant un coup par canon, autres que ceux classés dans les catégories précédentes.

Paragraphe 2. - Fusils, carabines et canardières à canon lisse tirant un coup par canon, autres que ceux classés dans les catégories précédentes dont le calibre est compris entre 10 et 28 inclus comportant une rayure dispersante ou un boyaudage pour le tir exclusif de grenaille à courte distance.

 

II - Armes dont l'acquisition et la détention sont soumises à déclaration.

Paragraphe 1. - Fusils, carabines et canardières semi-automatiques ou à répétition à un ou plusieurs canons lisses, autres que ceux classés dans les catégories précédentes.

Paragraphe 2. - Fusils et carabines à canon rayé et à percussion centrale, autres que ceux classés dans les catégories précédentes à l'exception des fusils et carabines pouvant tirer des munitions utilisables dans des armes classées matériel de guerre.

Paragraphe 3. - Fusils combinant un canon rayé et un canon lisse (mixte), deux canons lisses et un canon rayé ou deux canons rayés et un canon lisse (drilling), deux canons rayés (express), quatre canons dont un rayé (vierling) tirant un coup par canon, dont la longueur totale est supérieure à 80 centimètres ou dont la longueur des canons est supérieure à 45 centimètres à l'exception des fusils pouvant tirer des munitions utilisables dans les armes classées matériel de guerre.

Dans l’ensemble ces définitions sont facilement compréhensibles, avec cependant la difficulté liée à l’exclusion des « fusils pouvant tirer des munitions utilisables dans les armes classées matériel de guerre ».

Une fois individualisée la catégorie des armes de chasse, deux groupes d’armes sont à définir, les armes de tir sportif et les armes de collection. Nous allons voir que les frontières de ces deux groupes ne sont pas évidentes dans des termes prenant strictement en compte leur fonctionnalité.

Les armes de tir sportif. Elles sont réglementées comme suit dans le décret de 1995 :

7e catégorie. Armes de tir, de foire ou de salon et leurs munitions.

I. - Armes dont l'acquisition et la détention sont soumises à déclaration.

Paragraphe 1. - Armes à feu de tous calibres à percussion annulaire, autres que celles classées dans la 4e catégorie ci-dessus.

Éléments d'arme (mécanismes de fermeture, chambres, canons) des armes ci-dessus.

Paragraphe 2. - Armes dont le projectile est propulsé par des gaz ou de l'air comprimé développant une énergie à la bouche supérieure à dix joules autres que celles classées en 4e catégorie.

Paragraphe 3. - Armes à feu fabriquées pour tirer une balle ou plusieurs projectiles non métalliques et classées dans cette catégorie par arrêté du ministre de la défense.

II. - Armes dont l'acquisition et la détention ne sont pas soumises à déclaration.

Paragraphe 1. - Armes d'alarme et de starter;

Armes de signalisation dont les caractéristiques sont fixées par l'arrêté prévu au paragraphe 3 du II de la 4e catégorie.

Paragraphe 2. - Armes dont le projectile est propulsé par des gaz ou de l'air comprimé lorsqu'elles développent à la bouche une énergie inférieure à dix joules et supérieure à deux joules, et qui n'ont pas été classées au paragraphe 1 du II de la 4e catégorie.

Paragraphe 3. - Armes ou objets ayant l'apparence d'une arme, non classés dans les autres catégories du présent article, tirant un projectile ou projetant des gaz, lorsqu'ils développent à la bouche une énergie supérieure à deux joules.

Là encore la difficulté de compréhension du texte est lié à des définitions utilisant des critères d’exclusion du type « autres que celles classées en 4e catégorie » qui impliquent la connaissance précise d’autres parties du décret.

La dernière catégorie à prendre en considération est celle des armes de collection, regroupées dans la 8e catégorie :

8e catégorie. Armes et munitions historiques et de collection

Paragraphe 1. - Armes dont le modèle et dont, sauf exception, l'année de fabrication sont antérieurs à des dates fixées par le ministre de la défense, sous réserve qu'elles ne puissent tirer des munitions classées dans la 1ère ou la 4e catégorie ci-dessus ; munitions pour ces armes, sous réserve qu'elles ne contiennent pas d'autre substance explosive que de la poudre noire.

Le contrôle de la date du modèle et de l'année de fabrication des armes importées est effectué dans les cas et selon des modalités qui sont définis par arrêté conjoint des ministres de la défense et de l'intérieur et des ministres chargés de l'industrie et des douanes.

Paragraphe 2. - Armes rendues inaptes au tir de toutes munitions, quels qu'en soient le modèle et l'année de fabrication par l'application de procédés techniques et selon des modalités qui sont définies par arrêté conjoint des ministres de la défense et de l'intérieur et des ministres chargés de l'industrie et des douanes.

L'application aux armes des procédés techniques définis à l'alinéa précédent, dans les conditions définies par l'arrêté interministériel visé ci-dessus, est réalisée par un établissement désigné par le ministre de l'industrie avec l'agrément du ministre de la défense.

La surveillance de l'application des procédés techniques rendant les armes inaptes au tir de toutes munitions est assurée par les soins de l'administration militaire.

Le contrôle de l'application aux armes importées des procédés techniques définis au premier alinéa du présent paragraphe est effectué selon des modalités qui sont définies par arrêté conjoint des ministres de la défense et de l'intérieur et des ministres chargés de l'industrie et des douanes;

Les chargeurs des armes classées au paragraphe 2 ci-dessus doivent être rendus inutilisables au tir dans les conditions fixées par l'arrêté interministériel prévu à l'alinéa ci-dessus.

Paragraphe 3. - Reproductions d'armes historiques et de collection dont le modèle est antérieur à la date fixée par le ministre de la défense en application du paragraphe 1 ci-dessus et dont les caractéristiques techniques ainsi que les munitions sont définies par arrêté conjoint des ministres de la défense et de l'intérieur et des ministres chargés de l'industrie et des douanes. Ces reproductions ne pourront être importées, mises sur le marché ou cédées que si elles sont conformes aux caractéristiques techniques mentionnées à l'alinéa précédent et constatées dans un procès-verbal d'expertise effectuée par un établissement technique désigné par le ministre de la défense, dans les cas et les conditions déterminés par l'arrêté interministériel prévu à l'alinéa ci-dessus.

Les reproductions d'armes historiques et de collection qui ne satisfont pas aux dispositions du présent paragraphe relèvent, selon leurs caractéristiques techniques, du régime applicable aux armes de la 1ère de la 4e de la 5e ou de la 7e catégorie.

Les difficultés d’application de cette partie du décret sont nombreuses, comme les limites de son efficacité. La référence à la poudre noire est peu pertinente, les poudres noires « modernes » ayant des capacités proches des poudres utilisées dans les armes de guerre actuelles.

Conclusion

Le décret de 1995 est un texte de « spécialiste ». Construit progressivement et ayant recours à de multiples définitions comportant des exclusions et des références à d’autres parties du texte, il a perdu la simplicité qui permet d’appliquer des dispositions réglementaires. La seule solution envisageable est une réécriture complète avec une simplification des critères retenus pour différencier les armes.