REPUBLIQUE FRANCAISE
Liberté Égalité Fraternité
MINISTERE DE L'INTERIEUR
La réglementation des armes
et la sécurité publique
Présenté par :
- Monsieur Claude CANCES
- Inspecteur Général
Adresse postale : Place Beauvau 75800 PARIS CEDEX 08 - STANDARD 01 49 27 49 27/ 01 40 07
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SOMMAIRE
INTRODUCTION
I - L'évolution et l'état du droit positif
- Le décret-loi du 18 avril 1939
- Le décret du 12 mars 1973 modifié
- Le décret du 6 mai 1915
II - L'efficacité des textes en vigueur au regard de l'objectif de sécurité quant à la
classification des armes et aux conséquences juridiques
- L'analyse succincte des événements tragiques intervenus récemment
- Les enseignements à en tirer :
l'instauration d'un carnet de tir
la sécurisation des armes à domicile
le classement en 4e catégorie de tous les fusils à pompe et de toutes
les armes de poing à percussion annulaire à un coup
la subordination de la vente des armes et des munitions de chasse (5e
catégorie) à la présentation du permis de chasser
III - L'examen des motifs de détention d'armes actuellement invoqués et leur pertinence
au regard des risques éventuels de troubles à l'ordre public qu'ils peuvent faire
encourir
- les tireurs sportifs
- les armes de défense
- l'enquête approfondie
IV - L'efficacité des contrôles mis en uvre et les propositions susceptibles
d'assurer une meilleure application du droit
- le marché clandestin et le trafic d'armes
- l'office central pour la répression du trafic des armes, explosifs et matières
sensibles
- le fichier national des armes
- le contrôle des importations d'armes
- le contrôle des bourses aux armes
- le contrôle des armuriers
- les modifications de la procédure de déclaration
- les actions de formation continue dans les services de police et de gendarmerie
- la formation et la spécialisation des personnels de préfecture
- l'exécution des décisions de refus d'autorisation de détention d'armes ou de
non-renouvellement
- les aliénés
CONCLUSION
===
INTRODUCTION
Les difficultés rencontrées pour l'application du décret du 6 mai 1995 ont conduit le
cabinet du ministre de l'intérieur à demander à la direction des libertés publiques et
des affaires juridiques de constituer et piloter un groupe de travail chargé d'étudier
les conditions d'une simplification de la réglementation, et d'une amélioration de sa
lisibilité.
Ce groupe de travail a été composé de manière à associer étroitement les services de
réglementation (DLPAJ), ceux dont relève la sécurité publique (DGPN) et ceux des
préfectures et sous-préfectures en charge de la gestion sur le terrain de la
réglementation des armes et un spécialiste des armes.
Des différences d'appréciation étant apparues, en particulier à propos de la
simplification des procédures de déclaration et d'autorisation, sur les rôles
respectifs des services de police et de gendarmerie d'une part, et des préfectures
d'autre part, dans les procédures d'instruction, ce groupe de travail a pris le parti,
compte tenu de l'impossibilité de dégager un consensus, d'exposer dans son rapport de
synthèse (cf. annexe) chacune des thèses en présence, le choix entre ces options ne
relevant pas de sa compétence.
Notre étude tient compte des conclusions de ce rapport qui, pour la plupart rejoignent
les préoccupations des personnels des préfectures, des policiers et des gendarmes sur le
terrain.
I - L'ÉVOLUTION ET L'ÉTAT DU DROIT POSITIF
=> Le décret-loi du 18 avril 1939
La réglementation des armes en France repose sur le décret-loi du 18 avril 1939 qui en
constitue l'ossature législative. Il s'agit d'un texte de circonstance pris à la veille
de la seconde guerre mondiale pour des raisons de défense nationale.
A l'époque, tant la matière traitée et les objectifs poursuivis que les circonstances
faisaient considérer que les questions d'armement étaient du ressort du ministre de la
Défense nationale et de la guerre.
L'intitulé même du décret-loi "matériels de guerre armes et munitions"
laisse bien apparaître la prééminence du militaire en la matière.
La classification des armes est importante puisqu'elle est la base même de la police des
armes et des munitions.
A ce propos, le décret-loi du 18 avril 1939 a innové, en définissant huit catégories
d'armes réparties en deux groupes :
le groupe des matériels de guerre proprement dit qui est constitué de
trois catégories dont la première comprend aux paragraphes 1, 2 et 3 des armes de guerre
portatives qui peuvent être acquises par des particuliers au titre du tir sportif ;
le groupe des armes et munitions non considérées comme matériels de
guerre, destinées à des usages civils, regroupe en cinq catégories :
- les armes de défense (4e catégorie),
- les armes de chasse (5e catégorie),
- les armes blanches (6e catégorie ),
- les armes de tir, de foire et de salon (7e catégorie),
- les armes historiques (8e catégorie).
Une telle présentation est cependant très théorique.
C'est ainsi que certaines armes de chasse et de tir relèvent à présent soit du groupe
des armes de guerre soit de celui des armes de défense.
Les critères de classement d'une arme sont spécifiques à chaque catégorie. Ils sont de
deux types :
- les uns correspondent à des données concrètes et mesurables telles que le calibre, la
longueur totale, la longueur du canon, la capacité du magasin ou du chargeur, le
millésime du modèle et de la fabrication ;
- les autres font appel à des considérations plutôt abstraites telles que la
convertibilité en arme de poing (4e catégorie) ou la dangerosité (6e catégorie).
D'où la difficulté des particuliers, et même parfois des experts, à déterminer la
catégorie dont relevé l'arme qu'ils détiennent et, par suite, son régime juridique.
L'acquisition et la détention d'armes des quatre premières catégories sont soumises à
autorisation, celles des quatre dernières sont soit soumises à déclaration, soit
libres.
=> Le décret du 12 mars 1973
Le décret du 12 mars 1973 abrogeant les quatre décrets d'application du décret-loi de
1939, a constitué la première codification, imparfaite, du dispositif réglementaire
d'application de ce décret-loi. Il a été très rapidement et de nombreuses fois
modifié (on compte une vingtaine de décrets modificatifs entre le 12 mars 1973 et le 8
septembre 1994, soit en moyenne une modification par an), parfois sous la seule pression
de l'événement ou de faits divers. La quasi-totalité de ces modifications concernait le
régime du classement des armes.
Parallèlement, le décret du 25 novembre 1983 fixait les règles applicables au commerce
des armes.
Enfin, ce dispositif était complété par des arrêtés et des circulaires d'application.
La transposition en droit français de la directive du Conseil européen du 18 juin 1991
devant intervenir avant le 1er janvier 1993, une refonte du décret de 1973 a été
opérée en ce sens par le décret du 6 janvier 1993, qui a pris en compte l'essentiel de
cette directive.
Ce décret, entre autres modifications, a :
- reclassé en 4e catégorie, c'est-à-dire soumis à autorisation, un grand nombre
d'armes auparavant classées en 5e et 7e catégories, et à ce titre, en vente libre ou
soumises à déclaration ;
- rendu plus stricte l'acquisition d'armes par les mineurs de 16 à 18 ans, qui, outre
l'autorisation parentale, déjà exigée par le décret de 1973 modifié, doivent être
titulaires, soit d'un permis de chasser, soit d'une licence d'une fédération
sportive ;
- imposé la déclaration de cession entre particuliers d'un certain nombre d'armes des 5e
et 7e catégories (à l'exception des moins dangereuses), laquelle cession était
jusqu'alors libre ;
- exigé la déclaration des mêmes armes, détenues par les particuliers, dans le délai
d'un an à compter de la publication du décret ;
- inséré dans la réglementation des dispositions relatives à l'acquisition et la
détention d'armes par les résidents d'un État membre de la communauté et à leur
transfert entre ces États.
Toutefois, toutes les dispositions de la directive du 18 Juin 1991 n'ayant pas été
transposées dans le droit national par ce décret - compte tenu de la relative
précipitation dans laquelle il a été élaboré, pour que soit respectée la date limite
imposée par cette directive, il convenait d'achever cette transposition.
Par ailleurs, le Conseil d'État ayant attiré l'attention du Gouvernement, à plusieurs
reprises, sur la double nécessité de la révision de la base légale de la
réglementation des armes (décret-loi de 1939), et de la codification de cette
réglementation, il a été décidé de poursuivre la refonte de la réglementation, seule
la deuxième suggestion ayant été retenue.
Ces deux opérations - menées de front, et de façon quelque peu désordonnée-, ont
abouti à la publication du décret du 6 mai 1995.
=> Le décret du 6 mai 1995
L'élaboration de ce texte, qui a impliqué treize ministères, a été ponctuée de
plusieurs arbitrages et saisines rectificatives du Conseil d'Etat (ce décret est le
premier décret relatif aux armes soumis à l'avis du Conseil d'État), ainsi que de
nombreux arbitrages du Premier ministre (rendus en faveur de la position du ministère de
l'Intérieur, notamment, en ce qui concerne les conditions d'acquisition des armes à
feu).
Ce décret du 6 mai 1995 a donc intégré les dispositions de la directive du 18 juin
1991, non prises en compte en 1993, notamment,
* quant aux sanctions pénales,
* quant à la mise en conformité du registre des armuriers,
* quant à l'enregistrement dans le fichier des préfectures des armes soumises à
déclaration (seules y étant enregistrées les armes soumises à autorisation),
ainsi que celles relatives à l'harmonisation des conditions de mise sur le marché et du
contrôle des explosifs à usage civil.
Par ailleurs, il a fusionné en un seul texte, dans une logique de codification, les deux
décrets du 12 mars 1973 modifié et du 25 novembre 1983, en y apportant des
modifications, notamment,
* en rendant plus rigoureuses les conditions d'acquisition et de détention des armes à
feu, par un reclassement des armes dans des catégories plus strictement contrôlées,
notamment en 4e catégorie (reclassement opéré, dans la mesure du possible. En
concertation avec les professionnels) ;
* en limitant les conditions de port et de transport des armes, et à contrôler
étroitement les transports intercommunautaires ;
* en renforçant les sanctions pénales spécifiques aux règles relatives à la
fabrication et au commerce, à la détention et l'acquisition, à la conservation, au
port, au transport et à la circulation intra-communautaire des armes.
Ce texte met en évidence la recherche d'un équilibre entre les préoccupations de
sécurité et d'ordre publics et la prise en compte des situations de fait (détention, à
la date de publication du décret, d'armes acquises sous un régime de liberté ou
semi-liberté et ensuite surclassées), en évitant le bouleversement des situations
juridiques et économiques.
Toutefois, deux remarques peuvent être formulées quant à la procédure suivie pour
l'élaboration de ce texte :
* d'une part, inversant la logique et en dépit des mises en garde du Conseil d'État, il
a été procédé à une refonte du dispositif réglementaire relatif aux armes, avant
même l'examen de la base légale de celui-ci, c'est-à-dire le décret-loi de 1939 ;
* d'autre part, on peut considérer que la réflexion n'a pas été menée en profondeur,
tant ce décret contient de dispositions parfois contradictoires, souvent excessivement
complexes.
Ceci constitue, sans aucun doute, deux facteurs dont résulte probablement une grande
partie des difficultés d'application du décret du 6 mai 1995.
II - L'EFFICACITÉ DES TEXTES EN VIGUEUR AU REGARD DE L'OBJECTIF DE SÉCURITÉ
QUANT À LA CLASSIFICATION DES ARMES ET AUX CONSÉQUENCES JURIDIQUES
1) L'analyse succincte des événements tragiques intervenus récemment
L'analyse des événements tragiques qui sont intervenus ces dernières semaines dans
notre pays et qui ont entraîné mort dhomme par arme à feu, conduisent à
s'interroger sur l'efficacité des textes en vigueur et illustrent les dérives que
peuvent entraîner le non respect de la réglementation.
Le 4 mars 1998, une commerçante de PAVILLY, en Seine-Maritime, a été tuée par un
adolescent de 15 ans à l'aide d'un smith and wesson 357 magnum appartenant à son père.
Ce dernier avait obtenu la détention à titre sportif, mais ne pratiquait plus le tir
depuis de nombreux mois et n'avait pas demandé le renouvellement de sa licence. Il était
donc en infraction, et le président du club aurait dû signaler cette situation à la
préfecture, en vue du retrait de l'autorisation.
Le 9 mars 1998, dans un centre commercial d'EVRY, un adolescent de 17 ans a été
mortellement blessé à la suite d'un différend opposant deux bandes rivales. L'arme
utilisée un fusil à pompe.
Le 19 mars 1998, à MARGUERITTES, dans le département du Gard, un adolescent a été tué
par une balle "brenneck" tirée à l'aide d'un fusil à pompe. Les gendarmes ont
découvert, lors des perquisitions, de nombreuses armes du même type (armes de chasse
classées en 5e catégorie et à ce titre simplement soumises au régime de la
déclaration). L'acquisition des munitions pour les fusils à pompe est en vente libre.
Le 21 mars 1998, au BLANC-MESNIL (Seine-Saint-Denis), un jeune homme de 22 ans a été
abattu au moyen d'un fusil à pompe, à la suite d'une altercation sur la voie publique.
Le 23 mars 1998, à AULNAY-SOUS-BOIS, (Seine-Saint-Denis), un adolescent a été
grièvement blessé par le tir d'un de ses amis, à la suite de la manipulation
malencontreuse d'un revolver calibre 22 LR (classé en 4e catégorie), appartenant au
père de l'auteur du coup de feu, lequel détenait cette arme depuis une vingtaine
d'années et avait négligé de la déclarer.
Depuis quelques mois, la direction départementale de la sécurité publique des Yvelines
observe une augmentation importante des achats d'armes de 5e et 7e catégories ainsi que
de bombes lacrymogènes - une centaine en moyenne chaque mois -, par des habitants de
Mantes-la-Jolie. Si ces achats sont parfois le fait de personnes ayant été victimes
d'agressions ou inquiètes pour leur entourage, ils sont aussi, notamment en ce qui
concerne les pistolets "gomme cogne'' et les fusils à pompe, le fait d'individus de
mauvaise réputation, qui craignent d'être la cible de règlements de compte : une bonne
partie de leur clientèle est composée de personnes âgées d'une vingtaine d'années
connues pour des faits de violences répétés.
Au cours d'une enquête récente, relative à des coups de feu tirés à plusieurs
reprises dans plusieurs quartiers de la ville de DIJON, le commissariat central de cette
ville a décelé des achats considérables à plusieurs reprises de lots de 300 cartouches
de chasse dans un magasin "Décathlon".
Les services de la préfecture de Dijon font, par ailleurs, état d'une augmentation
sensible du nombre d'acquisitions de fusils à pompe par de jeunes adultes.
2) Les enseignements à tirer de l'analyse de ces derniers événements
1°) Ces faits récents mettent en évidence le risque que peut faire encourir la
détention d'une arme, et les dérives auxquelles peut donner lieu le non-respect de la
réglementation existante (affaires de Pavilly et dAulnay-sous-Bois). Deux mesures
pourraient être prises pour endiguer la multiplication de pareils faits :
- instaurer un CARNET DE TIR, tenu par les responsables de stands de tir, proposition
développée dans le rapport de la mission d'inspection conjointe (inspection générale
de l'Administration - ministère de la Défense - ministère de la Jeunesse et des Sports)
dont l'étude a notamment porté sur le décalage important entre le nombre de
particuliers ayant acquis des armes grâce à une affiliation à un club de tir et ceux
qui pratiquent réellement ce sport ;
- contraindre les PARTICULIERS à STOCKER LES ARMES DANS DES ARMOIRES FORTES OU À LES
TENIR ENCHAINEES AU MÊME TITRE QUE LES PROFESSIONNELS, l'autorisation d'acquisition
d'armes étant subordonnée au respect de cette disposition.
Le fait d'imposer aux particuliers une obligation de sécuriser leurs armes et leurs
munitions ne pose aucun problème juridique. Il permettrait, en revanche, d'en résoudre.
Cette obligation est justifiée par le risque pour la sécurité publique représenté par
la détention d'une arme et de munitions, et par la nécessaire responsabilisation des
détenteurs.
Le dispositif concernant les professionnels (personnes physiques ou morales se livrant à
la fabrication et au commerce d'armes - article 49 du décret du 6 mai 1995 -, dont le
non-respect est sanctionné par une contravention de 5e classe - article 105) pourrait
être partiellement transposé aux particuliers.
Une telle obligation permettrait d'exercer des poursuites pénales à l'encontre des
personnes qui ne s'y conformeraient pas, sur la base de l'article 223-1 du Code pénal
(violation délibérée d'une obligation de sécurité mettant en danger autrui, en
l'exposant à un risque de mort ou de blessure).
En outre, son non-respect fonderait le refus d'autorisation de détention d'arme ou de son
renouvellement. Au cours de l'enquête effectuée lors de la demande d'autorisation de
détention d'arme ou de son renouvellement, il serait vérifié quelles sont les mesures
de protection prises par l'intéressé. Ce pourrait même être l'un des motifs de
caducité de l'autorisation, ainsi qu'il en résulte de l'article 45 du décret pour les
fabricants et les commerçants.
La direction des libertés publiques et des affaires juridiques propose de libeller comme
suit la modification nécessaire du décret du 6 mai 1995 :
"La Personne autorisée à détenir une arme ou sollicitant une telle autorisation,
est tenue de prendre toutes dispositions de nature à en éviter le vol et son usage par
une personne en ignorant le maniement, notamment en celle arme et les munitions, de façon
qu'elles ne soient pas accessibles à une personne non à s'en servir, dans un local
fermé à clé et blindé."
Enfin, une telle disposition, outre qu'elle induirait nécessairement une plus grande
responsabilisation de certains détenteurs par la responsabilité pénale que ce
manquement fait courir, permettrait de fonder en droit la pratique de certaines
préfectures qui, pour délivrer une autorisation de détention d'arme, soumettent les
personnes intéressées à l'obligation de prendre des mesures de protection sérieuses
pour protéger l'arme contre les risques de vol.
2°) Ces faits témoignent également de la multiplication des crimes et délits commis
avec des fusils à pompe (armes de 5e catégorie).
Selon M. Claude SCHLINGER, président de la compagnie nationale des experts en armes et
munitions,
60 % des expertises effectuées à la suite d'un crime
et/ou d'un délit, commis avec une arme à feu dans
les banlieues, concernent des fusils à pompe,
le reste concernant des pistolets ou des revolvers à grenailles et des carabines 22LR.
Le laboratoire de police scientifique de Paris a expertise, en 1996 et 1997, 2 000 armes
dont 46 % avait été saisies dans le cadre d'infractions à la législation sur les armes
(essentiellement affaires de port et détention d'armes prohibées) Parmi celles-ci on
dénombrait
13 % de carabines 22 LR,
22 % de fusils à pompe,
45 % de pistolets automatiques,
1,6 % de revolvers,
3,1 % de pistolets-mitrailleurs
Les laboratoires interrégionaux de police scientifique de Lille, Lyon, Toulouse et
Marseille ont examiné, en 1997, 1 339 armes, parmi lesquelles :
431 étaient en vente libre
(dont de nombreux fusils à pompe)
Ces laboratoires ont examiné pendant la même période :
13 518 munitions,
dont 4 789 étaient en vente libre
A défaut de statistiques fiables (l'état "4 001", recueil des statistiques des
crimes et des délits centralisés par la Direction Centrale de la Police Judiciaire ne
distingue pas les catégories d'armes dans les infractions commises avec arme à feu), les
chiffres ci-dessus mentionnés, relatifs aux expertises, ainsi que l'avis des autorités
ou services consultés, apportent bien la confirmation que les armes les plus utilisées
sont :
- les fusils à pompe,
- les armes de poing à grenaille,
- les armes blanches,
dont un certain nombre provient des circuits clandestins (ce dernier point sera évoque au
chapitre IV)
- Le CLASSEMENT EN 4e CATÉGORIE (sous le régime de l'autorisation) des FUSILS À POMPE,
serait de nature à restreindre la circulation et l'usage de ces armes (peu utilisées par
les chasseurs) au sein des bandes de jeunes délinquants.
De même, le CLASSEMENT EN 4e CATEGORIE DE TOUTES LES ARMES DE POING À PERCUSSION
ANNULAIRE À UN COUP (proposition retenue par la mission interministérielle déjà
citée), limiterait également la circulation et l'usage de ces armes.
Enfin, de l'étude faite par cette mission auprès de la fédération française de tir,
il ressort qu'il n'y a pas de lien direct entre le nombre des armes détenues à titre
sportif et les atteintes à la sécurité (l'affaire de PAVILLY ayant pour origine le
non-respect de la réglementation). Cette question avant été étudiée par la mission
interministérielle, elle ne sera pas abordée dans le présent rapport.
- MODIFICATION DU RÉGIME D'ACQUISITION DES ARMES ET DES MUNITIONS DE CHASSE (5e
catégorie) : ACQUISITION SUBORDONNÉE À PRÉSENTATION DU PERMIS DE CHASSER
Partant du principe que la plupart des armes de chasse sont acquises par des chasseurs,
titulaires d'un permis de chasser, et que leur utilisation induit l'achat de munitions, il
est logique d'envisager de SUBORDONNER L'ACQUISITION DE CES ARMES ET DE CES MUNITIONS À
LA PRÉSENTATION DU PERMIS DE CHASSER. Ceux qui n'en sont pas titulaires ne peuvent, en
effet, justifier de la légitimité de l'usage qu'ils comptent en faire.
Cette solution présenterait l'avantage de limiter aux chasseurs la possession, dans un
but " actif ", d'armes de chasse. Elle ne permettrait plus
l'acquisition de munitions de chasse par les non-détenteurs du permis de chasser. Enfin,
elle éviterait l'inconvénient du passage généralisé de toutes les armes de chasse à
un régime d'autorisation qui obligerait les non-chasseurs, détenteurs d'une telle arme
(à la suite d'un héritage, par exemple), à l'abandonner faute de pouvoir être
autorisés à la conserver.
Une telle mesure représenterait en elle-même un intérêt de sécurité publique
certain.
L'arsenal répressif en matière d'infraction à la législation sur les armes,. a été
renforcé. On constate, cependant, à la lecture des statistiques fournies par la
Direction Centrale de la Police Judiciaire (tableau figurant en annexe), que le nombre des
affaires de port et de détention d'armes prohibées augmente depuis 10 ans alors que dans
le même temps celui des personnes écrouées est à son niveau le plus bas.
1986 : 13 279 faits constatés 1 167 écroués
1996 : 18 174 faits constatés 701 écroués
III - L'EXAMEN DES MOTIFS DE DÉTENTION DARMES ACTUELLEMENT INVOQUES ET LEUR
PERTINENCE AU REGARD DES RISQUES ÉVENTUELS DE TROUBLES À L'ORDRE PUBLIC QU'ILS PEUVENT
FAIRE ENCOURIR
Il est très difficile d'avancer le nombre des armes à feu détenues par les particuliers
(chasseurs, tireurs sportifs, collectionneurs, ou simplement amateurs). Certains estiment
ce nombre à 10, d'autres à 20 millions, dont 4 millions de fusils.
M. Jean-Claude SCHLINGER, président de la compagnie nationale des experts en armes et
munitions, évalue à trois ou quatre le nombre moyen d'armes détenues par foyer
français, la plupart datant de la première et de la seconde guerre mondiales, le tiers
d'entre elles étant détenues illégalement.
Le nombre d'armes de 1re et de 4e catégories détenues régulièrement serait d'environ
892 000 (chiffre recensé par la direction des libertés publiques et des affaires
juridiques à partir des statistiques communiquées par les préfectures).
L'acquisition et la détention des armes de chasse sont libres ou soumises à
déclaration, en raison du principe de la liberté de la chasse.
Deux principaux motifs légitimes d'acquisition et de détention par des particuliers
d'armes soumises à autorisation sont reconnus : le tir sportif et la défense.
Les autorisations d'acquisition et de détention d'armes au titre de la défense étant
maintenant délivrées en nombre très limité, le tir sportif est, aujourd'hui, le motif
principal d'acquisition et de détention d'armes soumises à autorisation.
La plupart des préfectures n'accordent plus d'autorisation au titre de la défense, mais
renouvellent, en principe, les autorisations. Dans le département du Val-de-Marne, par
exemple, les demandes formulées au titre de la défense sont systématiquement refusées.
En 1997, 94 dossiers ont été traités, dont 80 % concernant des renouvellements à titre
sportif.
L'enquête effectuée par la mission interministérielle, précédemment citée, a
révèle' quelques faits qui pourraient laisser craindre que soit mise à profit la
possibilité de détenir jusqu'à 12 armes pour les tireurs sportifs (qui sont au nombre
de 147 000), pour la constitution de groupes armés civils. Cette observation appelle 'a
la vigilance mais n'a pas mis en évidence l'existence d'une réelle menace tenant à
l'utilisation des clubs de tir comme base d'entraînement par des éléments
potentiellement dangereux.
- Pour éviter toute dérive, il serait utile de rappeler aux services de police et de
gendarmerie les prescriptions de la CIRCULAIRE DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR DU 25 JUILLET
1972, QUI RECOMMANDE DE NE DÉLIVRER LES AUTORISATIONS QUAPRÈS UNE ENQUETE
APROFFONDIE.
Cette enquête est destinée à recueillir le maximum de renseignements (sur le bien
fondé de la demande, sur la personnalité du demandeur et sur son comportement caractère
violent, penchant à l'alcoolisme, état mental pathologique etc. ) de nature à éclairer
la décision.
Si l'on se réfère aux dossiers consultés dans les préfectures, il semble bien que
cette circulaire ait été perdue de vue, la mention avis favorable ou défavorable
constituant la plupart du temps, avec les résultats de l'interrogation des fichiers de
police, les seuls éléments du dossier.
Une enquête plus approfondie à l'occasion des demandes de renouvellement d'acquisition
et de détention, permettrait de mieux déceler l'existence des motivations illégitimes
et, par voie de conséquence, de retirer de nombreuses autorisations.
IV - L'EFFICACITÉ DES CONTRÔLES MIS EN UVRE ET LES PROPOSITIONS
SUSCEPTIBLES D'ASSURER UNE MEILLEURE APPLICATION DU DROIT
En l'absence de statistiques relatives au nombre de faits portant atteinte à la
sécurité et dans lesquels interviennent des armes détenues sous le couvert d'une
autorisation légale, on ne peut que prendre en compte l'avis des services intéressés.
Tous mettent en avant le fait, comme cela a été précédemment évoqué, que les armes
utilisées pour commettre des actes criminels ou délictueux, ainsi que celles en causes
dans des actes d'imprudence sont des armes dont l'acquisition et la détention sont, ou
ont été jusqu'à une date récente, libres (armes de chasse - notamment fusils à pompe
pistolets ou revolvers à grenaille armes blanches), ou des armes provenant de circuits
clandestins.
=> Le marché clandestin et le trafic d'armes
L'approvisionnement du marché clandestin des armes en France relève pour l'essentiel non
de réseaux importants et solidement structurés, mais plutôt de l'activité d'une
multitude de trafiquants. Cette constatation est le fruit des enquêtes régulièrement
menées dans ces milieux.
Bien que la France soit surtout un pays de transit, elle n'en connaît pas moins un trafic
dont l'approvisionnement a des origines diverses :
* vols commis chez des particuliers détenant des armes légalement (à titre sportif ou
pour leur défense), ou illégalement (armes acquises, notamment librement, dans d'autres
pays, etc.) ;
* vols commis au moment des transports ou chez les armuriers détaillants, voire dans
certains établissements militaires ;
* activité de réseaux qui profitent des tensions liées à la situation internationale
(ex-Yougoslavie) ou de la situation nouvelle créée dans des pays appartenant auparavant
au bloc de l'Est, dans lesquels l'application de la législation et de la réglementation
est incertaine et peu rigoureuse ;
* activité de professionnels peu scrupuleux qui après avoir acquis des armes non
neutralisées procèdent à leur réusinage, alimentant ainsi le marché illicite (cf.
l'arrestation récente en 1997, à Ajaccio, d'un armurier qui avait entre 1991 et 1996
fournit plusieurs centaines d'armes remilitarisées aux représentants d'une organisation
séparatiste) ;
* échange et vente entre collectionneurs d'armes de toute nature et de matériels divers
à l'occasion des bourses aux armes régulièrement organisées ;
* achats et ventes effectués dans le milieu du grand banditisme.
Toutefois, si l'apparition sur le marché clandestin d'armes venant notamment des pays de
l'Est appelle à la vigilance, elle ne semble pas constituer une menace immédiate pour la
sécurité et l'ordre publics.
Pour lutter efficacement contre les trafics d'armes clandestins, un certain nombre de
mesures s'imposent, dont :
- LA REACTIVATION DE L'OFFICE CENTRAL POUR LA RÉPRESSION DU TRAFIC DES ARMES,
EXPLOSIFS, ET MATIÈRES SENSIBLES
Créé le 13 décembre 1982, à la suite de l'attentat de la rue des Rosiers à Paris (cf
annexe), l'office central pour la répression du trafic des armes, explosifs, et matières
sensibles a pour domaine de compétence toutes les infractions relatives à la
fabrication, à la détention et au commerce des armes de toutes natures. Il est
également chargé, en liaison avec les autres services de police, de gendarmerie et de
douanes, d'animer et de coordonner la lutte contre les auteurs de ces infractions.
Intégré dans les structures et dans les locaux de la 6e division de la direction
centrale de la police judiciaire, chargée de la lutte anti-terrorisme cet office n'a
jamais pris son essor.
Malgré les demandes réitérées des chefs de service qui se sont succédés, cet office
ne compte aujourd'hui qu'un effectif dérisoire trois fonctionnaires de police et un
gendarme.
Compte tenu de l'absence de moyens, aucun travail en profondeur ne peut donc être
effectué, ni le moindre rôle opérationnel assuré. Malgré la bonne volonté de son
personnel, l'activité de cet office est purement administrative (tenue de fichiers
documentation - réunions diverses).
Près de seize ans après sa création, alors que la tendance générale est au
développement du trafic et de la détention d'armes, force est de constater que cet
organisme est incapable de remplir les missions que lui a confiées le décret
interministériel de 1982, alors que celles-ci devraient constituer, dans le contexte
actuel, un axe privilégié de développement en matière de sécurité intérieure. Il
convient donc de revoir ses structures en renforçant notamment son effectif, pour qu'il
devienne un véritable office central, en mesure d'animer et de coordonner l'activité de
l'ensemble des services de police et de gendarmerie, et d'assurer les liaisons
indispensables avec les services étrangers.
- LA MISE EN PLACE DU FICHIER NATIONAL DES ARMES
Le principe de ce fichier a été adopté au mois de décembre 1996, mais la mise en
oeuvre effective n'est prévue que vers l'an 2 000.
Ce fichier, à caractère national, est destiné à permettre aux préfectures, et à
certains services habilités (police, gendarmerie, douanes) une consultation sur toutes
les armes inscrites dans ledit fichier à partir d'un terminal situé dans chacun des
services concernés. Mais aussi, à prendre en compte toutes les armes dont les données
seront saisies par les préfectures.
Deux constatations illustrent sa nécessité :
- chaque préfecture est dotée de son propre logiciel ;
- il est tout à fait possible d'être titulaire d'une autorisation d'acquisition et de
détention d'armes de 1re ou de 4e catégorie délivrée dans un département donné et
d'obtenir, à la suite d'un déménagement, une autre autorisation dans ce nouveau
département sans que la préfecture de ce département ait connaissance de la première
autorisation.
=> Le contrôle des importations d'armes
La réactivation de cet office central et l'accélération de la mise en place du fichier
national des armes devraient aller de pair avec
- UNE INTENSIFICATION DE LA SURVEILLANCE AUX FRONTIÈRES ET UN RENFORCEMENT DU
CONTRÔLE DES IMPORTATIONS D'ARMES
Dans cette optique, l'office central devrait être étroitement associé aux travaux du
sous-groupe armes et munitions de Schengen, qui met en place un outil européen d'analyse,
relatif au trafic illégal des armes à feu, et mène une réflexion sur l'application de
la directive du Conseil des communautés européennes et de la Convention de Schengen en
matière d'armes à feu.
=> Le contrôle des armes de défense (4e catégorie), de chasse (5e catégorie), de
tir, de foire ou de salon (7e catégorie) et de collection 8e catégorie)
La préoccupation principale des services de sécurité reste l'inquiétante recrudescence
des crimes et délits commis, notamment en zone urbaine, au moyen d'armes de 4e, 5e et 7e
catégories.
Cependant, cette préoccupation ne se traduit pas sur le terrain par une gestion
rigoureuse et prioritaire de la police des armes.
A cela, plusieurs explications peuvent être avancées :
- la complexité du décret du 6 mai 1995 ne facilite pas la tâche des policiers et des
gendarmes ;
- la formation de ces derniers est insuffisante , (le fonctionnaire responsable de
l'établissement des dossiers de demande d'autorisation d'acquisition d'armes d'un
commissariat du Val-de-Marne, qui déplore n'avoir jamais reçu la formation sur la
réglementation des armes, a expliqué avoir recours aux services d'un armurier voisin
lorsqu'il ne sait à quelle catégorie appartient une arme) ;
- la police des armes constitue l'une des nombreuses tâches confiées au même
fonctionnaire d'un commissariat.
- LE CONTRÔLE DES BOURSES AUX ARMES
Ces manifestations ne peuvent donner lieu qu'à cession, échange ou exposition, entre
particuliers, d'armes des catégories 5 à 8.
A l'exception des conditions de sécurité des armes prévues par la loi (armes
enchaînées ou munies d'un dispositif s'opposant à leur enlèvement), les exposants ne
sont tenus à aucune formalité particulière.
Les organisateurs, quant à eux, ont l'obligation de tenir un registre permettant
l'identification des vendeurs (cf document sur les brocanteurs).
A l'intérieur de "ces marchés", des ventes illicites pouvant avoir lieu,
certaines armes présentées non-neutralisées aux normes requises pouvant être
facilement remilitarisées, seul un contrôle systématique de ces bourses aux armes, par
les services de police et de gendarmerie, est susceptible d'empêcher ce trafic.
Pour renforcer ces contrôles, il convient de redéfinir L'ENQUÊTE APPROFONDIE faite lors
d'une demande d'autorisation d'acquisition et de détention d'arme. Cette question a été
précédemment traitée (cf chapitre III).
- renforcer LE CONTRÔLE DES ARMURIERS.
La périodicité du contrôle des armuriers est variable d'une préfecture à l'autre, un,
deux, ou trois par an comme dans le Val-de-Marne. Il s'agit notamment du contrôle des
registres spéciaux des armes et munitions,
- des mesures de sécurité,
- du stock d'artifices et de munitions.
Une redéfinition de ces contrôles tendant 'a en accroître la fréquence et la rigueur.
est indispensable.
M. Yves Goletty, président de la chambre syndicale nationale des armuriers professionnels
souhaite lui-même voir ce contrôle renforcé.
- modifier LA PROCEDURE DE DECLARATION
Afin de prendre toutes les garanties quant à la conformité de la déclaration, sans que
cela alourdisse exagérément sa gestion par les fonctionnaires de police et des
préfectures, le concours des armuriers pourrait être sollicité. En effet, les
déclarations interviennent désormais pour l'essentiel (hormis la cession à titre
gratuit et par voie successorale), après transaction. Une bonne partie d'entre elles
s'effectue chez les armuriers
Les contours d'une telle participation devraient être fixés avec précision, en
concertation, naturellement avec la profession. Le président de la chambre syndicale
nationale des armuriers professionnels est persuadé que cette nouvelle disposition serait
favorablement accueillie par la profession.
Sous cette réserve, un formulaire de déclaration simplifiée permettant l'identification
précise de l'arme (marque, modèle, numéro de série, calibre) suffirait pour que
l'Administration ait connaissance de la détention.
Dans le sens de cette simplification, il est également possible d'envisager que la
déclaration soit adressée par courrier, en double exemplaire, par l'armurier au préfet
voire, à terme, par télématique (cf le développement de cette technique dans le
domaine des cartes grise à partir du réseau des concessionnaires).
Cette formule simplifierait considérablement le formalisme à l'égard du détenteur
d'armes et induirait pour les services administratifs une économie de temps et de moyens
très appréciable.
- instaurer UN FASCICULE,
qui rappellerait aux acquéreurs d'armes les principes généraux de la réglementation et
aussi leurs droits et leurs devoirs (notamment les conseils en matière d'utilisation des
armes et de leur stockage), Ce fascicule, élaboré par l'Administration, pourrait être
remis lors de l'achat de l'arme par l'armurier.
M. Yves Goletty est aussi tout à fait favorable à cette mesure.
Mais ces mesures ne seront efficaces que si tous les fonctionnaires intervenant à un
titre ou à un autre, pour le respect de la police des armes policiers, gendarmes mais
aussi agents des services concernés des préfectures reçoivent une formation adéquate.
Dans cette optique, il est donc souhaitable de :
- développer des ACTIONS DE FORMATION CONTINUE DANS LES SERVICES DE POLICE ET DE
GENDARMERIE ;
- dispenser une FORMATION AUX FONCTIONNAIRES DES PRÉFECTURES en charge de ces
dossiers, voire de les SPÉCIALISER.
Certaines préfectures ont spécialisé des fonctionnaires à la police des armes. C'est
le cas à la préfecture du Val-de-Marne ou deux personnes consacrent la totalité de leur
temps à instruire les demandes d'autorisation, d'acquisition et de détention et à
renseigner les services demandeurs. Il n'en est pas de même pour les sous-préfectures de
ce département ou les tâches sont multiples (dossiers élections, etc).
Le personnel des préfectures fait preuve de conscience professionnelle et de bonne
volonté, mais il se heurte aux mêmes difficultés dans l'accomplissement de ces tâches
que les policiers :
complexité des textes,
manque de formation,
obsolescence des moyens mis à sa disposition.
=> Le contrôle de l'observation des obligations résultant des décisions de refus
d'autorisation ou de non-renouvellement d'autorisation de détention d'armes ou de
munitions
En l'état actuel du droit, l'Administration n'a pas le pouvoir de contraindre les
personnes à se dessaisir, à transformer ou à neutraliser l'arme dont la détention est
devenue irrégulière par suite d'une décision de non-renouvellement d'autorisation de
détention ou de retrait d'une telle autorisation, ou encore de refus d'autorisation de
conserver une arme régulièrement acquise et détenue mais reclassée en 1re ou en 4e
catégorie.
En effet, si la réglementation prévoit bien ces formalités, ainsi que le délai et les
modalités de leur accomplissement (art. 71 du décret de 1995), elle ne contient aucune
disposition permettant à l'Administration de s'assurer de l'exécution de cette
obligation, ne serait-ce que par le biais de la production d'une attestation de
dessaisissement, de transformation ou de neutralisation.
Pour que les décisions négatives de l'Administration, relatives aux détentions d'arme,
soient suivies d'effet, il conviendrait, en premier lieu, d'obliger les personnes
concernées à apporter la preuve qu'elles ont accompli les formalités prévues par
l'article 71 du décret de 1995 qui pourrait être complété en ce sens.
Cette mesure permettrait - lorsqu'elle n'est pas respectée -, de fonder matériellement
le délit dont l'autorité préfectorale pourrait alors utilement donner avis au procureur
de la République, conformément à l'alinéa 2 de l'article 40 du Code de procédure
pénale.
De nombreuses préfectures préviennent déjà le procureur de la République de ce qu'une
autorisation de détention a été refusée ou abrogée ou n'a pas été renouvelée. Si
ces renseignements font peser une forte présomption de délit de détention illégale
d'une arme sur la personne concernée, ils ne suffisent pas à établir matériellement
l'infraction, et donc, à permettre la mise en oeuvre d'une procédure judiciaire
coercitive.
Si une telle mesure s'avérait inefficace au regard du but à atteindre - réduire le
nombre d'armes dangereuses en circulation -, il pourrait être envisagé, en deuxième
lieu, de doter l'Administration de pouvoirs lui permettant d'assurer l'exécution forcée
de ses décisions. Mais l'adoption de cette solution ne peut se faire que par voie
législative.
Par ailleurs, on peut se demander si organiser la gratuité de ces opérations ne
favoriserait pas le respect de la réglementation.
En effet, on a pu estimer que bon nombre de personnes sont prêtes à se défaire de leurs
armes à condition que cela ne leur coûte rien. Or, la transformation d'une arme est
rarement gratuite, le coût de sa destruction ou de sa neutralisation est de l'ordre de
900 francs, sans compter les frais d'envoi, si l'opération se fait au banc d'épreuve de
Saint-Étienne.
De ce fait, des préfectures ont mis en place, avec l'accord de la gendarmerie et de la
police, un système de collecte des armes par les commissariats et les brigades de
gendarmerie, d'où elles sont acheminées, pour y être détruites, vers les
établissements de l'armée de terre (ETAMAT).
En l'absence de tels accords ou de solutions de même type, on peut regretter toutefois
que les services de police et de gendarmerie ne prennent pas les armes que leur apportent
volontairement les administrés.
De ce qui précède, on peut conclure - comme l'a fait remarquer un policier de terrain,
"qu'il est plus facile d'acquérir une arme que de s'en débarrasser
légalement".
=> Les aliénés
La mission a relevé le risque représenté par la possession d'armes par des personnes
souffrant de troubles psychiques et ne disposant plus alors du discernement nécessaire à
la détention d'armes.
Le décret-loi du 18 avril 1939 et le décret du 6 mai 1995 ont prévu le retrait
d'autorisation et la saisie administrative uniquement pour les seules armes de 1re et de
4e catégories détenues par des aliénés,
La saisie administrative des armes de 5e et de 7e catégories ne peut donc être opérée
faute de fondement légal.
Plusieurs préfectures, celles de l'Essonne et des Hauts-de-Seine notamment, ont attire
notre attention sur ce "vide Juridique".
V - CONCLUSION
La législation française est, avec la législation allemande, l'une des plus complexes
au sein des pays de la Communauté européenne. Par ailleurs, malgré les modifications de
1993 et 1995, elle demeure moins stricte que celle du Royaume-Uni.
La législation allemande pose comme principe l'interdiction d'acquisition des armes à
feu, quelle que soit leur catégorie, et de certaines armes blanches particulièrement
dangereuses. Les autorisations d'acquisition et de détention ne sont accordées qu'aux
tireurs sportifs, aux chasseurs et très exceptionnellement au titre de la défense, comme
en France. Mais devant la complexité de cette législation et les difficultés
d'interprétation qui en résultent, le gouvernement allemand envisage a rite totale de
celle-ci.
Au Royaume-Uni, la fusillade de Dunblane en mars 1996 au cours de laquelle plusieurs
enfants ont péri, victimes d'un tireur fou, a amené les autorités à durcir la
législation en matière d'arme.
C'est ainsi que depuis le 1er février 1997, est entrée en vigueur dans ce pays
l'interdiction totale de possession d'armes à feu à titre privé, à l'exception des
armes utilisées pour la chasse ou pour le tir sportif Les possesseurs d'armes qui ne les
auraient pas rendues dans le mois qui a suivi, sont passibles d'une peine de 10 ans de
prison.
En ce qui concerne les armes de chasse ou utilisées pour le tir sportif, la délivrance
des autorisations d'acquisition et de détention est soumise à des conditions très
strictes notamment quant aux mesures de sécurité imposées pour la garde de ces armes.
L'étude de l'évolution et de l'état du droit positif français révèle bien la
complexité de ces textes. C'est la raison pour laquelle une réforme générale est
vivement souhaitée par l'ensemble des autorités et des services consultés. Elle a
été, en outre, préconisée à plusieurs reprises ces dernières années par le Conseil
d'État.
Dans l'attente de cette réforme générale, qui devra impliquer plus directement le
ministère de l'Intérieur afin de mieux prendre en considération les impératifs de
sécurité et d'ordre publics, quinze propositions ont été retenues.
Parmi celles-ci, certaines paraissent devoir être prioritairement mises en
uvre :
- le classement en 4e catégorie des tous les fusils à pompe et des toutes les armes de
poing a percussion annulaire à un coup,
- la subordination de la vente des armes et des munitions de chasse à la présentation du
permis de chasser,
- la mise en place du fichier national des armes,
- la réactivation de l'office central pour la répression du trafic des armes,
- la sécurisation des armes par les particuliers,
- la formation et la spécialisation des personnels des préfectures,
- la formation continue des policiers et des gendarmes.
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