20 questions posées aux candidats à la Présidence de la République sur leur  engagement à mettre en œuvre des mesures de santé publique

simples et efficaces.

 

Réponses d’Emmanuel Macron

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L’usage du tabac :

 

1. En augmentant les taxes, porterez-vous à 10€ le prix du paquet de cigarettes dès 2017 ?

 

2. En augmentant les taxes, vous engagez-vous à porter progressivement le prix du paquet de cigarettes à 20€ en fin de quinquennat ?

 

3. Vous opposerez vous à tout financement par l’industrie du tabac d’une activité publique ou privée ne relevant pas directement de la production et de la distribution ?

 

Nous ferons de la lutte contre le tabagisme une priorité absolue, avec un objectif clair : la génération à naitre doit être une génération sans tabac, la France peut faire aussi bien que l’Australie et être aussi ambitieuse que la Finlande. Nous conduirons donc une politique ambitieuse et volontariste de lutte contre ce tueur n°1, cause principale de la mortalité prématurée évitable. Une politique de promotion et d’éducation à la santé, notamment dans les établissements scolaires, pour que les jeunes comprennent pourquoi et par quels mécanismes le tabac peut tuer. Une politique de réduction des risques, en renforçant l’accès aux méthodes de sevrage. Une politique visant aussi à désinciter les fumeurs, le paquet neutre est en cela une étape majeure dont nous suivrons les effets avec attention.

 

Pour répondre précisément à vos questions, j’ai annoncé mon souhait d’augmenter rapidement le prix du paquet de cigarettes pour le porter à 10 euros. Je souhaite travailler à une harmonisation européenne, de façon à limiter l’impact de la contrebande, ce qui permettra ensuite d’aller au-delà de ces 10 euros.

Enfin, je suis opposé à l’intrusion de l’industrie du tabac dans toute activité publique ou privée ne relevant pas de la production et de la distribution, à commencer bien sûr par le financement de ces activités, et je serai vigilant sur ce sujet.

 

L'usage de l'alcool :

 

4. Remplacerez-vous l’avertissement légal « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé » par « l’alcool est dangereux pour la santé » ?

 

5. Remplacerez-vous la mention créée par les alcooliers : « à consommer avec modération » par l’étiquetage de la quantité d’alcool pur en grammes et le nombre de calories dans chaque contenant (bouteille, canette…) ?

 

6. Taxerez-vous les boissons alcoolisées en fonction du nombre de grammes d’alcool pur qu’elles contiennent ?

 

7. Limiterez-vous les messages publicitaires à la nature du produit (vin, bière…) et à son degré d’alcool ?

 

8. Les interdirez-vous dans les médias qui s’imposent à tous : sur Internet, par des affiches sur la voie publique, dans les transports en commun et à la radio ?

 

L’alcoolisme est un fléau qui tue chaque année plusieurs dizaines de milliers de personnes en France. Nous devons prévenir l’alcoolisme et renforcer notre politique de santé publique, notamment vers les publics les plus fragiles et en particulier nos jeunes. Je souhaite que nous puissions adapter nos messages de prévention et de promotion, et préserver la loi Evin, une grande loi de santé publique.

 

Pour répondre particulièrement à vos questions, il paraît intéressant d’indiquer comme vous le proposez sur les contenants la quantité d’alcool pur en grammes et le nombre de calories. Cela participerait de l’information des consommateurs, en plus de les sensibiliser aux risques liés à une consommation régulière et/ou importante d’alcool. Les messages de prévention doivent aussi pouvoir évoluer régulièrement, cela relève aujourd’hui de la loi, je souhaite que cela relève demain d’un arrêté.

 

Je ne souhaite pas en revanche confondre consommation d’alcool et alcoolisme. A ce titre, le message « l’alcool est dangereux pour la santé » me paraitrait excessif. De même, je ne suis pas favorable à une taxation des boissons alcoolisées en fonction de leur grammage en alcool. Enfin, la loi Evin étant un exemple en matière de maitrise de la publicité, je souhaite conserver et défendre l’équilibre de cette loi en l’état.

 

Le surpoids, l'obésité et la sédentarité :

 

Pour s’opposer à l’ingérence de l’industrie agro-alimentaire et de la grande distribution dans les politiques publiques, vous engagez-vous à mettre en place :

 

9. Le logo à 5 couleurs 5C/NutriScore (du vert au rouge) sur la face avant des emballages, permettant de comparer la qualité nutritionnelle des aliments,

 

10. Une réglementation de la publicité en fonction de la qualité nutritionnelle des aliments visant à moduler la pression du marketing,

 

11. Une taxation en fonction de la qualité nutritionnelle des aliments (proportionnelle à la teneur en gras, sucre, sel et densité calorique),

 

12. Des dispositifs financiers favorisant l’accès à la pratique d’activité physique dans la vie quotidienne.

 

J’encouragerai toute politique visant à lutter contre les troubles nutritionnels, au premier rang desquels le surpoids. L’information nutritionnelle est un acquis important du quinquennat qui s’achève. La loi prévoyait une expérimentation en vie réelle, et je m’engage à généraliser une signalétique sur la base des résultats de cette expérimentation. Je suis personnellement favorable au logo à 5 couleurs 5C/Nutriscore. Cette information transparente et directe du grand public m’apparaît comme une solution ambitieuse et innovante. Plutôt que de réglementer la publicité en fonction de la qualité nutritionnelle des aliments, j’engagerai une concertation visant à étendre l’emploi de cette signalétique aux publicités pour les aliments, sur tous supports, toujours dans un souci d’informer le consommateur et de le sensibiliser. Cet outil me paraît préférable à une taxation des aliments en fonction de leur qualité nutritionnelle, option peu pratiquable que je ne retiens pas.

 

Dans le cadre de la révolution de la prévention que je porte, je mettrai en place des dispositifs incitant à la pratique d’activité physique et sportive, à destination prioritairement des publics fragiles (surpoids, maintien de l’autonomie, maladies chroniques). L’incitation financière peut en faire partie mais elle n’est qu’un instrument. Il importe aussi d’insister, notamment auprès des plus jeunes, sur l’impact positif d’une activité physique régulière, sur l’usage du vélo, de la marche, la montée des escaliers plutôt que la prise d’ascenseurs. La sensibilisation aux 10 000 pas quotidiens doit se poursuivre.

 

Le Grenelle de l’Alimentation que j’organiserai dès le début de mon quinquennat permettra de faire de notre modèle alimentaire un vecteur de prévention et de santé publique. Je souhaite profiter de cette occasion pour refonder le programme national pour l’alimentation et le programme national nutrition santé. Mon engagement de porter à 50% la part de produits bio, écologiques ou issus de circuits courts dans la restauration collective a de ce point de vue valeur de signal. En matière de modes de vie, ma conviction est que l’information, la sensibilisation et le nudge peuvent être des instruments efficaces au même titre que la réglementation, la subvention ou la taxation. C’est de la combinaison de ces instruments que nous devons attendre une réduction des comportements à risque.

 

L'insécurité routière :

 

13. Abaisserez-vous de 90 km/h à 80 km/h la vitesse maximale autorisée sur les voies sans

séparation des sens de circulation ?

 

De manière générale, l’une de mes priorités sera de de progresser sur la sécurité routière et la sécurité pour les piétons, les cyclistes et les deux roues, qui régressent aujourd’hui. Il faut encourager les initiatives visant à mobiliser toute la société face à ce drame humain pour tenir l’objectif de passer sous la barre des 2.000 morts par an. La politique de sécurité routière doit retrouver son caractère interministériel pour concilier la répression, la prévention, le travail sur les infrastructures et les véhicules. J’engagerai donc des actions ciblées en faveur des usagers les plus vulnérables, notamment les 2 roues et les piétons.

 

La baisse de limitation des vitesses peut constituer une piste de progrès en la matière. Mais elle n’est pas la seule. Les accidents peuvent aussi survenir à des vitesses moindres, le cœur du problème étant l’éducation au respect des vitesses.

 

En France, les vitesses sont "impaires" : 30, 50, 70, 90, 110, 130. Cela participe de leur lisibilité. Je souhaite d'ailleurs que l'on revisite certains réseaux, je pense aux autoroutes urbaines par exemple, pour faciliter la lisibilité par les usagers, car parfois on ne sait plus à quelle vitesse rouler, entre les tunnels, les virages, etc.

 

Je suis naturellement favorable, dès lors que les conditions de danger l’imposent, à abaisser la vitesse à 70. Mais abaisser en section courante la vitesse à 80 interrogerait l'ensemble de l'édifice. Il faudra donc conduire une réflexion cohérente incluant les effets sur le reste du réseau dans ce genre de décisions.

 

14. Assurerez-vous le respect des limitations de vitesse en augmentant le nombre et l’usage des Radars mobiles, en interdisant le signalement de tous les contrôles de vitesse par une loi ?

 

Je pense nécessaire de poursuivre une politique d'ensemble, cohérente, de la prévention (information, formation...), conditions de circulation (infrastructures, signalisation...), police et sanction (radars fixes et mobiles...). Ce n'est que de cette manière que nous continuerons à réduire la mortalité routière. Je lutterai avec la plus grande sévérité contre les infractions les plus dangereuses (téléphone et alcool au volant) et, ce faisant, je continuerai le déploiement des outils de contrôle comme par exemple les nouveaux radars avec de nouvelles fonctionnalités, afin que les automobilistes respectent les limitations de vitesse.

 

Les contrôles mobiles sont par définition non signalés en amont. Tous les types d'outils de contrôle doivent être déployés au bénéfice de la réduction du nombre d’accidents et de victimes.

 

15. Assurerez-vous la qualité du dispositif de retrait de points ?

Naturellement. C’est la crédibilité de la sanction qui est en jeu. De manière générale, je me suis prononcé pour l’application sans faille des peines et des sanctions prononcées, ce n’est pas pour accepter que des pénalités pour excès de vitesse soient traitées avec une négligence coupable. Qui dit contrôle dit sanction aux contrevenants, et qui dit sanction dit efficacité du système de pénalisation. Il ne peut y avoir de tolérance à géométrie variable sur cette question très lourde de la sécurité routière.

 

16. Créerez-vous une expertise technique des infrastructures routières comportant une programmation de la réduction des risques liés aux obstacles verticaux ?

 

La question de la qualité des infrastructures est une question importante, qui dépasse d'ailleurs celle des obstacles verticaux dont nous savons qu'ils aggravent la violence des accidents. Beaucoup d'initiatives techniques ont été prises sur le sujet : installation de glissières métalliques entre la route et les arbres, replantage des arbres au-delà des fossés, protection des piles de ponts par des murets ou des glissières, etc. Il faut poursuivre ses améliorations et en penser de nouvelles.

 

Pour cela, je souhaite que la sécurité routière et les gestionnaires routiers travaillent étroitement ensemble, en lien avec les centres scientifiques de l'Etat, comme l'IFSTTAR notamment, particulièrement en pointe sur les questions de sécurité routière. Différents projets de recherche et développement sont d'ailleurs en cours, je m'assurerai de leur financement.

 

Je veillerai également, sur les routes nationales qui sont du domaine de l'Etat, à ce qu'elles bénéficient d'un budget d'entretien suffisant pour que les routes, leurs équipements de sécurité, la signalisation soient en bon état et que les défauts d'entretien ou l'absence de régénération de la chaussée ne soient plus un problème. Dans les années passées, l'entretien des routes a trop souvent été une variable d'ajustement budgétaire. Il suffit de regarder l'état des chaussées, des équipements routiers pour constater que la situation s'est dégradée. Tous les rapports officiels pointent cette défaillance. La sécurité routière impose que nous ne négligions plus cette question.

 

La promotion inadaptée des médicaments :

 

17. Introduirez-vous les associations de patients et d’usagers dans les instances qui délivrent l’autorisation de mise sur le marché des médicaments et dans celles qui surveillent leur efficacité et l’apparition d’effets toxiques ?

 

18. Interdirez-vous aux laboratoires pharmaceutiques la promotion de leurs produits par des visiteurs médicaux ?

 

19. Vous engagez-vous à donner à l’université et aux instances conventionnelles agrées par les pouvoirs publics l’exclusivité de la formation médicale continue ?

 

20. Interdirez-vous toutes les formes de promotion des produits présentés comme susceptibles d’améliorer la santé et dont l’efficacité n’est pas démontrée ?

 

Les questions que vous soulevez font émerger trois thématiques particulièrement importantes du champ de la politique du médicament : la représentation des patients au sein des instances en charge de la politique du médicament, l’encadrement plus strict de la promotion des médicaments et le financement de la formation médicale continue.

 

Je partage votre idée selon laquelle la présence des patients dans les organes de décision de la politique du médicament est indispensable.

 

Vous conviendrez avec moi que ce sujet a connu des évolutions importantes dans la période récente. Du côté de la sécurité sanitaire, les associations de patients sont représentées au sein du conseil d’administration de l’agence nationale de sécurité des médicaments et au sein des commissions consultatives. Elles sont par ailleurs associées au fonctionnement de l’ANSM par l’intermédiaire d’un  groupe d’interface.

 

Les patients peuvent également procéder à des signalements d’effets indésirables en renseignant un formulaire mis à leur disposition sur le site de l’ANSM.

 

Du côté de l’évaluation des produits, les patients sont désormais membres des commissions de la HAS chargées de l’évaluation des produits de santé et sont invités à apporter leur contribution aux évaluations à travers une procédure spécifique.

 

Compte tenu du caractère relativement récent de ces nouvelles mesures, il sera utile de procéder à leur évaluation courant 2018 avant d’explorer les moyens d’aller plus loin.

 

Selon moi, dans le contexte actuel, le sujet qui doit faire l’objet d’une attention prioritaire est celui de la transparence de la fixation des prix. Cette transparence ne pourrait qu’être améliorée par l’octroi d’un siège aux usagers, avec voix délibérative, au sein du comité économique des produits de santé. Outre son caractère novateur, cette proposition rejoint les préoccupations que vous exprimez dans votre questionnaire. Certes le CEPS n’est pas compétent en matière de sécurité, mais il a un rôle important à jouer dans le bon usage des médicaments et leur suivi en vie réelle.

 

Sur la question de la promotion médicale, et de l’efficacité, comme vous le savez ces questions sont organisées par la réglementation européenne. Il sera cohérent avec mon engagement européen d’agir dans le cadre de ces dispositions. Ce cadre nous permet toutefois d’agir, et vite, pour répondre aux problématiques soulevées par votre groupe d’expert avec des réponses concrètes, crédibles et dénuées de toute démagogie.

 

Je suis favorable à une action volontariste d’encadrement de la promotion médicale à l’hôpital. Il s’agit d’un point nodal d’une action efficace en matière de contrôle de la promotion médicale, qui a été trop négligé par les pouvoirs publics jusqu’à aujourd’hui. Très rapidement après mon élection, une circulaire viendra encadrer l’organisation de la promotion médicale.

 

Simultanément, le CEPS sera invité à sanctionner les laboratoires qui ne respectent pas les règles relatives à l’organisation de la promotion médicale et notamment le respect des référentiels élaborés par la HAS dans le cadre de la réglementation existante. Dans un premier temps ces sanctions seront pécuniaires.

 

Ces premières réponses seront complétées par une politique volontariste en matière européenne. Comme vous le savez, je souhaite que la France soit candidate à l’accueil de l’agence européenne du médicament qui est aujourd’hui installée à Londres. Cette candidature ne vise pas simplement à accueillir une institution européenne en France, elle s’inscrit dans un projet plus large visant à porter une conception rigoureuse du rôle de l’agence européenne du médicament en matière de sécurité. Comme vous, je considère que la sécurité doit être le socle et l’objectif principal de toute politique du médicament, et comme vous, j’observe qu’il s’agit, à juste titre, d’une attente forte de nos concitoyens.

 

Je souhaite que la France retrouve un rôle important auprès de l’agence européenne pour porter la parole des patients et de leurs préoccupations en matière de sécurité, et que la France porte ses sujets dans les instances communautaires pour faire évoluer la réglementation européenne en matière de sécurité et d’efficacité. Je souhaite qu’à travers cette politique l’Europe illustre la protection qu’elle accorde à ses citoyens.

 

Ce sujet est déjà central au regard des considérations de sécurité qui vous préoccupent. Il acquiert une importance supplémentaire au regard des bruits de réforme de l’agence américaine. À ce stade il convient de rester prudent, mais je comprends que cette réforme pourrait se traduire par une réduction des contraintes pesant sur les laboratoires afin de leur permettre d’amener leurs produits sur le marché avec des données encore plus réduites que celles qu’ils doivent fournir aujourd’hui. Si cette évolution se produit, les autorités européennes devront affirmer les exigences de leur propre politique de sécurité. C’est donc un sujet particulièrement préoccupant et qui retiendra toute mon attention.

 

Enfin, je suis très attaché à la mise en place d’une formation médicale continue de qualité portée par les professionnels de santé pour les professionnels de santé avec des objectifs clairs de qualité, de transparence et d’indépendance. Le rôle de l’université doit être majeur, il faut renforcer le poids aujourd’hui bien trop faible, de l'université dans les programmes et les enseignements. Nous devons lancer un grand chantier pour que le financement des formations et congrès soit demain un financement public, pourquoi pas via une taxation du CA de l'industrie à hauteur de ce qu'elle met aujourd'hui dans le secteur ?